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23/02/2008

Bad News from the stars........

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C'est un dessin de notre Ballouhey national du monde qu'on en a qu'un comme lui et que même qu'on en fera pas un élevage...

09/02/2008

l'application de la théorie du battement d'ailes de papillons....

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LE MONDE | 08.02.08 | 15h21 • Mis à jour le 08.02.08 | 15h21

Pour la première fois, un insecte est parvenu dans la nature à développer une résistance à une toxine produite par une plante génétiquement modifiée pour l'éradiquer. Helicoverpa zea, une noctuelle ravageuse du coton, vient d'administrer aux Etats-Unis une démonstration brillante de la théorie de l'évolution : quand une population est soumise à une pression de sélection, la survenue de mutations peut favoriser sa perpétuation.

Un tel phénomène de résistance aux toxines sécrétées par des OGM avait déjà été induit en laboratoire. Mais il n'avait encore jamais été détecté dans les conditions d'agriculture réelle, rapporte un article mis en ligne le 7 février par la revue Nature Biotechnology.

Bruce Tabashnik et ses collègues de l'université de l'Arizona y présentent leur compilation d'une décennie d'études conduites sur six espèces d'insectes visés par des toxines produites par des cotons et des maïs transgéniques cultivés en Australie, en Chine, en Espagne et aux Etats-Unis. A ce jour, notent-ils, seule Helicoverpa zea est parvenue à résister à une toxine, Cry1Ac, produite à partir d'un gène tiré de la bactérie Bacillus thuringiensis (Bt).

Les premières chenilles de papillon résistantes ont été détectées à partir de 2003, dans des champs de l'Arkansas et du Mississippi. Certaines étaient capables de survivre à des doses de toxine 500 fois plus élevées que celles tuant ces insectes, dans les mêmes parcelles, avant l'introduction de ce coton dit Bt.

MAINTIEN DE ZONES "REFUGES"

Pour faire face à ce phénomène de résistance, les promoteurs des OGM préconisent le maintien de zones "refuges", semées en plantes conventionnelles, où sont conservées des populations d'insectes sensibles à la toxine ayant pour avantage de "diluer" par croisement le caractère résistant des individus mutants.

Cette stratégie semble fonctionnelle, mais à condition que les refuges soient "abondants", prévient M. Tabashnik : en Arkansas, où 39 % de la population d'Helicoverpa pouvaient trouver pitance dans des champs non OGM, la résistance a pu apparaître et pourrait, au rythme actuel, être totale d'ici neuf ans.

Au contraire, en Caroline du Nord, où ce pourcentage de refuge était de 82 %, la fréquence de la résistance sera encore presque nulle dans dix ans, prédit-il.

Hervé Morin
Article paru dans l'édition du 09.02.08

08/02/2008

Jusqu'à la lie....

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Tableau de Bob de Groof

Pour ceux qui en doutait encore voici la preuve qu'on est bien revenu dans La France d'Après, celle de L'ORTF, de la voix de son maître, de l'oeil et l'oreille de Moscou... Celle d'avant les gauchistes par qui toute faute originelle est arrivée... La mondialisation, la Balkanisation....
Allez jeter un oeil si vous le pouvez encore... M'est souvenir de lectures de témoignages du camps de Gurs et d'Argelès sur Mer... D'un livre de Lisa Fittko "Passeur d'espoir"... d'un malaise mal guérissable... On savait mais on n'a rien fait par lâcheté... Que dirons-nous à ceux qui nous suivront.

Allez un oeil dans les poubelles de l'histoire, juste un dernier pour la route en cliquant ici pour ceux qui ont raté ce morceau d'anthologie journalistique servit au sinistre de l'identification pour justifier l'injustifiable...rediffusion cette nuit d'une ration de soupe populiste pour électroencéphalogramme plat...

27/01/2008

Malaise dans la Civilisation...

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dessin Yves Budin

par Régis Debray

"L'instituteur ne pourra jamais remplacer le pasteur ou le curé parce qu'il lui manquera toujours la radicalité du sacrifice de sa vie et le charisme d'un engagement porté par l'espérance." Qu'en auraient pensé, devant le peloton d'exécution, Jean Cavaillès, Marc Bloch, Jean Prévost, Léo Lagrange ? Ils avaient assez de foi en eux pour hausser les épaules. Mais du temps où il y avait une gauche en France, cette injure - dans la bouche d'un président de la République - eût mis un million de citoyens sur le pavé. Une "politique de civilisation" ? Certes, mais laquelle ? Chacune se définit par sa façon de souder ou de distinguer le temporel et le spirituel. Des Eglises libres de l'Etat, dans une nation élue, comme aux Etats-Unis, ce n'est pas un islam inféodé à l'Etat, comme en Turquie, ni un Etat libre des Eglises, comme en France, fille de sainte Geneviève et de Diderot. Après d'heureux aperçus sur le considérable apport du christianisme, le discours du Latran a dérivé vers une falsification de notre état civil. Et la prière psalmodiée dans la capitale du fanatisme, Riyad, louant Dieu comme "le rempart contre l'orgueil démesuré et la folie des hommes", oublie que le Dieu unique a été autant cela que son contraire.

C'est entendu : si aucune civilisation ne peut vivre sans valeur suprême, le temps est passé des messianismes de substitution qui demandaient à un accomplissement politique de pallier mort et finitude. Une république laïque n'a pas à promouvoir une quelconque Vérité, révélée ou "scientifique". Mais que notre chose publique, par une chanceuse exception, se soit affranchie, en 1905, des religions établies ne la réduit pas à une courte gestion de l'économie, notre intouchable état de nature. Enraciné dans l'instruction publique, le projet républicain d'émancipation a sa noblesse. Il y a un code des libertés publiques, mais la Fraternité n'est pas réglementaire. C'est une fin en soi, qu'on peut dire transcendante, sur laquelle peuvent se régler pensées et actions.

Tout citoyen à la recherche de ce qui le dépasse se verrait enjoint de regarder l'au-delà ? Cela revient à délester la République de toute valeur ordonnatrice. Il y a loin de l'enseignement laïque du fait religieux, que j'avais recommandé, que l'Assemblée nationale a approuvé, à ce détournement dévot du fait laïque. Notre propos n'était pas d'humilier l'instit pour vanter l'iman ou le pasteur. Mais d'étendre les Lumières jusqu'au "continent noir" des religions, non de les abaisser. Encore moins de les éteindre. "La mystique républicaine, disait Péguy, c'était quand on mourait pour la République. La politique républicaine, c'est quand on en vit." Cette dernière ne sera pas quitte envers la première avec une gerbe de fleurs le 14-Juillet ou une belle envolée quinquennale. Faut-il, parce que les lendemains ne chantent plus, remettre aux détenteurs d'une Vérité unique le monopole du sens et de la dignité ? Entre la high-life et la vie consacrée, il y a le civisme. Entre le top model et Soeur Emmanuelle, il y a l'infirmière, l'institutrice, la chercheuse. Entre l'utopie fracassée et le Jugement dernier, il y a ce que l'on se doit à soi-même, à sa patrie, à autrui, à l'éthique de connaissance, au démon artistique. Ces transcendances-là, qui se conjuguent au présent, sans dogme ni magistère, ne sont pas les seules, mais elles ont inspiré Marie Curie, Clemenceau, Jean Moulin, Braque, Jacques Monod et de Gaulle (dont la lumière intérieure n'était pas la religion, mais l'histoire). Etaient-ce des professeurs de nihilisme ? Dans le rôle du mentor et du liant entre factions, la franc-maçonnerie des rich and famous semble avoir remplacé celle des loges radicales d'antan, moins flashy mais plus éclairante. Faut-il, parce que le Grand Occident succède au Grand Orient, réduire le gouvernement à une administration, la scène nationale à un music-hall et la foi religieuse au statut de pourvoyeuse d'espérance aux désespérés ? Après l'opium des misérables, l'alibi des richards ? Les vrais croyants méritent mieux.

Au forum, la frime, à l'autel, l'authentique ? Dieu pour les âmes, l'argent pour les corps, ceci compensant cela. C'est l'idéal du possédant. Ce cynique équilibre entre indécence matérialiste au temporel et déférence cléricale au spirituel soulagerait nos élus de leurs obligations d'instruire et d'élever l'esprit public en payant d'exemple. Ce grand écart est possible dans un pays-église, formé au moule biblique, où neuf citoyens sur dix croient en l'Etre suprême et où l'Evangile peut faire contrepoids au big money. La France, où un citoyen sur dix reconnaît l'Inconnaissable, n'est pas la "One Nation under God". Les civilisations ne se délocalisent pas comme des stock-options ou des serials télévisés - anglicismes désormais de rigueur. Fin des "Chênes qu'on abat", à La Boisserie, face à la forêt mérovingienne. "S'il faut regarder mourir l'Europe, regardons : ça n'arrive pas tous les matins. - Alors, la civilisation atlantique arrivera..." Encore une prophétie gaullienne confirmée ? Le divin atlantisme désormais à l'honneur donne congé à une tradition républicaine biséculaire au nom d'une tradition théodémocratique inexportable.

L'actuel chef de l'Etat s'est donné dix ans pour rattraper le retard de la France sur la "modernité", nom de code des Etats-Unis, passés maîtres des arts, des armes et des lois. Et voilà que, sur un enjeu crucial où nous avions de l'avance sur la Terre promise des people, un born-again à la française nous mettrait soudain en marche arrière ? Bientôt la main sur le coeur en écoutant La Marseillaise ? Les lapins, faute de mieux, feront de la résistance.

20/01/2008

Ciel de lune (extraits)

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Quand on voyage, on sait quand on part. Jamais comment, ni quand, ni si on reviendra un jour. Comme les migrateurs, on passe d’un continent à l’autre, au fil des saisons de la vie, et on revient parfois mourir à la case départ en suivant la trajectoire des saltimbanques comme un trapéziste, un musicien volage, un chemineau tricard, un voleur de poules. En partance pour l’espoir, à fond de cale ou au bord d’un quai, ces clandestins aux dos mouillés du Rio Grande, ces rouliers qui filent en direction de l’ouest, traversent rivières et deltas, marais et montagnes pour découvrir un autre possible. Le nez rivé sur le fil de l’horizon. Dans cette maison, j’avais eu l’impression d’y revenir après un siècle d’errance, pour m’enraciner à nouveau dans ces terres quittées par obligation.
Aux nôtres, ce pays n’a laissé que la peau sur les os et a offert la fuite comme seul salut. Et depuis, avec ceux de ma tribu insoumise à tous les pouvoirs depuis tant de siècles, nous errons. Parce que les nouveaux arrivants nous ont chassés de nos terres. Hommes de terres arides, irriguées par les sources venant des hauteurs enneigées. Il n’y a pas pire climat que sur ces terres-là : sec et venteux, brûlant et froid. Quand la pluie tombe, c’est seulement un peu, parfois. Par endroits émergent des failles vertes, dans le repli des collines, de petites parcelles en espaliers, arrachées et défendues dans ce paysage lunaire, irriguées par un filet d’eau chichement partagé.
L’administration coloniale ne s’est pas salie les mains pour mettre les nôtres au pas. Elle s’est contentée de sous-traiter le travail au pacha de Marrakech, le Glaoui, dont tous vantait l’efficacité de la méthode. Le monde civilisé a fermé les yeux, seul importait le résultat. Il a levé sa harka à Tazert en mille-neuf cent vingt et un et il est monté dans le haut Atlas faire régner l’ordre des temps modernes. Il s’est approprié les terres, a laissé mourir les vieux, envoyé les femmes dans ses bordels, réduit en esclavage les plus jeunes. Les têtes des nôtres ont pourri sur une pique place Jemaa el Fna. La nostalgie est inutile. Elle ne donne rien de bon. De la rancune, sur le temps passé… Un jour, il faudra bien pourtant aller chercher par-là pour comprendre ce qui s’est passé. Ecrire l’histoire des nôtres. Laisser une trace sur le papier et leur redonner la noblesse de la fierté qui leur a été volée. Ecrire, encore écrire, contre le mensonge.
À quoi sert-il d’avoir un passé quand il faut à nouveau partir ? Accepter de n’être qu’un rhizome qui dérive au gré des fleuves et des courants pour prendre racine dans chaque coin de terre, dans chaque espace le permettant. Tel est devenu notre destin. Ici aujourd’hui, demain là-bas. Avancer tant que la vie le permet. Des nuages dans les yeux, des mirages dans le ciel et des miracles à portée de la main.


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19/01/2008

En voila une excellente nouvelle...

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c'est du beau, du bon, du Ballouhey....

17/01/2008

C'est la faute à Rousseau

L’article 104 de Maastricht (qui est devenu l’article 123 du traité de Lisbonne).
Il dit ceci : « Les États n’ont plus le droit d’emprunter auprès de leurs banques centrales ». Pour le commun des mortels c’estincompréhensible.
De quoi s’agit-il ?

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Peinture: Jean-François Veillard
Retrouvez son travail en cliquant dans la colonne de gauche sur JF de Menilmontant.....

Depuis des siècles, les États ont abandonné une partie de leur pouvoir de créer la monnaie aux banques privées : les banques ont obtenu des gouvernants, très certainement par corruption, le droit (fondamental) de créer la
monnaie. Mais au moins, jusqu’à une période récente (1974 en France), les États partageaient encore avec les banques privées le droit de créer la monnaie : quand un État avait besoin d’argent pour créer des voies ferrées, des logements ou des hôpitaux, l’État créait lui même sa monnaie, et il ne devait pas payer d’intérêts pendant les remboursements - ne relâchez pas votre attention et n’oubliez pas : c’est le point crucial, celui qui vous condamne aux travaux forcés au profit de rentiers oisifs. C’est comme cela que l’État créait la monnaie : l’État
empruntait auprès de sa banque centrale (qui créait cette monnaie pour l’occasion) et, au fur et à mesure où l’État remboursait cet emprunt, la Banque centrale détruisait cet argent, mais sans faire payer d’intérêts à l’État !
Depuis 1974 en France, à l’époque du serpent monétaire européen, l’État —et c’est sans doute pareil dans les autres pays européens— s’est interdit à lui-même d’emprunter auprès de sa banque centrale et il s’est donc lui-même privé de la création monétaire. Donc, l’État (c’est-à-dire nous tous !) s’oblige à emprunter auprès d’acteurs privés, à qui il doit donc payer des intérêts, et cela rend évidemment tout beaucoup plus cher.
Dans quel intérêt ? L’intérêt général ?
Vous plaisantez, sans
doute ! Je vous fais remarquer que, précisément depuis 1974, la dette publique ne cesse d’augmenter et le chômage aussi. Je prétends que c’est lié. Ce n’est pas fini : depuis 1992, avec l’article 104 du traité de
Maastricht, cette interdiction pour les États de créer la monnaie a été hissée au plus haut niveau du droit : international et constitutionnel. Irréversible, quoi, et hors de portée des citoyens. On ne l’a dit pas clairement : on a dit qu’il y avait désormais interdiction d’emprunter à la Banque centrale, ce qui n’est pas honnête, pas clair, et ne permet pas aux gens de comprendre. Si l’article 104, disait « Les États ne peuvent plus créer la monnaie, maintenant ils doivent l’emprunter auprès des acteurs privés en leur payant un intérêt ruineux qui rend tous les investissements publics hors de prix mais qui fait aussi le grand bonheur des riches rentiers, propriétaires de fonds à prêter à qui voudra les emprunter », il y aurait eu une révolution.
Ce hold-up scandaleux coûte à la France environ 80 milliards par an (*) et nous ruine année après année ; mais on ne peut plus rien faire. Ce sujet devrait être au coeur de toutes nos luttes sociales, le fer de lance de la gauche et de la droite républicaines. Au lieu de cela, personne n’en parle. C’est consternant.

12/01/2008

Du coté des utopistes

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L'association Tabaa Ninga, créée en Haute-Garonne, a pour objectif de financer la transformation d'un autocar en centre de soins mobile.
TABAA NINGA veut dire en MOORE : "on est là pour s'aider".
C’est une association à qui a été donné un car de ramassage qui transportait des enfants en France et qu'une équipe d'amis a décidé de transformer en DISPENSAIRE MOBILE DE SOINS pour aller soigner les plus défavorisés au BURKINA FASO et ailleurs.

Là-bas, un homme meurt à 42 ans.
Là-bas une femme meurt en moyenne à 47 ans...
... Comme au moyen âge chez nous avant.
Là-bas, il faut faire parfois 50 Kms pour faire soigner son enfant qui meurt quelquefois avant.
Rien que pour çà il faut le faire.
Là-bas la mortalité des enfants est de près de 70%...
Parce qu'il est INADMISSIBLE qu'au XXIème siècle près de nous, des enfants meurent faute de soins à proximité.
Parce que ce rêve humaniste nous voulons le réaliser, nous cherchons un budget de 200.000 € pour le faire réaliser par des bénévoles professionnels.
Notre car comprendra 3 espaces :
Un espace extérieur sous auvent pour tous les soins légers ; un espace soins lourds à l’intérieur ; et un espace de vie pour 1 médecin et 2 infirmières.
Ce projet est novateur, clonable et ambitieux.
Nous avons aussi eu l’idée de mobiliser les bonnes volontés, mais en traduisant ces horreurs quotidiennes par des messages d’amour et d’HUMOUR porteurs d’espoirs (cf. notre Blog !)
Tabaaninga
Nous voudrions éditer un livret qui pourrait être vendu, recueil d’environ 50 dessins portant sur ce bus, l’Afrique, les soins, les médecins, les infirmières, ce projet, TABAA NINGA, ou toute autre idée qui prêterait à sourire dans ce monde de brute.
Nous imaginons bien sûr dans celui-ci réserver une double page pour tous les amis dessinateurs qui nous aideront dans cette récolte de fonds indispensables OU NOUS METTRONS LEUR SITE ET LEURS LIVRES PARUS.
Il faut préciser que TOUT le fonctionnement est bénévole, ni frais, ni salaires, tout à 100% est investi.

MERCI A TOUS DE VOTRE ECOUTE ET DE VOTRE AIDE SI CELA VOUS EST POSSIBLE.

Prenez contact avec nous pour vos DONS & AIDES !
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Bon de commande de l'album en cliquant ici

100 dessins, 40 dessinateurs : Aurel, Babouse,
Ballouhey, Barros, Bauer, Bézian, Biz, Brito, Brouck, Cambon, Carali, Caritte, Catherine Beaunez, Chacha, Chimulus, Colonnier, Delambre, Deligne, Faujour, Glez, Goubelle, Haddad, Herlé, Isa, Jiho, Lefred Thouron, Lerouge, Lindingre, Mutio, N'Guessan, Pichon, Plantu, Remi Malingrey, Samson, Sibylle Delacroix, Tignous, il est à vendre il faut l'acheter, il est très beau très drôle, très émouvant.
Et ça soigne de petits n'enfants qui-z-ont du bobo.
dixit Ballouhey....


Association Tabaa Ninga
DRAY
BP 1
31380 GRAGNAGUE

16/12/2007

La très belle histoire du vigneron bourguignon candide et de son ouvrier sans-papiers aux prises avec la diabolique administration...

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collage Maryvonne Le Quellec

Source: Libération
Alice Géraud

C’est un «vieil homme de la vieille droite», comme il dit, qui semble avoir subitement égaré ses certitudes. Un notable bourguignon qui porte beau la casquette Sherlock Holmes, vouvoie son épouse, mais se met à dire des jurons la voix gonflée de colère. Un employeur qui ne comprend pas pourquoi on lui a «enlevé» son salarié. Un monsieur qui pleure un ami. Michel Millet, riche propriétaire de vignes sur la côte chalonnaise, avait rencontré Benali Sahnoune en 2005, via une de ses connaissances parmi la communauté harki.
Millet est un ancien officier de l’armée française en Algérie. Il en a conservé un vocable suranné aux accents plus paternalistes que colonialistes à l’égard de la communauté arabe. Benali Sahnoune, algérien, était alors clandestin en France, il n’avait pas de boulot. Millet l’a fait embaucher sur le domaine viticole de sa fille. Petit à petit, le travailleur clandestin a appris le métier de la vigne. Il a commencé par trier les sarments, puis se familiarisant, il a appris à les attacher, à ébourgeonner, à tailler… «C’est un bon vigneron», dit Michel Millet. Mais, la semaine dernière, alors qu’il se rendait sur le domaine de Châtenoy-le-Royal (Saône-et-Loire), Benali Sahnoune a été arrêté sur la route par les gendarmes et emmené au centre de rétention administrative de Lyon. Il doit être expulsé d’un jour à l’autre vers l’Algérie. Michel Millet a d’abord été en colère. Puis il a pleuré. L’histoire de Benali Sahnoune se confond avec celle des milliers de clandestins expulsés chaque année. En 2002, il a fui le nord-ouest d’Alger, région sinistrée par la guerre civile, laissant sur place femme et enfants, pour espérer trouver un travail en France. Il a rejoint Chalon-sur-Saône, où son père est installé depuis 1962, sa mère et ses frères et sœurs (français, eux) depuis une quinzaine d’années. Il s’est vu refuser, comme la plupart des Algériens, le statut de réfugié. A quand même trouvé du boulot. Déclaré. Il pensait que cela plaiderait pour sa régularisation. Il s’est trompé.

Lors de son arrestation, il a montré ses feuilles de paie, ses cotisations à la Mutuelle sociale agricole… «Ils m’ont dit que ça ne servait à rien.» Benali Sahnoune est résigné. Michel Millet, son employeur, n’y arrive pas. Benali Sahnoune sait que «c’est comme ça». Michel Millet ne le savait pas. Cet homme de 73 ans vient de découvrir une France qu’il ne connaissait pas. Celle «des humiliations» et «du mépris». Comme sa fille, il a été convoqué chez les gendarmes. Il lui a été signifié qu’il pouvait être poursuivi pour «aide à l’entrée, au séjour et à la circulation d’un étranger en situation irrégulière». Le procureur n’a pas voulu donner suite. Mais Michel Millet n’est pas dupe : «On est une famille de notables convenables, cela explique.»

Quelques jours après l’arrestation de Benali Sahnoune, il s’est rendu avec Zerka et Amoulkeir, les deux sœurs de Benali, au centre de rétention administrative de l’aéroport de Lyon. Après deux heures de route, ils ont sonné au centre de rétention. On leur a demandé d’attendre sous le vague Abribus qui fait office de salle d’attente. Au bout de trois quarts d’heure dans le froid, croyant avoir été oubliés, ils ont resonné. Les policiers sont sortis, leur ont fait comprendre que leur impatience était de mauvais aloi. Ils ont été sanctionnés d’une privation de visite et sont repartis à Chalon. La colère au ventre. Avec un accent bourguignon comme on n’en entend plus, le «r» roulant et traînant, Michel Millet peste contre «cette droite de cons».

L’ancien président local de la CGPME (le très droitiste syndicat des petits et moyens patrons), qui fréquente le ban et l’arrière-ban des notables chalonnais, a des gros mots pleins la bouche contre la politique d’immigration de la France, la politique tout court et ses représentants. A sa femme qui s’inquiète de le voir sortir de ses gonds face à la presse, il répond : «Ne vous inquiétez pas Geneviève, je sais que je parle à un journal de gauche, je prends toutes les précautions d’usage.» Les sœurs de Benali sourient. Parfois le taclent sans ménagement.

Curieux trio que ce monsieur aux allures de gentleman-farmer version bourguignonne de la IIIe République et ces deux jeunes femmes portant le voile et le verbe haut. Ils sont retournés ensemble mercredi au centre de rétention pour un dernier au revoir à Benali. Cette fois-ci, ils ont pu entrer. Ils lui ont apporté sa valise et quelques cadeaux pour la famille au bled. Ils ont droit à vingt minutes d’entretien. Dans la salle aux murs blafards, personne n’arrive vraiment à parler. Michel Millet répète : «C’est ridicule tout ça.»


QUOTIDIEN : samedi 15 décembre 2007

15/12/2007

Le chant des gnaouas

ABDELJALIL KODSSI

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l'étrange destin du barbier de la place Jemma el Fnaa


Sur le net je cherchais des informations sur Geoffrey Oryema, je suis tombé en arrêt devant la photo d'Abdeljalil dont j'avais perdu la trace. Il n'était plus coiffeur sur la place Jemma el Fnaa et je n'avais pas retrouvé son adresse, car il avait quitté Marrakech pour Barcelone. C'est grâce à feu Jean Michel Zangronitz, alors directeur du centre culturel français de Marrakech que je l'avais rencontré et nous avions sympathisé. J'avais lu des textes avec lui en accompagnement et son groupe Mluk el Hawa, lors d'une soirée dans le théâtre de plein air du centre route de la Targa, noir de monde. Lui et son groupe on déchaîné l'auditoire. C'est là que j'ai vu pour la première fois des gens en transe. A l'époque le groupe Mlouk el Hawa répétait dans la maison que Juan Goytissolo leur prêtait en son absence. La voix d'Abdeljalil était déjà puissante, envoutante, chaleureuse.

J'avais écrit ce texte, publié dans la revue propos de campagne, en pensant à lui...


Assis chez le barbier, j'ai contemplé le bruit furieux de la place rouge. Offert la gorge tendue je regardais dans la glace cet homme qui affûtait une lame luisante. Et s'il lui venait l'idée de me trancher la gorge ?
J'ai eu un moment de panique. D'une main le coiffeur me tendait la peau, de l'autre tenait le rasoir. La caresse du métal me rongeait les poils. J'ai fermé les yeux pour ne pas montrer mon désarroi. La lame en grattant lentement glissait sur mes veines.
Le bruit de l'acier se répercutait dans les mâchoires. Aucune expression sur le visage du barbier ne laissait présager un tel dessin. J'avais choisi d'accepter et je pensais que quoi qu'il advienne, en me soumettant à la mort, je renaîtrais à mon destin.
Quelqu'un décidait à ma place et me laissait la possibilité de vivre. Je n'avais plus à choisir. Peut-être ne me tuerait-il pas, mais prendrait-il le soin de me balafrer affreusement. Mon sang giclerait sur les flacons de parfums, le fauteuil, le miroir, la céramique blanche. Sur le visage il m'a passé de l'eau chaude, puis froide après m'avoir massé avec un onguent. Il m'a détaché la serviette du cou. Je payais et sortais heureux d'être encore vivant. La cigarette du barbier au parfum gras de haschich achevait de se consumer dans le cendrier.


au devenir d'un Maalem gnaoua



Fils d’une famille gnawa de la région de Marrakech, le chanteur et multi-instrumentiste Abdeljalil Kodssi a officié depuis son enfance au sein de nombreuses formations gnawa, ce « blues du maghreb ». Co-fondateur des mythiques Nass Marrakech, il a joué et enregistré avec des pointures aussi diverses que Al Tall, Jorge Pardo ou Don Cherry.
Après sa carrière avec le groupe Nass Marrakech, et un premier projet solo, Mimoun, produit par Omar Sosa, Abdeljalil Kodssi revient avec Oulad Fulani Ganga, un album enregistré avec Javier Mas.
Riche de ses expériences musicales et humaines, il a édité son album intitulé Mimoun (la chance). Il a facilement convaincu Omar Sosa de jouer avec lui, tellement convaincu que le cubain a décidé de produire l’album !


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KODSSI est comme une figure hybride entre les grandes figures du rock, du jazz, du flamenco et de la musique gnawa, avec son adoption de l'art comme mode de vie. Il résiste à toutes formes de réduction de son art de jouer et de chanter, qui est sa forme d'être. Kodssi se maintient contre vent et marées comme un homme de la rue qui ne conçoit pas la vie sans musique, la musique sans vie : la vie sans vie.

Musicien, barbier, acteur, économiste, bricoleur et médium, dans chaque geste et dans chaque sourire de cet homme, se matérialise un instinct de fraternité. Balsamique, invincible, mythique, ce tendre grand frère de tous, Abdeljalil Kodssi, est le patriarche en fonction d'un clan imparable. Le prénom et le nom d'une certaine compréhension de la musique qui donne du sens à la vie."

VÍCTOR ANDRESCO Extraits de l'article portrait El Gran Hermano

à la reconnaissance internationale



1977: Abdeljalil Kodssi s'expatrie de son Maroc natal pour se dédier à la musique. Sur la place de Marrakech, dans son propre salon de coiffure, il régnait jusqu'à lors comme le meilleur barbier de la ville.

1980: Abdeljalil édite son premier album avec sa formation Mlouk El Hawa, s'en suit quatre autres avec une sortie annuelle et des tournées dans les pays arabes.

1984: Rencontre avec Juan Goytisolo qui va marquer un tournant décisif dans sa carrière artistique puisque c'est grâce à l'écrivain qu'Abdeljalil et son groupe sorte pour la première fois en Espagne à l'occasion de la présentation au public de l'une des oeuvres de l'écrivain. La rencontre a lieu dans le salon de coiffure d'Abdeljalil où les passants ont pour coutume de venir s'asseoir et prendre le thé. Juan Goytisolo découvre la musique de Jalil et decide de le présenter à son ami et plus grand rockeur espagnol Miguel Ríos, qui croit également au talent d'Abdeljalil.

1985: Les multiples apparitions d'Abdeljalil sur les scènes et dans les médias espagnols résultent très fructueux pour l'artiste: il joue avec son groupe dans les villes comme Madrid, Barcelone, Salamanque, Valence ... et entre en contact avec le groupe Al Tall qui leur facilite l'accès à la scène Française avec un premier concert à Marseille.

1986: Kodssi continue à jouer avec Mlouk El Hawa et sont invités pour la seconde année consécutive au Festival Troubadour de Valence. La collaboration artistique de Mlouk El Hawa avec le groupe Al Tall remporte un tel succès auprès du public, qu'ils décident d'enregistrer un album ensemble: Chirk El Andalus. C'est l'année où ils sortent également un nouvel album : Gemah El Frek. Abdeljalil continue son ascension en Espagne et au Maroc.

1987: Rencontre avec Hassan Hakmoun, musicien marocain vivant aux Etats Unis et qui collabore avec des musiciens tels Don Cherry et Peter Gabriel. A Berlin, Hassan présente Abdeljalil à Don Cherry, et Abdeljalil Kodssi est invité à jouer avec eux et Adam Ordorf à Berlin. S'en suit une tournée européenne en Autriche, en Allemagne, en Belgique, en Italie et en Suisse. Abdeljalil est invité aux tournées américaines et sa collaboration avec Hassan Hakmoun, Don Sherry et Adam Ordorf se maintiennent jusqu'en 1995, année de la mort de Don Cherry à Málaga.

1990: Kodssi rencontre Aziz et Sherif, les musiciens actuels de Nass Marrakech, au centre culturel français de Marrakech. L'entente artistique entre les trois musiciens est tellement fusionnelle, qu'ils décident d'enregistrer un album ensemble avec l'appui toujours de Juan Goytisolo.

1991: Nass Marrakech participe au prestigieux Festival GREC de Barcelone et le groupe s'établit définitivement dans la capitale catalane.

1995/1997: Années pendant lesquelles Abdeljalil Kodssi est sollicité par le groupe Ektal et Javier Mas, grâce aux multiples apparitions et succès remporté par Nass Marrakech sur la scène espagnole.

2000: Abdeljalil enregistre avec Javier Mas et Jordi Rallo, Tamiz, album de musique Arabo andalouse .La même année, il rencontre Omar Sosa au Womex de Berlin qui lui tombe dans les bras.

2001: Le second album de Nass Marrakech sort sous le titre de Bounderbala. Avec la colaboration artistique d'Omar Sosa, au piano, et Jorge Pardo, au saxophone.Elu meilleur album de l'année 2001 par l'Association Nord-americaine de Musique Indépendante.

2002: Publication du premier album Mimoun d'Abdeljalil Kodssi en solo, grâce à la réalisation et production artistique d'Omar Sosa pour Ventilador Music.

On trouve ses productions chez son éditeur espagnol Ventilador

IL est diffusé en france par Mosaic Music
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koi ki di wikipédia sur les ganouas?



Selon de vieux et rares érudits Gnaouis, la musique et les rituels Gnawas, tirreraient leurs origines du Vaudou. Ces pratiques ont du se métamorphoser pour survivre et adopter l'islam comme religion afin d'assurer leur continuité (de même pour leurs cousins qui ont dû adopter le christianisme en Amérique).

Les Gnaouas ou Gnawas sont les descendants d'anciens esclaves issus de populations d'origines d'Afrique Noire (Sénégal, Soudan, Ghana...) Il furent amenés par les anciennes dynasties qui ont traversé l'histoire du Maroc et en partie celles de l'Algérie et de la Tunisie, en commençant par l'empire Almohade pour les travaux et les bâtiments des palais et le renforcement des armées. La constitution en confréries des gnaouas à travers le Maroc s'articule autour de maîtres musiciens (les mâallems), des joueurs d'instrument (quasi exclusivement les qraqech - sorte de crotales - et le gambri), des voyantes (chouaafa), des médiums et des simples adeptes. Ils pratiquent ensemble un rite de possession syncrétique (appelé Lila au Maroc, Diwan en Algérie) et où se mêlent à la fois des apports africains et arabo-berbères pendant lequel des adeptes s'adonnent à la pratique des danses de possession et à la Transe.
Le festival d'Essaouira au Maroc est un haut lieu de rassemblement annuel de cette confrérie.


14/12/2007

Preuves à l'appui...

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Ai reçu ce mail qui m'a beaucoup fait rire...
Y a pas de raisons que je sois le seul à en profiter...

Cette chaîne a été commencée en 1625 par un moine capétien moldave éleveur de morues dans le but de sauver Thérèse, une petite fille gravement malade !
Aujourd'hui cette petite fille a 379 ans et elle est atteinte d'une hypertrophie des testicules et d'une fièvre affreuse de la grande thyroïde contractée lors d'un viol par un cerf en période de brame en forêt de Ramonville, à proximité d'une marre souillée par des déchets de matière fécale venue des égoûts du Chemin de Pécette.
De plus, lors d'un séjour au Zimbabwe, elle s'est fait bouffer une jambe par un ours blanc africain, espèce extrêmement rare qui a la particularité de sodomiser ensuite ses victimes.
Alors renvoyez s'il vous plaît ce message à tout votre entourage ! Et cela vous portera chance.
La preuve : En 1912, un jeune Irlandais fit suivre ce message par SMS. Dans la semaine, il se vit offrir une place pour la croisière inaugurale du plus prestigieux transatlantique britannique (titinac ou un truc de ce genre) direction New York. Lors de ce voyage il découvrit l'amour, les sorbets, et les bienfaits de la natation.
Ne gardez pas ce message sur votre ordinateur plus de 16 minutes sans quoi le mal sera porté sur vous à jamais.
La preuve : Il y a un peu plus de 2000 ans, un homme reçut ce message sur son ordinateur portable. Comme sa batterie était vide et qu'il ne pouvait pas la recharger vu qu'il n'y avait pas encore d'électricité à cette époque, il fut crucifié avec des clous rouillés et on lui mit sur la tête une casquette épineuse.

Ça fait tout de même réfléchir.
Alors n'hésitez plus ! Renvoyez ce message à tous vos amis. Cela leur portera chance :
Chaque fois qu'ils iront aux toilettes, il y aura du papier.
Chaque fois qu'ils achèteront des knackis à la volaille, y'aura 20 euro cents de réduction immédiate à la caisse.
Chaque fois qu'ils mangeront des moules, il n'y aura pas de petits crabes dedans (sauf pour ceux qui aiment bien).
Céline Dion deviendra aphone à vie.
Si vous le faites, en plus, vous recevrez prochainement un bon de réduction de 15 % valable dans tout le catalogue des 3 Cuisses (surtout à la page 69) et moi, je recevrai un bon de cuissage.
Ce message a fait le tour du monde 759 874 236 587 fois, ne brisez pas la chaîne !
Pour Thérèse, pour vous, pour moi, pour tous vos amis, ne brisez pas cette chaîne. Merci..."

Je chanterai pour toi

1960 :Le Mali indépendant se réveille chaque matin au son des chansons de Karkar (Boubacar Traoré), diffusées par la radio nationale. Il a tout juste 18 ans. « L’Elvis Presley Malien », au rythme de ses succès (« Mali twist », « Kayes-Bas » …), exhorte le pays tout entier à la reconstruction.
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Dès son jeune âge, Boubacar Traoré se passionne pour le football. Mais c’est en chapardant la guitare de son grand frère musicien qu’il se met à la musique, en autodidacte.

Dans les années soixante, dans un Mali devenu indépendant il multiplie les concerts et la radio diffuse ses chansons qui deviennent de véritables hymnes à ce pays en pleine reconstruction, plein d’espoir et de promesses.
Le succès est fulgurant ; Karkar est le chantre de ce nouvel élan. Il se souvient de cette époque de bohême : « Le peuple malien m’aimait. J’étais son Johnny Hallyday, son James Brown, mais je n’avais pas de quoi me payer des cigarettes. »

Dès la fin des années soixante, l’euphorie des commencements retombée, le Mali se fossilise dans une « révolution culturelle » de plus en plus rigide.
Le soir, les rues se vident, les cafés ferment, les guitares se taisent, la bohême s’achève et les contingences naturelles contraignent Boubacar Traoré à laisser de côté sa musique. Il travaille alors comme tailleur ou comme ouvrier agricole. « Si tu es marié et si tu as des enfants, tu ne peux pas faire de la musique, parce que tu ne gagnes pas d’argent avec. Alors je ne joue pas. » Ce silence durera plus de 20 ans.


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En 1981, la mort de son frère fait renaître le mythe : Le Mali tout entier dans la confusion, pense avoir perdu celui dont les chansons avait accompagné l’indépendance. Quelques années plus tard, des journalistes de la télévision malienne retrouvent par le grand des hasards Karkar bien vivant, derrière une table au marché de Kayes où il vendait des babioles. Ressuscité, il fait exploser le standard téléphonique de la chaîne à qui il donne une interview en direct.

Mais la confusion perdure : Le Mali ne fait pas le lien entre le mythe Karkar et le chanteur Boubacar Traoré.

En 1988, Pierrette, sa femme adorée, décède lors d’un accouchement. Anéanti, Karkar confie ses enfants à une vieille tante et, sur les conseils d’un ami, part en France pour refaire sa vie. Il erre alors pendant des années dans les foyers Sonacotra de la région parisienne et travaille comme maçon.
C’est un producteur de disques anglais qui, avec l’aide du directeur du Centre Culturel Français à Bamako, parvient à le convaincre de reprendre une guitare dont il ne voulait plus entendre parler : ils le décident à enregistrer son premier album : « Mariama ». Karkar revient alors s’installer à Bamako avec sa famille.


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11/12/2007

A compromis, choses dues...

On peut dire que la visite de Khadafi est un succés TOTAL...

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09/12/2007

Les Crobards de Malnuit

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Peinture de Malnuit


Tiens, un coup avec Chomé j’me rappelle… j’sais plus s’il habitait Grenoble ou s’il était venu exprès… ç’avait été la grande ballade. C’était toujours la grande ballade avec lui. Enfin la grande ballade… je veux dire qu’on écumait le royaume à grandes foulées, à toute vapeur… via Vladivostok par Tombouctou et Vancouver, n’importe quoi n’importe comment pourvu qu’ça bombe, et les courants d’air faut pas y craindre, ni le phylloxera, et ça tombait du plafond à chaque minute, toutes qu’on les a nettoyées bel et bien ces putains d’araignées, slarp avec la langue pendant des heures ; la fiesta ; ce lour-là ou un autre, j’dis bien c’était toujours la fête. Sûrement qu’ça tenait à ce qu’on était comme qui dirait 2 doigts de la main… Y’a des années qu’on se connaissait déjà, depuis le bahut au commencement ; on avait 10-12 ans ; c’était au quart de poil – et j’y pense, c’est ça le vrai dialogue, quand tu parles et t’as pas besoin de faire le détail on se comprend, pas de ficelles et pas de pièges à con et pas besoin de tâter le terrain, tu connais, c’est les yeux fermés, à l’aveugle, lui c’est le paralytique, une paire royale… et une paix royale ; parce que ça se passe dans la paix, et la confiance et l’abandon… Y’a rien à dire, c’est pas du racontable –
Ce jour-là on avait pas débandé. De bar en bistrot on a pt’être bien écumé la ville en égrenant nos chapelets – Parce que c’est comme la religion, causer, c’est comme la prière quand y’a la foi – et la foi… Au juste c’est pas qu’on l’avait… j’en sais rien ; mais ce qui est sûr c’est qu’on avait besoin de rien d’autre, tant qu’on était en train. On parlait de l’amour ; de la vie ; de la mort. On parlait de rien et de tout ; on assassinait et on accouchait en même temps ; c’était la vie parallèle, la vie ramassée, précipitée, et passée au tamis, des tonnes de graines à calibrer – ça c’est bon ça c’est pas bon – des kilomètres de rails avalés à 200 à l’heure, et le temps c’était du bidon, un épouvantail pour les oiseaux peureux, on s’en tapait on se perchait dessus les ailes en action et on se compissait, volupté et Cie, en attendant l’apocalypse… On dansait le calypso des vieilles nippes et on criaillait HOULA HOULAAAA pour faire crouler la charpente du bon Dieu ; c’te farce !… Qu’est-ce que c’était la vie ? Un point dans l’espace mental ; une chiure séchée sur la vitre de l’éternité ; pas ce qu’on en dit de par le monde des hommes en tous cas. Les hommes ? ce qu’on était nous-mêmes, là, à parler devant une bière, une saucisse dans le buffet et un abcès sous la dernière molaire inférieure : de la chair à pâté pour la poudre à canons ou du polystyrène à fabriquer des pions que les anges déplacent sur les fesses des élues-martyres en se curant les dents… Les mots avaient des ailes, et de la grâce, et du plomb dans les ailes et la mort aux trousses ; à volonté ; feu sur le monde à volonté, et sauve qui peut… La grande cavalcade, le jour où l’on dérouille, où l’on ouvre les portes et on en ferme d’autres, le jour du grand décompte, de la re-création, le ménage en grand et la vidange énorme, à toi, à moi, à toi, je tire , tu pares, on pousse, tiens aide-moi on va soulever ça, regarde cette couche, au panier, ouvre la fenêtre, fous-moi ça en l’air, t’as vu la lune elle pleure, t’entends – c’est quoi ? – je sais pas – tu vois rien ? – fait nuit totale – attends t’affole pas – file-moi une clope – écoute – ça bouge là-dessous – j’ai mal aux chailles – commande un sec ça étouffe la douleur – elle avait un petit sourire tu peux pas savoir – pas dègue cette allemande – c’est d’la Kronenbourg – j’te parle de cette fille là – et si Dieu existait qu’est-ce ça changerait ? – t’irais au trou, dans la trappe, crac – passe devant j’te suis – raison majeure : trop familier avec moi – suis flatté – et l’cul au rouge pendant 1000 ans – rigole pas ça m’lance – j’vais l’inviter à faire l’amour – je m’sens vieux mon vieux – ça vous passera avant qu’ça me prenne elle t’a dit ? – ouais – conne – de près pas si chouette que ça – tout à la fois – fait un billard ? – change de décor – la mer – mézigue c’est pareil – dans le ventre et dans la tête – avec des vagues comme ça – autre chose – depuis l’temps – cré salaud – savait pas à quoi s’en tenir – tait pourtant clair enfin – te mets jamais à la place des autres tu peux pas savoir – fff – t’aime bien comme ça vieux – des fois qu’ça voudrait – pas la différence – c’est qu’on va loin – tu crois qu’ça va péter un jour ? – pas – c’que tu veux – rien c’est extra – un trottoir, une ville, des lumières – une chance qu’on s’connaisse bien des fois – pareil tu crois pas ? – d’être ensemble – pareil aussi, rien, rien à part ! – vie de dormir, moi non plus non – la vie est pas c’qu’elle devrait être et elle l’est, obligé – ch’ment dans l’coup – pas assez à – parlais des femmes – pas en sortir – justement le hic on en sort ! – remettre ça – où ça ? – comme tu veux tu t’retrouves toujours le bec dans l’eau – pine en l’air et l’drapeau blanc au bout – terrible à dire – comme si c’était vrai ! – à bouffer du foin – parle plus – c’est ouvert – comme en 14 ! – va s’écouter un pe-tit-blouzz – l’endroit ? – sur bandes – j’en bande – bandons – fatigué ? – comme si c’était t’à l’heure – une paire de fesses que j’y foutrais la langue – tu vas t’échauffer les glandouilles, c’est pas bon pour toi – tièrement d’accord mais qu’est-ce – sais plus c’qu’on disait –
… Deux jours que ça a duré. On collait nos tripes au plafond et on faisait l’autopsie… Ce qu’on devenait, ce qu’on restait, ce qu’on perdait, avec le temps… Pile ou face, tu coules ou tu flottes, si tu flottes c’est guère mieux… Couler pour couler tu perds rien tu verras, au fond c’est mieux même, personne s’en doute ; perdre son temps pour perdre son temps j’aime autant qu’ça soit du ciné… On a dû voir un film je sais plus (à propos j’me suis toujours demandé pourquoi les cinés ferment après minuit…) Sortis de la salle on retrouvait la nôtre et la séance continuait, la vraie, et le film avait rien de fabriqué, pas fait pour les foules, entrée libre et personne s’en doutait, et c’était la plongée dans le noir ultramarin et intestinal, un noir d’âme plus noir que l’encre, et fallait faire gaffe aux faux-pas, du polar avec des décors qu’étaient pas – si, qu’étaient, du sang frais, du cœur en lé, et des jardins et des allées et des luias et des cantiques au diable et à ses complexes parce que le diable est plus près de l’homme, plus saignant dans le genre steak et plus compréhensif. Des injures et des coups de gueule pour rien, et si Dieu existait, il devrait sortir de son trou – depuis le temps qu’il désertait les rues ! – Le besoin d’amour devenait mystique, c’est-à-dire carnassier, comme il était toujours dans l’attente qu’on lui prête garde – un besoin qui, satisfait, eût bouché tous les chiottes de la ville… N’importe quoi tout est bon, tout y passe… Raconter ça ? J’aurais mieux fait de le coller d’abord à l’œil-de-bœuf, mon œil ! Sans blague, t’as vu çui-là ? – qu’est-ce que j’peux dire ? Y’en a déjà qui croient que j’suis rond, ou dingue. – Et si j’l’étais, qu’est-ce que ça changerait… Je dis que les mots sont drogués, bulles de savon bulles de salive, complètement loufs, et 1000 fois dingue l’homme s’en sert, 1000 fois louf à fouler aux pieds, fou à lier… Vouais, ça me revient maintenant : il avait une piaule en ville Chomé… mais on avait couché dans un studio dont j’avais la clé – c’est Servole qui me l’avait filée pour un temps, il était en passe de le balancer sans y avoir jamais habité – vivait chez ses parents je suppose. Un studio duplex à la sortie de la ville… Chomé lisait « l’Adoration » et moi je soliloquais au ralenti – le friselis des pages me rappelait qu’il était là, ce grand jonc, et je lui demandais s’il était bon ce bouquin – « J’sais pas j’ai pas mes lunettes » - Bien sûr il les avait sur le nez ; même que ça lui faisait un drôle d’air docte drôlderdoct drôlderdoct…

02/12/2007

Rétrospective Malnuit

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et Réédition des Crobards



Si Kerouac avait été peintre et cycliste, il se serait appelé Malnuit. C’étaient bien-là leurs seules différences, à ces deux-là, pour le reste, ils buvaient autant l’un que l’autre et tous deux sont morts de leur éthylisme. Si l’ivresse n’a jamais fait le talent, Malnuit, aussi bien comme peintre que comme écrivain était bourré de talent.
Publié aux éditions Gallimard par Lambrisch dans la revue Le Chemin. La Grande Maison n’a ensuite plus accepté un seul de ses manuscrits. Pas assez ou trop... Allez savoir les impératifs de la mode littéraire et du business... Enfin, je ne vais pas cracher dans la soupe, sauf pour lui donner plus de goût, puisque grâce à cette défaillance, j’ai le plaisir aujourd’hui de le publier. Malnuit, c’est tout simplement le contraire de bonjour... Etrange karma lui aurait dit Michaux alors qu’il était allé lui rendre visite en vélo...
Il n’est pas né non plus, le bon jour, faut croire.
Malnuit, je l’ai côtoyé alors que l’alcool n’avait pas encore accomplie son oeuvre. C’était dans une autre vie, dans un autre siècle, lorsqu’il n’était pas complètement ringard de croire en une utopie de vie meilleure. Le temps nous a prouvé qu’on s’était fourvoyé. Les paysages de banlieues ont remplacé ceux des collines béarnaises d’alors.
Ses Crobards donnent déjà à entendre les craquements de son âme qui n’ont jamais cessé. Il désirait connaître la vie tout d'un bloc. Qu'elle lui rentre dans les veines comme un shoot maximum, une envolée de cheval blanc. Rien ne lui suffisait. Guère plus haut qu'un adolescent, mince et frêle, il se dégageait de lui une énergie fabuleuse. Il ne donnait pas l'impression d'être rachitique, mais solidement enraciné dans l'existence...
Ses discussions étaient des pugilats où chacun apprenait à palper ses limites. Tout était prétexte à parler, et parler donne soif. Pissant sur le pas de la porte, le regard perdu dans les montagnes, il continuait à éplucher la vie. Rien n'aurait pu tarir le flot des idées qui venaient se heurter dans son crâne. Angoissé par la mort et les années terribles qui s'avancent et serrent en tenaille dans leurs bras jusqu'à étouffer, il interrogeait tout et tout le monde sur le sens de la vie. Il continuait à chercher, sachant l'absence d'issue.
Il ne faisait que cela, survivre, chaque instant chassé par l'autre. Il tenait ses armes, un pinceau et un stylo. Le seul but à atteindre était de boucler chaque jour, en même temps que le soleil se couche, en ayant vécu debout et non à genoux. Il invectivait les morts et les imbéciles, tous les deux pareils. Il se savait vivant, en doutait quand même, mais ne se voyait pas vieillir. Il n’a pas vieilli non plus.
Son talent de parleur m'a toujours impressionné. Il pouvait monopoliser l'attention et boire toute la nuit sans sombrer dans un coma éthylique ou dans des propos ridicules et tenir son auditoire en haleine. Il me décapait la cervelle, bouleversait mon univers et en reculait les limites.
Et tant pis s’il s’en est allé prématurément, bien que ça laisse à ceux qui l’ont connu un arrière goût d’inachevé, dans cette nuit de novembre, ironie du sort, le même jour qu’Ytzac Rabin.. Aujourd’hui en le publiant je veux rendre hommage à ce qu’il a été, à ce qu’il m’a apporté alors que je rentrais juste dans le monde des adultes.
Malnuit n’est pas mort, puisqu’il publie encore...


Les Crobards



Crobards, de Michel « Mèze » Malnuit, pourrait n’être, de prime abord, que la chronique titubante d’un groupe de jeunes gens fréquentant les Beaux-Arts de Grenoble, au milieu des années soixante. Toutefois, près de cinquante ans plus tard, le texte révèle une essence bien plus riche : le texte, débridé, grave, cocasse, est en quelque sorte le testament d’une génération qui s’amenait, avec ses gros sabots, dans la révolte de Mai 68, foulant aux pieds à la fois une vie d’adolescent et les années dociles de Papa de Gaulle. Crobards révèle en fait, de l’intérieur, cet insatiable et subversif appétit de mots, d’ivresses, de questionnements et surtout de créations.
Il s’agit ici d’une première édition véritablement critique, plus de trente ans après sa parution confidentielle. À l’époque, le texte fut imprimé avec les moyens du bord, sans autre discernement que l’urgence, dans la facilité de l’ébullition post-soixante-huitarde, et surtout aucun travail éditorial n’avait été fait…
« Bédé », celle qui fut si longtemps la compagne de Malnuit, a saisi mot à mot le texte originel, et nous avons fait ensemble ce travail de relecture indispensable, celui que l’on demande à n’importe quel auteur avant publication. Malgré les pépites que le texte recélait, la veine n’était pas travaillée et le minerai brut : digressions oiseuses, délires éthyliques, logorrhées de peu de sens, ponctuation fantaisiste… Ce travail de galibot a été long et délicat : il fallait respecter la verve de Malnuit, mais la débarrasser de ces scories pour la livrer la plus pure possible à de nouveaux lecteurs. Ne reste maintenant, à notre sens, que la substance inaltérable de son récit, celle qui peut s’offrir à un plus vaste cercle que celui des copains d’alors.
Il s’agit donc de la remise à flots d’un navire trop longtemps échoué, mais donc le temps n’a pas altéré la véritable structure. Tout juste en a-t-il patiné le bois, pour lui donner plus de noblesse.
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Pour commencer juste un petit morceau pour le plaisir, comme on lèche les plats...



Crobard : n.m. Dessin à main levée qui ne fait qu’esquisser l’image d’un être ou d’une chose. (Petit Larousse – voir : croquis)

Au commencement y’avait le Chaix, tour à tour et en des temps reculés plate-forme de contrebandiers, bordel, relais de poste, rebordel… C’est là que Mandrin le globe-trotter aurait fait sa dernière halte et Jeanjack Rousseau y aurait chopé la chaude pisse fameuse qui le rendit bègue. Enfin soupe populaire, ce qu’il est resté jusqu’à sa mort glorieuse, le Chaix, notre fréquentation assidue ayant notablement assis sa renommée jusqu’à valoir à son blason une étoile, puis deux, puis trente-six chandelles et la faillite. Crucifié qu’il fut le Chaix pour avoir vulgarisé le tour de passe-passe de la Multiplication des pains – brevet déposé.
Heureux les affamés qui ont bouffé au Chaix car il n’y boufferont plus !

Dégueulasse mais pas cher. A midi c’était la flopée, et les coudes dans les côtes, et les haleines et les odeurs et la fumée et la couenne grillée, et les émanations plus ou moins audibles d’origine pas douteuse ; pot-pourri, art total, cour des miracles, messe rabelaisienne, symphonie fantastique pour mandibules en chaleur et grelots coincés et fourchettes à trois dents et à quatre dents, bouillon de culture et bouillon gras, synopsis crado-ubuesque, syzygie des sans-qualités, des sans-familles et des sans pécule, syndicat des sans intérêts, symbiose du bozart sans sous et du sous smicards sous le signe de l’omelette baveuse et dans la reconnaissance du ventre, foire aux tics, kermesse du bœuf, mode, en morceaux, aux carottes, aux lentilles, au jus, à l’eskimo, à la mau-mau, à la mauritanienne et à la dauphinoise, mais surtout à la chaixière qu’on appelait ça (recette : vous prenez les abats inutilisables de l’animal, vous les découpez en cubes anodins et vous faites bouillir deux jours durant dans une sauce vitrioleuse à la salive de syphilitique allongée de colle à bois ayant pour rôle d’intervenir au moment où l’esprit de corps menace de manquer au tout). Pendant que j’y suis, quelques autres spécialités de la maison : le chou farci, l’omelette aux fines herbes, l’omelette au jambon, l’omelette aux champignons, les tomates farcies, le gratin dauphinois, la salade niçoise etc. j’y renonce car sorti du chou farci, du bœuf aux carottes, de la verte, de l’omelette fines herbes et du fromage blanc, il fallait passer commande la veille et le Chaix ignorait la formule, non mais sans blague, qu’est-ce que vous croyez !
La Chaixière, une maîtresse femme s’il en fut, même si depuis l’exode elle avait oublié ce que c’est qu’être femme. Mais soyons juste : quand y’avait plus de bouillon et qu’elle montait sur la table pour rectifier le tableau noir, le génie du sexe, et bien malgré elle, révélait une grâce oubliée derrière les rotules, pas de la meilleure, ô non, mais une grâce, un reflet, un rien, là, à la saignée, à côté de la grosse veine bleue et méandreuse comme un affluent du Doubs. J’en connais qui jouaient aux fléchettes dans ce qui avait été sa paire de fesses, qui n’était plus bien sûr que larges crêpes retombées – Elle tournait pas souvent le dos à l’adversaire la vieille carne ; les dix secondes que durait la pirouette c’était feu à volonté ; les vieux vicelards se retrouvaient à la primaire…
- Tu le fais exprès de mettre ta fourchette sous mes pieds ? Attends un peu que je t’savonne.
Le pauvre bougre se ratatinait comme une figue sèche :
- C’est pas vrai, c’est pas moi
- Quoi tu rouspètes ? Allez et t’avises pas de rev’nir demain !
Mais dès qu’elle avait atterri sur le plancher des vaches la sanction passait au panier, à moins que l’autre ait une tête qui lui revenait pas – ce qui arrivait l’un dans l’autre une fois par jour.
Des copains se sont ainsi fait jeter et n’ont jamais osé y remettre les pieds, au Chaix, preuve que c’était des délicats et qu’ils s’étaient trompés d’adresse (exemple : un ancien qui se sentait béni parce qu’il seyait à côté du chef-cochon – c’était le cartel d’esbroufe chargé de contrarier notre mastication par sa présence intimidatoire – La vieille : « On t’a versé un pot de peinture sur la tête ? Ça fait plus yéyé p’t’être ?
Dommage que j’soye pas ta mère, tu l’aurais ta fessée. Non mais qu’est-ce que c’est qu’ces allures, tu crois que j’te reconnais pas pac’que t’as changé la couleur du poil ? C’est pas l’Moulin Rouge ici, allez, finis ta portion et que j’te r’voie pas avant d’êt’ passé au dégraissage ! » - Le gars revint jamais au Chaix).
Quant aux calottes, si la vieille en menaçait un ou deux, je ne lui ai jamais vu en mettre une. Sauf à MOI. C’était mon lot, mon privilège, personnel et exclusif. La première m’échut un soir au 9ème coup de 9 h. Sèche, précise, du plat de la main sur l’occiput. Le lendemain ou le surlendemain, quand elle remit ça, c’était déjà routine. Pour sûr, j’ai senti plus d’une fois que ces taloches portaient un message : c’était sa façon à la vieille de dire qu’elle nous aimait bien les copains et moi.

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Peinture de Malnuit

Malnuit c'est le contraire de bonjour

Bon, par où commencer à raconter l'histoire...
Par Malnuit, poéte, peintre originaire de St Marcellin, météore, ange de la nuit qui a brûlé ses ailes et ses cordes vocales à la kronenbourg jusqu'à ce soir fatal où il s'est mis au whisky.
Malnuit dit "Méze" est devenu un des personnges qui compose Mollet de Coq, qu'il me pardonne.
Mollet de coq est ce personnage qu'on retrouve tout au long des quatre romans déjà publiés.
Personnage composite s'il en est, puisqu'il est issue de la compilation de quatre portraits: deux peintres tous deux décédés, un louche aventurier et un gosse de la Dass.

Mazio a fait son envolée lyrique, le même jour que Ytzac Rabbin.
Ce qui fait un sacré repère aux orphelins.
Je l'avais publié du temps où j'étais jeune éditeur quand je voulais gagner beaucoup d'argent en publiant de la poésie...
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Photo de Bacase -le grand avec la chemise claire- et de Mazio -le petit avec le polo noir- à St Tropez en 1964.
A l'époque ils vivaient à la belle étoile et faisaient des portraits pour gagner leur pitance; un peu à la Nicolas Bouvier à la seule différence qu'eux partaient pour une aventure de trois cent kilométres et pas de trente mille.
Il avait aussi toute la vie devant eux et pas mal d'illusions à brûler...

Malnuit c'est le contraire de bonjour...
Malherbes (Alain) lui aussi poète de son vivant, avait un nom qui était le contraire de bonne graine...
Tous deux sont décédés de la même façon, noyés dans leur vomi.
Tous deux me téléphonaient à pas d'heure quand la nuit les étreignait.
Des appels au secours pathétiques, une loghomachie incompréhensible, car ivres au bout du fil.
Je travaillais le matin.
Je compatissais à leur éta, mais je ne pouvais plus rien pour eux.
Il m'est reste l'écriture pour honorer leur mémoire.
C'est ma rencontre avec Ballouhey dit "Bacase" au salon du livre de Roman(s) à Romans qui a ramené tout ça en surface.
C'était un week-end de novembre 2006.
Un desinateur originaire du coin raconte à notre table son adolescence.
Il glisse qu'il a fait ses études aux beaux arts de Grenoble dans les années soixante.
La suite c'est lui qui raconte:

" Au repas du Salon du Livre de Romans, je bavardais :
- J'ai fait une première catastrophique et délirante ici chez les curés et puis les profs m'ont pris par le col en me disant d'aller aux Beaux Arts, ce que j'ai fait je suis allé aux Arts de Grenoble. C'était en 64.
- T'étais aux Arts de Grenoble ? T'as du connaître Malnuit ? me dit un arabe à lunettes, chauve et rigolard.
- Ben ouais et même mieux que ça. Il regarde mon badge, me parle de Mazio.
- Mais Ballouhey , t'as pas un autre nom ?
- Ben ouais, chui Bacaze.
- T'ES BACAZE !!??
- Ben ouais,
- Hé ! les gars, je viens de rencontrer un personnage de roman !
- Et puis et toi t'es qui ?
- Said.
- SAID !!! ??
Cul et chemise, bras dessus, bras dessous. Nostalge et maspouineries.
On s'est pas quitté pendant deux jours.
Hé! Hé ! Lui c'est Bacaze, c'est un personnage de roman ! Il a dit ça vingt fois dans la journée.
"Crobards" n'a jamais eu autant de fans.



Ma première rencontre avec Malnuit et sa compagne Françoise dit Bédé illustratrice des livres de Jacques Salomé remonte en 1978 à Lys dans les Pyrénées Atlantiques.
A l'époque, Les Malnuit habitaient Maison Gracie à Asson.
Une sacré époque, et les illusion de mes vingt ans.
Mazio en avait déjà trente six de chandelles sur son gateaux d'anniversaire.
Je raconte ça dans Le Soleil des fous Cliquez ici si vous désirez en savoir plus sur le livre
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Il habitait non loin de chez nous, dans une sorte de château. Une bâtisse début de siècle construite par un illuminé ayant fait fortune. Les corps de bâtiment étaient plantés au bout d'un chemin qui descendait en serpentant depuis le dôme d'une colline. Eloignée de plusieurs kilomètres de toute habitation, la maison était là, massive, posée face aux sommets qui se découpaient dans l'encadrement de la porte. Entre elle et la montagne rien qu'un jet de pierre, un vol de moineau. Sur les pics si étrangement près la veille des jours de pluie, les points blancs ou marron des animaux en pâture dans les estives se distinguaient nettement. Les masses sombres des collines entraient dans la cuisine. Le carillon permanent des cloches résonnait dans la vallée. Quand nous ne les voyions pas nous entendions le bruit de leurs cloches auquel répondait le souffle du vent dans les cimes et le chant des oiseaux.
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Mollets-de-coq payait une misère le loyer de ce château, qui, sur deux étages, se composait de quatre immenses pièces, chacune de la taille d'un grand appartement. Dans la salle du bas, un évier en marbre des Pyrénées et une gigantesque cheminée où aurait pu rôtir un veau et trois moutons. Des placards et des vaisseliers en merisier teintés au sang de bœuf occupaient un pan entier de mur. Des poutres énormes et noircies par le temps donnaient à la maison l'impression qu'elle était posée là pour l'éternité. Le constructeur avait eu de l'ambition. Un large escalier desservait les pièces de l'étage et le grenier. Au rez-de-chaussée, face à la cuisine, la souillarde servait de débarras en même temps que de garde-manger. Dans cette pièce, sorte de cuisine supplémentaire, les anciens propriétaires apprêtaient les confits, le pèle-porc, suspendaient au plafond dans des sacs, les oignons, les châtaignes, le maïs ainsi que des jambons.
Dans cette pièce le linge tentait de sécher alors qu'il pleuvait depuis des semaines, et que l'eau remontait entre les dalles. Sous l'escalier, une porte où l'on pouvait tenir debout y prenait place la barrique de vin, indispensable dans toute maison respectable. A l'étage, les portes du palier s'ouvraient sur trois battants. Le propriétaire au retour des chasses, y avait donné des banquets d'une centaine de couverts. Quelques très vieux dans le pays se souvenaient encore étant enfant avoir participé comme rabatteurs à ces chasses et festins. Le patron était un homme d'avant l'exode de la première guerre, quand toutes les fermes étaient encore habitées et que le village résonnait de l'enclume du maréchal-ferrant et des cris des gamins dans la cour de l'école, quand la vie pour ces gens-là ressemblait à autre chose qu'à une course. Difficile d'imaginer une centaine de personnes assises autour de cette table, allant d'une pièce à l'autre, traversant le palier et se rabattant en forme de fer à cheval. Le maître trônait au milieu de son monde, en pacha amateur de grande bouffe, de vin et de femmes, braillant, riant, bâfrant, buvant, rotant, saoul de vin, ronflant d'aise après avoir copieusement arrosé le giron d'une femme ou d'une servante de sa semence. Tel était l'ancien propriétaire de la maison.
Mollets-de-coq ne lui ressemblait en rien, ou alors il aurait été son ectoplasme torturé qui errait entre ces murs. Menu, maigre, presque insignifiant il n'avait rien de gigantesque encore moins de rabelaisien,. Ses toiles s'entassaient dans la pièce au-dessus de la souillarde. Là, il avait installé son atelier. L'étage jouissait d'un éclairage intense, comparé au rez-de-chaussée où il fallait quelques temps avant de s'adapter à la pénombre lorsqu'on y pénétrait, abruti de lumière. Des tableaux étaient accrochées aux murs ou sur la cloison en chêne massif de l'escalier, d'autres empilées. L'une, non achevée, posée à plat à même la table, une autre coincée dans un chevalet. Il travaillait plusieurs grands formats simultanément, comme si la maison l'influençait.
Dans la salle du bas, sur le côté de l'âtre, la famille entière pouvait tenir au chaud sur des bancelles appuyées au mur, à la veillée au coin du feu quand les ancêtres épluchaient des châtaignes en se racontant des sornettes, des histoires de sorcellerie, des saloperies entre voisins, de vieilles haines accumulées au fil du temps, de rancœurs dont les origines avaient disparu mais qui persistaient. Nous aussi y prenions place quand les dernières flammes n'avaient pas encore achevé la combustion du bois. Alors dans le craquement des morceaux de châtaignier se consumant nous convoquions les fantômes de Giono, Thoreau, Kerouac, Cendrars, pour éterniser l'instant. Les montagnes justifiaient notre raison de penser ainsi et couronnaient de leur majestueuse présence nos réflexions sur le monde. Tout semblait encore possible dans ces contrées presque intactes. La civilisation avait oublié de pénétrer ce cul-de-judas, sis face aux splendeurs des monts ensorcelants de beauté.
Je me trouvais catapulté dans un nouvel univers. On parlait de littérature comme on se tartine une biscotte au petit déjeuner. J'écoutais, je m'abreuvais de connaissances. On ne pouvait pas se tromper c'était la bonne voie, le chemin à suivre pour s'épanouir. Une force me soulevait de terre, je me sentais invincible, du moins je le croyais. On avait banni "l'american way of live" et on le troquait contre notre vision de la voie naturelle de la vie. On se sentait bien autour de sa cheminée.
Mollets de coq vivait un peu de sa peinture. Bien qu'ayant fui rapidement les cours académiques, il avait un coup de pinceau classique. Il avait été viré des arts. Dès la première année; il en savait plus que le prof. La deuxième il l'a passée au bistrot avec les copains. Pas la peine qu'il retourne en cours, il connaissait déjà les glacis, la pénombre, copiait Turner, De la Tour. Il pensait que Rembrandt était mort nombre de fois avant de réussir à peindre ainsi. De l'impressionnisme au surréalisme via l'hyperréalisme, il avait tout emmagasiné à une vitesse vertigineuse et tapait son souk au fond de la classe où il écrivait déjà ses mémoires.
Son talent de parleur m'a toujours impressionné. Il pouvait monopoliser l'attention et boire toute la nuit sans sombrer dans un coma éthylique ou dans des propos ridicules et tenir son auditoire en haleine. Il me décapait la cervelle, bouleversait mon univers et en reculait les limites. Il m'accouchait au monde de la douleur métaphysique. Je me sentais si proche de lui. On parlait le même langage. Nos chemins s'étaient tant de fois croisés. Jamais auparavant je n'avais rencontré un être qui rentrait aussi profondément en lui. Il piochait, creusait, décortiquait et voulait comprendre le pourquoi du comment. L'apparence, autant que les effets de style, le répugnaient. Il haïssait la littérature, et pensait qu'il fallait la broyer. Décroûter l'écriture de son carcan et de sa forme pour découvrir un nouvel univers. Sa maison se transformait en chaire où se partage la parole lorsque des auteurs débarquaient. Moments intenses de palabres.
Ce soir là une auteure est venue nous voir. On est allés la chercher au train. Elle a passé le week-end avec nous. Elle était devenue un mythe depuis le temps que j'en avais entendu parler. D'elle comme de ses écrits émanait le soufre. Ses poèmes avaient la violence des banlieues, mordaient les chairs, secouaient les tabous, décapaient la bienséance au vitriol. Elle a débarqué dans sa robe mauve. Une immense chevelure blonde lui couvrait les épaules. Elle a fait le tour de la propriété. Contraste saisissant: la nature était là, puissante, avec ses masses mille fois plus énormes que les blocs de béton des banlieues. On lui rééditerait son ouvrage épuisé puis on lui en publierait un autre. Elle n'y croyait pas et resplendissait. Elle nous amenait un premier roman dans une chemise. Sa voix de gauloise, son air affranchi, son apparente désinvolture a fait tourner la tête à Mollets de Coq. Il aurait aimé connaître au moins autant sa chair que son âme et voir dans quelle encre elle trempait sa plume. Elle dégageait une puissante attirance qui imprégnait l'air. Elle aimait ça et le criait dans ses poèmes. Peut-être que de l'avoir lue, avant de l'avoir vue, excitait plus encore son imagination. Elle sentait la femme désirable et désirante.
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On a causé de littérature et les Céline, Miller, Dostoïevski et Duras étaient là parmi nous, de sexe aussi. Mollets de coq voulait savoir quel type d'homme elle pouvait bien aimer. Elle était libre et cherchait un fiancé. Mollets de coq, électrique, ne se tenait plus. Il lui aurait bien proposé une partie de jambes en l'air, si elle n'avait été sous le même toit que sa légitime. Il ne comprenait pas que son rêve ne soit pas réalisable. Il se voyait dorloté et cajolé au milieu de deux petites femmes. Il aurait fallu que l'occasion se présente dans d'autres circonstances. Il n'arrivait pas à admettre ce décalage entre l'écriture et la vie de tous les jours. Tel quel, avec ce qu'il avait lu d'elle, il lui aurait sauté dessus derechef. A peine lui aurait-il laissé le temps d'enlever sa culotte de dentelle en soie noire. Elle savait se faire admirer, et naturellement des paires d'yeux se posaient sur sa gorge, sur sa poitrine, sur ses fesses. Elle se sentait désirée et aimait l'être. Mollets de coq aurait voulu qu'elle demeure à portée de ses pinceaux, muse pour peintre. sa démarche était presque dansante. Il la voyait drapée ou déshabillée tel un modèle de Goya, des cheveux blonds, des dentelles et des chairs.
Bien qu'il soit tard il restait de la bière suffisamment pour continuer la nuit. Mollets de coq voulait tout savoir sur ce qui la motivait dans la vie, l'amour, le désespoir, l'attente, la solitude. Il désirait la connaître tout d'un bloc. Qu'elle lui rentre dans les veines comme un shoot maximum, une envolée de cheval blanc. Rien ne lui suffisait. Guère plus haut qu'un adolescent, mince et frêle, il se dégageait de lui une énergie fabuleuse. Il ne donnait pas l'impression d'être rachitique, mais solidement enraciné dans l'existence...

Ses discussions étaient des pugilats où chacun apprenait à palper ses limites. Tout était prétexte à parler, et parler donne soif. Pissant sur le pas de la porte, le regard perdu dans les montagnes, il continuait à éplucher la vie. Rien n'aurait pu tarir le flot des idées qui venaient se heurter dans son crâne. Angoissé par la mort et les années terribles qui s'avancent et serrent en tenaille dans leurs bras jusqu'à étouffer, il interrogeait tout et tout le monde sur le sens de la vie. Il continuait à chercher, sachant l'absence d'issue.
-Avoir besoin de certitudes n'est qu'une preuve d'immaturité. La vie ressemble à un charnier où chacun dévore le voisin pour survivre, a t'il dit.
Il ne faisait que cela, survivre, chaque instant chassé par l'autre. Il tenait ses armes, un pinceau et un stylo. Le seul but à atteindre était de boucler chaque jour, en même temps que le soleil se couche, en ayant vécu debout et non à genoux. Il invectivait les morts et les imbéciles, tous les deux pareils. Il se savait vivant, en doutait quand même, mais ne se voyait pas vieillir.
-Tous ces vieillards fripés sont laids à vomir par manque d'intelligence. Ces vieux flapis qui n'ont jamais su qu'avaler les couleuvres du cauchemar qu'est la vie. Je ne veux pas leur ressembler! J'ai peur de rentrer dans le rang par habitude, par angoisse du lendemain. De faire comme tout le monde. Attendre la trouille au ventre que le temps passe et que les rêves foutent le camp!
D'un seul coup d'un seul il s'est mis à hurler et s'est roulé dans l'herbe. Personne n'avait compris ce qui lui arrivait, sauf moi. Ca ressemblait à un délirium. Il gueulait sa rage face à la douleur qui lui tenaillait le ventre. Dantesque, la crise le cisaillait en deux. Il maudissait le monde et se lamentait sur son génie méconnu. Il avait cru pouvoir réussir sans l'aide de la providence. Il vomissait ses échecs successifs alors que l'horloge continuait à tourner. Il n'y croyait plus, plongé dans le gouffre de son angoisse. Soumis à une séance de torture dont les bourreaux invisibles le charcutaient avec des décharges de cinq mille volts. Il a fini par se calmer tard dans la nuit. Sa copine est restée près de lui pour le cajoler.


La mort de Malnuit, sur un banc public est un fait réel, mais je l'ai imaginé dans un beau jardin, (le jardin Massey à Tarbes) comme un paradis perdu. Parce que c'est à Tarbes que je l'ai vu pour la dernière fois. Je lui avais organisé une exposition à la "Galerie Restaurant". Qui a été pendant la seconde guerre un haut lieu de la résistance, bien qu'étant un bordel. Nos retrouvailles: je les ai déjà publié dans Putain d'étoile aux éditions Paris Méditerranée.
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En voici le texte:

Comme un ennui n’arrive jamais seul, ça évite la monotonie, mon vieux pote Mollets de coq qui errait depuis que sa femme l'avait viré, a rappliqué. Je ne pouvais que la comprendre. Personne ne peut supporter un type arsouillé à la bière du matin au soir. Si par chance il rentrait le soir. Ses bringues duraient tant qu'il avait de l'argent. Il finissait par retrouver le bercail, péteux, lamentable, les yeux pochés, la tignasse en bataille, du sang séché sur le visage, avec une côte fêlée, le nez cassé, une arcade sourcilière explosée. Il se prenait des gamelles tout seul, ou se ramassait des toises par d’autres pochetrons.
Il était revenu chez sa femme mal en point, son affaire de tourisme ayant tourné à la déconfiture, avant qu’elle ne le vire. Ce n'est pas un hasard s’il a rappliqué. Il savait bien, lui aussi, que j’allais le recueillir.
Il fallait lui trouver du fric, et vite. Il possédait un stock de nouvelles toiles et de dessins que personne n'avait jamais vus, ou si peu. Il peignait beaucoup et depuis longtemps mais ne montrait jamais rien. Je lui ai arrangé une exposition dans le restaurant de Tonton Alain.

De la journée, je ne savais pas ce que faisait Mollets de coq. Le midi, je le retrouvais au café, devant un demi, son stylo à la main, une Gauloise au bec. Il s'arrachait les boyaux de la tête pour noircir des pages. Il les empilait sur ses étagères avec dix mille autres déjà écrites. Pour quoi? Pour qui? Illisible par un lecteur lambda. Une vie hachée de doutes et de cauchemars, de refus d'éditeurs, d'échecs commerciaux. Il traînait son naufrage. Pourtant sa peinture se vendait bien, mais se séparer de ses petits ne le rassurait pas sur son œuvre. Il se savait génial. Je ne doutais pas qu’aux pinceaux il le fût. En revanche pour lire sa prose, il fallait un mode d'emploi du personnage ou l'avoir fréquenté pour décrypter. Un béotien n’y aurait rien compris. Mais qu’y avait-il à comprendre ?
Au déjeuner il m'attendait, pour manger une salade ou un sandwich, sur le pouce. Peu d'appétit et vite rassasié. Il avait pourtant du mal à entretenir une carcasse de quarante kilos habillée et trempée car il devait absorber beaucoup de liquide. Bourré, il cherchait des noises. Il s'était mis en tête de faire le portrait d'une cliente, qui visiblement attendait quelqu'un. Rien de mal à profiter d’un modèle anonyme. Son carnet à dessin posé entre la table et son estomac, il clignait de l'œil, prenait ses repères. Et la ligne, nette, précise, sans bavure, se déposait toute seule sur le papier. Du maître, il avait la rapidité et l’aisance. Malheureusement, il n’a pas voulu se contenter du seul cadeau qu'une femme fait en se laissant admirer. Pour tenter sa chance, il s'est installé à sa table. Va savoir! Le refus il ne connaissait pas. Il s'est incrusté. La dame attendait un militaire qui ne tarderait pas à venir. Lui n'en démordait pas. Hussard ou général, une muse pareille n'avait rien à faire avec des gens d'armes. Elle devait, sur-le-champ, tout quitter pour le suivre parce qu'il lui avait crayonné le portrait sur un coin de table, en gage d'amour éternel. Elle a jeté un œil dehors, a réglé et s'est empressée de sortir. Il voulait la suivre. Je l'ai retenu. Elle s'est engouffrée dans une voiture de sport rouge, conduite par un officier des commandos parachutistes qui venait de s'arrêter devant le café.
-T'es dingue ou quoi ? Imagine que son type soit descendu !
-Et alors, où est le problème ? Cette femme était trop bien pour ce con !
-Peut-être qu’elle aussi était très conne ! Tu donnes tes dessins à n'importe qui !
-C'était pas n'importe qui !
-La preuve que si. L'art, elle s'en tape ! Que veux-tu qu'elle fasse d'un déplumé comme toi ! Il faut que tu te trouves une fiancée dans ton univers.
-Elles préfèrent les cons !
-Ouais, finalement tu as raison !
Je ne voulais pas le contrarier. Je l'ai laissé à son demi et suis reparti à ma machine, en sachant qu'à la fin de la journée je le retrouverai au même endroit. Peut-être à une table différente, au cas où il aurait fait une autre tentative d'approche infructueuse. Mais je savais devoir le récupérer dans un état de décomposition avancée. Je lui ai trouvé des acheteurs, qui n'ont pas hésité un seul instant à payer le prix demandé. Il entassait dans son portefeuille tout pouilleux des billets de cinq cents francs. Un total de dix mille francs qu’il comptait bien boire.
Pour lui faire la morale, je lui ai dit :
-Tu devrais t'acheter des fournitures.
-Ouais, faudrait que j'y aille !
La galerie où il exposait, faisait aussi restaurant. C'est là que j'avais dragué Inès. Une salle au rez-de-chaussée, une autre à l'étage, et au second des petites chambres. L’endroit avait jadis été un bordel qui avaient caché des maquisards, parfois d'anciens clients revenaient sur le lieu de leur initiation amoureuse. La maison semblait décalée, comme hors du temps. Une moustache de mafieux, un accent du Sud-Ouest à couper au couteau, Tonton Alain avant de devenir restaurateur et accrocheur de tableaux, avait été routier international. Communiste convaincu depuis toujours, il l'était devenu beaucoup moins après ses voyages.
- Con ! Je roulais pour la Russie. Un merdier pas pensable. Les stations, à essence à des kilomètres, on les sent. Je roulais à l'odeur. Les tuyaux étaient percés et personne pour réparer. Tout le monde s'en foutait. Et moi donc. On en mettait autant dans le réservoir qu'à côté, Putain. Un bordel pas croyable ces routes. Défoncées, verglacées. Des paysages à vous congeler le sang. Un ciel noir. Même la neige était sombre ! Des corbeaux en meutes dans le ciel ! De la taille des aigles d'ici. Ils s'abattent sur vous avant que vous ayez pu imaginer ce qui se passe. La fin du monde c'est en Russie. Qu'est ce que ce couillon de Napoléon est allé foutre là-bas ? C'était évident qu'il s’y serait fait bouffer les couilles. N'importe quel crétin comprend ça. À Moscou, j'avais un bon copain. Avec lui je me soûlais à la vodka et je bouffais le caviar à la louche. Putain, c'était le bon temps ! Je ne déboursais pas un rond. Je lui échangeais tout ça contre des blue-jeans que je récupérais au Secours populaire. Je suis pour l'amitié entre les peuples. Je te refile mes vieux futales et tu me balances la vodka et le caviar ! Putain ! Ça m'a guéri du communisme, du stalinisme, des ismes. Parce que figures toi que je suis l’arrière petit-fils du roi des Tchoutchis. Ouais, monsieur ! Du roi des Tchoutchis. C’est un peuple qui habite le détroit de Bering... C’est Staline qui nous a déporté dans le Caucasse. Et moi, je suis arrivé en France je sais pas trop comment…En tout cas dans les couilles de mon père. Ah, la Russie ! J'aimerais bien y retourner pour pêcher le gros. Les bélugas dans le delta de la Volga. Putain, ça c'est du poisson! Ici, même à la pêche, on peut pas être tranquille. Tiens, pas plus tard que la semaine dernière, j'ai pris trois truites au gave! Bon, d'accord, elles faisaient pas toutes la taille réglementaire. Mais, pas de beaucoup! À part une, qui dépassait et de pas mal! Personne à la ronde! Que des arbres! Ça faisait pas une demi-heure que j'étais là, que les gardes me sont tombés dessus. D'où ils sortaient, j'en sais rien! Ils m'observaient à la jumelle, depuis le pont de chemin de fer! Tu parles que je les voyais pas! Ils les ont mesurées. Eh bien, figure-toi, que c'est avec la plus grosse qu'ils m'ont cherché des emmerdes. « Vous voyez pas elle est plus grosse que la taille réglementaire, je leur ai dit! », « C'est un saumon Atlantique ça monsieur, il m'a répondu! » J'en suis tombé sur le cul. Ils avaient fait un lâcher la semaine passée! Ils n'ont rien dit pour les truites, un demi centimètre! Ils m'ont plombé de mille balles pour le saumon. Alors, tu vois, si je peux aller pêcher dans la Volga, là je suis sûr que personne ne viendra me chauffer. Putain! Pas un coin où tu peux être peinard! Si ça continue, on va te mater dans la culotte, pour savoir si tu bandes au moment où il faut ou pas! Putain!
Ça l'énervait d'autant plus que, d'après lui, une heure de pêche en était une volée au paradis. Il empruntait à Fallet sans citer ses sources, mais comment lui en vouloir. Tonton Alain peut raconter des histoires pendant des heures et tant pis si l'auditeur ne sait plus où il en est. Il raconte, à la manière d'un griot et son œil s'allume de malice. Il ne ment pas. Il invente. La nuance est de taille. Un menteur ment, un conteur conte. Si le mensonge est vulgaire, une belle histoire est pleine de noblesse et de talent. Il était impossible de savoir quand il avait quitté le lit de l'anecdote, pour suivre son propre fleuve, emporté par sa verve. Aucune importance. La seule chose qui comptait, c'était de se retrouver autour d'une de ses recettes mitonnées de longues heures, avec un alcool de poire et un bon cigare en guise de pousse café.
-La vie est trop courte pour se faire chier ! À propos, tu ne connais pas des bons peintres pour exposer ? Des types avec un minimum de talent.
-À la pelle !
-Non, au couteau ou au pinceau ça suffira. Je voudrais pas forcément des types connus. Des nouveautés quoi …
-Quand tu veux ça ?
-Dès demain! Façon de causer !
-Tu prends quel pourcentage ?
-Rien. Con !
-Tu ne réussiras pas à faire des affaires avec moi…
-Je me souviens que je suis juif quand je rentre dans un magasin de vêtements ! Je dis : mon oncle c’est le rabbin. J'ai automatiquement une remise de dix pour cent. Tu vois des fois ça sert cette putain de religion. T’es pas le seul à avoir été baptisé au sécateur ! Putain !
Avec Tonton Alain tout devient loufoque, rien n'est sérieux, ni n'en vaut la peine.
-Et je suis devenu communiste à cause des putains de patrons qui m'en ont trop fait chier ! Pour les emmerder je leur montais un syndicat histoire de passer le temps, mais surtout pour me faire des copains. Tu pars du principe que la moitié de la population est à droite et l'autre moitié à gauche. D'entrée tu donnes la couleur du jeu ! Comme ça tu connais ton équipe et tu sais avec qui composer. On perd moins de temps ! Qui on retrouve à gauche ? Ceux qui n'ont pas un rond ! J'arrive pas à comprendre qu'un type fauché soit de droite. Moi, si j'avais eu du pognon, j'aurais été aussi con que n'importe quel type avec du pognon. C'est simple, à gauche, ceux qui n'ont pas de fric et qui en veulent. À droite ceux qui ont la monnaie et qui ne veulent pas en lâcher. La politique c'est tout ce qu'il y a de plus simple. Bon, il y a des exceptions ! Personnellement j'en connais pas !
Il tirait sur son Cohiba et éclatait de rire.
-Du vrai de chez Fidel ! Quel con celui-là ! Il a transformé son île en Center Park avec interdiction de sortir. Il garde les vêtements dans la penderie et si tu veux te barrer c'est en slip, et les maîtres-nageurs sont des requins. Quel con ! Quand je pense qu'il y a toutes ces petites nanas avec des popotins d'enfer. Nom de dieu… Rien que ça, ça vaut le coup d’être communiste!
Et il pouffait de plus belle.
-Quand j'étais routier, chaque semaine je photocopiais mon mouchard que je faisais certifier conforme à la gendarmerie avant de le rendre au patron. Et s’il m’emmerdait en cas de besoin, au moment où il me virait je réclamais mon dû. Les heures supplémentaires, crois-moi que ça fait un sacré pactole. Une moyenne de deux à trois heures par jour, sur quatre ou cinq ans, le tout à trente-trois pour cent. Là-dessus tu ajoutes les intérêts à cinq voir six pour cent. Un sou c'est un sou, con !
-Finalement, t’es vachement caricatural !
-Et toi putain de raton, je vais aller te dénoncer pour gagner encore plus de fric !
Et en concert, de rire.
-Les youpins ce sont les frères ennemis des crouilles, mais ce sont des frères, avant tout ! À quoi que tu crois que le maigrichon cloué sur ses bouts de bois il ressemblait, à Yasser Arafat ou à Claude François ? Rien n'est sérieux quand tu prévois le pire. Te reste plus qu’à assister au spectacle. Mon père a survécu à la Seconde Guerre en tant que juif. Il s'est caché à Vichy où il jouait comme musicien. Personne ne lui a rien demandé. On n'est jamais mieux caché que dans la tanière du loup, con !
Je lui ai montré quelques photos des pastels de Mollets de coq que j'avais en ma possession. Tous deux sont tombés en sympathie après plusieurs bouteilles mises à mal. Mollets de coq a pris pension dans une des chambres inoccupées de cet ancien bordel où il rentrait aux aurores.
Il atteignait des sommets avec sa façon de peindre à la Rembrandt en une heure un portrait avec un coup de patte à faire pâlir d'envie les plus talentueux. Il s'en souvenait en plongeant les yeux au fond de son verre pour y regarder, nostalgique, son image qui se déformait. La réalité enfonce la tête dans l’infamie. Je m'accrochais à mes rêves, seule bouée de sauvetage. Si lui réussissait à vivre en peignant, pourquoi ne vivrais-je pas de l'écriture. Je n'ai jamais eu de gros besoins, un Lévis, un tee-shirt et des sandales pour l'été. Une chemise, un pull et des godillots pour l'hiver. Je ne me plains pas de mon sort. La plus grande des richesses c'est de pouvoir envisager une autre réalité. Si je ne vis pas de mon rêve, je ne peux pas vivre sans rêver. Seule raison de batailler pour avoir la force de relever la tête et de prendre encore une bouffée d'air pour se maintenir en vie. Un soir, Mollets de coq n'est pas rentré à la galerie-restaurant. Je ne me suis pas inquiété. Il reviendrait le lendemain matin, ou dans la journée, la gueule de travers, la bouche pâteuse, les cheveux en pétard. J'ai appelé Tonton Alain. Lui non plus ne l'avait pas vu de la journée.
-Il a juste pris ses papiers et son fric. Il ne doit pas être loin !
-Hier soir tous les deux on s'est mis une cuite ! Après il devait passer chez toi !
-Bon, écoute, si tu le vois dis lui de m'appeler au boulot ou de me laisser un mot ! Je lui ai trouvé un acheteur pour deux pastels ! Du cash et en liquide, l'affaire est convenue !
J'étais en passe de pouvoir me recycler en marchand de tableaux.
-J'ai un certain talent commercial que je devrais mettre à profit pour me sortir de cette impasse, me suis-je pris à rêver. Mollets de Coq peint et moi je lui écoule sa marchandise. Trente pour cent au passage, à deux on pouvait royalement vivre sur sa production !
Les flics ont ramassé Mollets de Coq sur un banc du jardin public. Un coma éthylique bien profond, avec six grammes d'alcool dans le sang. Trop soûl pour tourner la tête sur le côté. Ça ne pardonne pas. Il s'est noyé dans son vomi. Les flics ont trouvé ses papiers, et une affiche de l’exposition pliée dans sa poche. Ils ont téléphoné à la galerie, pour savoir a qui appartenait le cadavre. Personne n'était plus responsable de lui et depuis longtemps, son cerveau encore moins.
Il avait bien choisi le décor pour tirer le rideau. Un de ces jardins botaniques sublime du XVIIIe siècle. Où, à foison, arbres, plantes vertes, fleurs, volatiles, poissons exotiques ont été concentrés en un seul point. L'idée avait été de reproduire une sorte de nirvana. Des paons y faisaient la roue. Des énormes carpes bleues nageaient sous la surface lisse de l'eau où se reflétait un ciel profond au vertige. Dans cette scène d’olympe, parmi les roses odoriférantes, le chant des oiseaux, l'ondoiement des feuilles de palmier et l'ombre des immenses cyprès, il avait choisi de rester.
Il regrettait le ventre de sa mère, alors il est venu dire ses adieux dans un paradis perdu imaginé par un doux rêveur. Un poète qui devait aussi y croire. Mais lui avait eu les moyens d'ébaucher le début de son rêve. Dans ce lieu, quelqu'un avait pensé tout haut et il l'avait senti. On branche ses antennes pour capter, ou alors il faut rester au garage. S'il est un endroit où se rendre en premier dans une ville qu'on s'apprête à découvrir, c'est au jardin public. S’il est pouilleux, désespérément minable, il faut s'empresser de fuir ce bled ventre à terre. Vous n'y croiserez que de sombres abrutis directement débarqués du bouillon primitif. Si, au contraire, le jardin plaît, on peut envisager de s’y installer quelque temps. C'était une des théories de Mollets de Coq. Il s'y plaisait dans ce parc. À en crever.


25/11/2007

Au nom du Fleuve

par Arnaud Cabanne

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Afel Bocoum est un homme simple qui a tout appris d’un homme sage. Héritier du grand Ali Farka Touré, la sortie de son nouvel album coïncide avec la tragique disparition du "boss". A l’écoute de Niger, il n’y a aucun doute, l’héritage ne sera pas dilapidé. A son tour de briller.
En écoutant cet album, comment ne pas penser à Ali Farka Touré ? En rencontrant l’homme, comment ne pas sentir les enseignements du musicien malien le plus connu au monde ?
Après une trentaine d’années passées à jouer ensemble, ils semblaient s’être éloignés l’un de l’autre, mais Afel Bocoum, en ouvrant son album avec une chanson en hommage à son oncle, rappelle avec clarté et humilité la lignée dans laquelle il s’inscrit. Ce sont "les messagers du fl euve", Alkibar (le nom de son groupe). Ils doivent enseigner et réunir. "Dans mon pays nous sommes alphabétisés à 30% seulement.
Nos gens au nord ne lisent pas les journaux, ils n’écoutent pas de radio, ils ne suivent pas de réunion c’est donc à partir de la musique qu’il faut travailler pour transmettre des messages. C’est ça qu’ils ont envie d’écouter. Il faut véhiculer les messages à travers la musique et que les gens se trouvent à l’aise", explique simplement l’ingénieur agronome de la petite ville de Niafunké. L’héritage musical est clair, l’héritage humain l’est aussi, "il ne faut pas se tromper, le Malien aime écouter ce que l’autre dit et c’est pour ça que nous faisons de la musique pour essayer d’organiser la société". Farka était maire de leur ville, Afel, lui, travaille toujours à son bon fonctionnement.
Les comparaisons sont encore nombreuses, Afel Bocoum peut facilement s’effacer derrière les multiples images du talentueux mais très encombrant maire de Niafunké.
Le musicien vaut beaucoup plus et c’est peut-être pour cela qu’il a mis autant de temps à sortir ce nouvel opus sur un nouveau label, "Moi, j’ai besoin de peu pour être moi-même, pour vivre mais World Circuit a besoin de beaucoup". D’abord produit par la maison de disque World Circuit (Buena Vista Social Club, Oumou Sangaré, Orchestra Baobab et, bien sûr, l’oncle Ali…), il s’est fi nalement tourné vers le label belge — à taille nettement plus humaine — Contre Jour, sur les conseils du guitariste Habib Koité. Depuis quelque temps, ils se côtoyaient régulièrement pour une aventure qui a aussi beaucoup apporté à Afel, Desert Blues. Ce spectacle réunit trois ethnies importantes du Mali sur la même scène. Afel le Sonrhaï, Habib le Bambara et Tartit, un groupe de femmes nomades tamasheq, "On se connaît largement aujourd’hui, du fond du coeur. C’est surtout ça quej’ai pu trouver dans ce groupe. C’est ce qui manque au Mali. Nous, nous avons toujours prôné l’union. On ne connaît pas les guerres, on ne connaît pas la haine. Tout le monde est cousin, cousine, frère et soeur, il n’y a pas de différence. J’en suis très fier."
Fier, il peut aussi l’être de Niger, un album qui s’adresse aux Maliens mais qui, par l’universalité de ses thèmes et par la beauté de ses musiques, peut toucher le monde entier. "Sans ce fleuve, on ne parlerait jamais de Niafunké. Mon inspiration vient de ce fleuve Niger qui, malheureusement, s’ensable jours après jours. C’est un danger mortel. Pourtant, les gens n’en sont pas convaincus. Ils ne mesurent pas l’importance du danger, je saisis donc l’occasion pour leur parler de ce fl euve." Une musique et un cri pour sauver la vie de sa région, qu’il a paisiblement enregistrés au studio Yeelen de Bamako, "J’ai cherché à faire des choses nouvelles mais tout en restant dans ma nature, dans ma musique originale." La nouveauté se trouve avant tout dans le son, toujours épaulé par son groupe Alkibar, par le violon traditionnel (njarka) et la guitare monocorde (njurkle), c’est la présence d’Habib Koité — un nom qui commence à devenir familier — qui donne un nouveau souffle aux arrangements.
En croisant leurs talents, leurs cultures et leurs connaissances les deux musiciens illustrent parfaitement le discours d’Afel Bocoum, "Je fais la carte musicale du Mali. Que je chante en bambara, en tamasheq ou en peul, l’essentiel, c’est de parvenir à mon objectif qui est de me faire écouter, de me faire comprendre."


Pour écouter Afel Bocoum cliquez ICI
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20/11/2007

Sushelaa Raman (2)

Me revient en mémoire cette anecdote qui a eu lieu début mars 2004 au Idéal River View Resort près de Tanjore, lieu de luxe de calme et de volupté s'il en est...
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J’achevais un périple de plusieurs milliers de kilomètres sur des routes chaotiques à travers le Tamil Nadu, le Karnataka, le Kérala, et je passais ma dernière nuit de route dans cet hôtel. La veille j’étais tombé dans un boxon où se retrouvait pour s'alcooliser toute la faune locale, à la Kingfisher, la bière nationale, une blonde légère et mousseuse, bien agréable sous ces climats... Cassé de fatigue ni le tapage des poivrots, ni le feulement des ventilateurs, ni la chaleur encore supportable à cette époque de l’année, ne m’ont empêché de dormir.
C’est dire qu’arriver dans un tel lieu après ces événements à rendu encore plus perceptible le calme et l’harmonie qui s’en dégageaient. il semblait tellement incroyable qu’un tel endroit existât après tout ce bazar, ces foules, et ces routes poussiéreuses, ce chaos partout. J’avais changé d’itinéraire pour éviter une kumba mela qui se déroulait à Tiruchirapalli et qui devait réunir au minimum deux ou trois millions de pèlerins sur plusieurs jours. N’ayant plus envie de ces bains de chair, encore moins de devenir le centre d’attraction, trouver un lieu pareil m’est apparu comme un oasis.
La pelouse d’un vert phosphorescent resplendissait, taillée en permanence avec des ciseaux par une femme accroupie habillée en sari aux couleurs de l'uniforme de l’hôtel.
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C’est à la main et une par une, qu’elle ôtait la moindre mauvaise herbe qui aurait osé pousser par mégarde dans cette épaisse moquette où l’on enfonçait comme dans une mousse quand on marchait dessus. Partout des bougainvilliers, des ibiscus, des mainates en liberté qui sifflait, des perroquets verts. Jamais je n’ai ressenti une telle sensation aussi paisible en Inde.
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J’étais à ce moment-là si loin de tout, plongé dans les souvenirs de ce voyage essayant de recomposer mon être en rassemblant les morceaux. Une femme au loin vocalisait. Dans un premier temps je ne prêtais pas attention à cette voix qu’il me semblait pourtant connaître pour l’avoir entendu dans une autre vie.
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J’ignorais s’il s’agissait d’une chanteuse ou d’un enregistrement quelconque. Le nez collé dans mon carnet, je notais les premières sensations qui se dégageaient de cet endroit qui agissait sur moi comme un puissant psychotrope. Ici plus besoin de défense, plus besoin d’être sur le qui vive, plus besoin d’avoir le cerveau en alerte, on peut vivre comme suspendu dans les airs. Hors du temps et de toute contrainte...
C’était deux ou trois appartements plus loin...
Je vis passer dans mon champ de vision une indienne habillée d’un shorida jaune et orange, son écharpe pendait dans son dos. Je n’aurais probablement pas levé le nez de mon carnet, si je n’avais remarqué cette démarche princière, elle avançait d’un pas presque dansant comme si ses pieds ne touchaient pas le sol. Il arrive parfois de rencontrer des êtres pareils en des instants fugaces. Et on ne sait pas si ce sont des anges que l’on croise ou de simples mortels. C’est le pas tintinnabulant de clochettes de cette femme qui ne fit la regarder. En la voyant ici dans ce lieu et de façon aussi incongrue je prononçais son nom et ne pus m’empêcher d’être envahi par la chair de poule, car j’ai craint qu’elle ne m’entendit et ne vint vers moi. Il n’en fut rien, Susheela se dirigeait vers la sortie suivie par ce qui semblait être des musiciens...
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16/11/2007

Susheela Raman à Villaines-la-Juhel

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Par Ben de FRERETOC

J'ai été très étonné de voir, un peu partout dans mon palindrome, des affiches annonçant un concert de Susheela Raman, artiste indienne, à Villaines-la-Juhel, un patelin du nord Mayenne. Comme quoi, la vie réserve parfois de bonnes surprises, car j'avais beau écarquiller les yeux, je n'étais pas en train d'halluciner : elle passait bien en concert le mercredi 7 novembre et pour une somme ridiculement petite : 5 euros (dommage, j'étais prêt à payer largement le triple, comme - je pense - les 150 spectateurs qui avaient fait le déplacement).

Annoncée comme faisant la part belle à des reprises (Lou Reed, Bob Dylan, Joy Division) pour défendre son dernier album qui est une relecture à sa façon de titres qu'elle adore, la soirée promettait d'être fabuleuse et elle l'a été ! En trio (un guitariste, son frère aux tablas, et la belle au chant), Susheela Raman a livré une prestation incroyable, entre mysticisme indien, et réappropriation d'un répertoire européen de haute volée.

Le concert a débuté par un hymne indien qui a donné le ton : voix absolument merveilleuse - elle en fait ce qu'elle en veut - guitariste à tomber par terre, et une Susheela Raman qui ondule sur scène, gracieuse, dégageant un charisme impressionnant. L'aspect hypnotique de la musique indienne m'a marqué, et l'utilisation d'un sampler sur scène n'a fait qu'accentuer ce sentiment d'être embarqué, loin, très loin pour un vrai voyage musical. Susheela Raman, enregistre et démultiplie sa voix, ce qui donne une profondeur au tissu sonore proprement hallucinante.

Difficile de reconnaître les reprises tant elle change quasiment tout, à l'exception des paroles. J'ai tout de même reconnu un morceau du Velvet, un Dylan, un Joy Division (!) qu'elle a annoncé avant, en expliquant brièvement la vie de Ian Curtis le chanteur de Joy Division, suicidé à 23 piges. Une artiste indienne, qui reprend un obscur groupe punk-new wave anglais des années 80 à Villaines-la-Juhel ! La vie réserve d'agréables surprises, non ?

Au second rappel, Susheela demande au public de lui donner le titre d'un morceau qu'il aimerait qu'elle joue, je n'ose pas lancer Song to the siren, sa magnifique reprise du morceau Tim Buckley, et c'est un autre titre qui aura la faveur du public. Je me dis "dommage, elle a joué tellement de reprises, celle-ci est pourtant la plus belle"... Le morceau se termine, elle commence à quitter la scène, et là : moment magique : le guitariste vient devant elle, commence à jouer les premières notes de Song to the siren, lui sourit, l'air de dire "allez, on leur joue celle-là, ok ?", la belle lui répond par un sourire, et s'approche du micro. Là, je ne touche plus terre, tellement l'instant est magnifique. Le morceau restera longemps dans ma tête ce soir là, tout comme sa voix et ce concert fabuleux. Et ce moment, on l'aura vécu dans un patelin paumé, quelque part en nord Mayenne...



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photo Bénédicte Mercier Tanjore, Tamil Nadu

chers lecteurs, je ne peux que vous inviter à continuer la lecture des critiques sur le blog de freretoc

08/11/2007

La Commission de Coordination Internationale de Vía Campesina

Considerant que: devant les événements du 21 octobre au cours desquels deux tueurs à gage, engagés par Syngenta,la transnationale Suisse qui promeut le production de transgéniques, ont envahi le campement Tierra Libre des paysans du Mouvement des Sans Terre (MST), mouvement affilié à Via Campesina au Paraná, et assasiné notre compagnon Valmir Mota de Oliveira, connu sous le nom de Keno, de deux coups de feu à bout portant, tout en menaçant les autres paysans et paysannes présentes,


Nous vous demandons:

De mener des actions de protestation devant les bureaux de Syngenta dans les pays respectifs et de présenter des communications dans les ambassades de Suisse et du Brésil avec les requêtes suivantes:
1. Châtiment pour les acteurs matériels et intellectuels de ce crime.
2. Expropriation des terres de Syngenta pour la production de semences créoles afin qu'elles soient adminitrées par les paysannes et les paysans.
3. Expulsion de Syngenta du Brésil.
4. Que le gouvernement du Brésil sous le mandat du Citoyen Président Luís Ignacio Lula Da Silva adopte des mesures pour assurer l'intégrité physisque des paysannes et des paysans qui sont menacés par les tueurs engagés par Syngenta.
5. Nous demandons aux organisations de soutenir les initiatives d'Amnistie Internationale pour répudier et pour condamner Syngenta.
6. Que les organisations de Via Campesina dans tous les pays organisent des journées de protestation devant les Ambassades de Suisse, du Brésil et devant les bureaux de Syngenta le jeudi 8 Novembre 2007, pour condanner cet acte criminel*
7. Envoyer des notes de protestation aux adresses suivantes:

*Governador do Estado do Paraná*
Exmo Governador do Estado do Paraná
Sr. Roberto Requião de Mello e Silva
Palácio Iguaçu
Praça Nossa Senhora de Salete, s/nº, 3º andar
Centro Cívico 80.530-909
Curitiba/PR - Brasil
Fax: + 55 41 3350 2935
Adressé à: Vossa Excelência/ Your Excellency/ Votre Excellence

*Ministro da Justiça**
*Exmo Ministro da Justiça
Sr. Tarso Genro
Esplanada dos Ministérios, Bloco "T"
70712-902 - Brasília/DF - Brasil
Fax: + 55 61 3322-6817
Adressée à: Vossa Excelência/ Your Excellency/ Votre Excellence

*Copies pour:*
Secretaria Especial de Direitos Humanos
Exmo. Secretário Especial
Sr. Paulo de Tarso Vannuchi
Esplanada dos Ministérios - Bloco "T" - 4º andar
70.064-900 - Brasília/DF - Brasil
Fax: + 55 61 3226 7980
Adressée à: Vossa Excelência/ Your Excellency / Votre Excellence

Copie au MST Brésil et à Via Campesina : mstpr@mst.org.br Y viacampesina@viacampesina.org

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06/11/2007

la vie aux indes (7)

Photos: Bénédicte Mercier

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Le train poussif avançait péniblement, tiré par une locomotive diesel en zigzaguant sur les rails tortueux qui s’élançaient entre les plantations de thé. Dans une vallée large et ensoleillée le convoi grimpait dans ces paysages qui semblaient peignés et sagement taillés par un jardinier scrupuleux dans lesquels s’y enfoncent des allées. Pas un arbrisseau n’est plus haut que l’autre. Impeccablement. De loin cela dessine un puzzle verdoyant entre les pièces duquel se faufilent les ouvrières qui partent récolter les feuilles de thé. Parfois, ça et là, dans le paysage percent des villages verts ou bleus, de terre battue et couvertes de tuiles ou de tôles de zinc qui se reflètent comme des plaques d’argent. Accrochées à flanc de colline, les maisons sont serrées les unes contre les autres pour économiser le terrain. Ces villages aux maisons de poupées ponctuent de leur présence cette épaisse moquette végétale dans laquelle parfois des drapeaux rouges marqués de la faucille et du marteau font des points comme des perles de sang dans cette immense étendue verdoyante. Tout le paysage court sur ces monts dodus d’où émergent quelques grands arbres qui étendent des branches pour donner un semblant d’ombre. Des troncs montent d’un jet au ciel. Droits et noirs avec des branches aux feuillages éparses.

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Dans la gare attendait une locomotive à vapeur qui crachait déjà son nuage blanc et le conducteur actionna le sifflet. On aurait pu croire à un modèle réduit. Changement de motrice, nous voilà après une longue demi-heure, attelés à cette nouvelle machine qui siffle, peste et avance en grimaçant sur ses rails. Deux trains par jour sur cette ligne construite au début du siècle dernier par les anglais qui allaient se mettre au frais en altitude, en attendant la mousson.
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Temps modernes obligent la montée s’effectue au diesel la descente au charbon. Le convoi s’ébranle lentement. Quand nous abordons la descente les freineurs installés sur les plateformes à l’extérieur des wagons, un à chaque extrémité, tournent la manivelle en laiton brillant de leurs freins pour contenir l’accélération lors de la descente du convoi. On dirait un être vivant. Le dragon crache ses escarbilles et des petits feux s’allument ça et là le long de la voie. Souvent des débuts d’incendie ont noircis le bord des rails. Le petit train avançait lentement malgré la descente. Passer de deux mille à trois cent mètres d’altitude, sur une distance de trente kilomètres, rend l’exercice périlleux.
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A l’arrêt d’une gare entourée de hauts arbres, où visiblement sous les frondaisons à l’abri de la lumière on cultive le cardamome, des bandes de singes encadrés de vieux mâles aux babines retroussées montrent leurs crocs. Des femelles flanquées de jeunes grimpés sur le dos surgissent et courent après le train. Ces agiles soudards regardent à l’intérieur des wagons prêts à chaparder tout ce qui passe à leur portée.

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Ces petits humains ont le tour des yeux plus blanc que le reste du pelage, comme s’ils étaient maquillés ce qui leur donne un regard si expressif qu’on dirait qu’ils vous dévisagent avec presque autant d’intensité qu’un mendiant qui attend en souriant son aumône. Le cul posé à même la pierre, excités à la vue de la nourriture, les impudiques exhibent des sexes turgescents sortis de leurs fourreaux. Des femelles s’approchent plus prés encore des wagons. Un gros mâle monte sur le toit, tandis qu’un autre s’installe entre les deux wagons à la place désertée par le freineur parti boire un thé massala au buffet de la gare miniature. Sur le ballast, les macaques attendent près des hommes qui boivent et mangent des samosas debout au buffet. Leurs silhouettes font comme si d’étranges chiens s’étaient mélangés à une troupe d’humains. Ils gardent une distance de sécurité, bien qu’ils sachent ne pas craindre pour leur vie.
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Soudain, des cris dans un des wagons. Un de ces mâles s’est emparé du biberon qui dépassait d’un sac et nonchalamment presque avec agilité, il a rejoint la frondaison d’un acacia flamboyant, mordant la tétine pour mieux disposer de ses mains afin de pouvoir escalader le tronc. Arrivé sur une branche où il se sentait en sécurité, narguant le public des humains, il a arraché la tétine et a bu lentement le lait. Fier de son forfait, il provoquait l’assistance des voyageurs incrédules par tant d’audace d’intelligence. Le soudard semblait rigoler de ce bon tour joué aux humains. Quand il a eu fini de boire le lait qui lui dégoulinait de chaque côté des babines, il a laissé tomber le biberon qui ne l’intéressait plus. On se serait attendu à le voir roter d’aise.

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Suspendu à des pentes abruptes, traversant des gouffres vertigineux, maintenus dans le vide par des ponts aux piles antédiluviennes, passant sous des tunnels qui rabattent la fumée de mauvais charbon à l’intérieur des wagons dépourvus de fenêtre, le convoi avance. Vous tentez de vous protéger le nez avec un bout de kleenex usagé qui erre au fond d’une poche de votre saharienne et vous manquerez de vous asphyxier. Le convoi trahi toutes les lois de la physique. Il ne chute pas, ne se renverse pas. La chenille avance lentement sur ces fils ténus que sont ces deux rails dans une végétation qui devient de plus en plus tropicale avec la descente.

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05/11/2007

Du côté de l'ANTOsphère

N'hésitez pas aprés votre visite Chez Ressacs
à aller faire un tour du côté de l'Antosphère
ça swingue pas mal, par là aussi.....
en cliquant sur le lien
là à gauche....
dans la colonne...

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31/10/2007

Petits meurtres entre amis (suite)...

WASHINGTON (AFP)

Un responsable démocrate au Congrès a demandé mardi des explications à la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice sur l'immunité accordée par des enquêteurs du département d'Etat à des agents de la compagnie de sécurité privée Blackwater, impliqués dans la mort de 17 Irakiens.
Selon le Washington Post, les agents de la police fédérale (FBI) qui sont chargés depuis le mois d'octobre de l'enquête sur la fusillade du 16 septembre ne peuvent pas utiliser les témoignages recueillis préalablement par le bureau de la sécurité diplomatique du département d'Etat parce qu'ils ont été effectués sous couvert d'immunité.
Certains gardes de Blackwater ont refusé de répondre aux enquêteurs du FBI en raison de cette immunité, écrit le journal.
Dans un communiqué, le sénateur démocrate Joseph Biden, qui préside la commission des Affaires étrangères, demande à Mme Rice si ces informations de presse sont "exactes", "si c'est le cas, qui a donné l'autorisation d'accorder l'immunité" et enfin s'il y a eu "consultation avec le département de la Justice avant que l'immunité soit accordée" aux agents de Blackwater.
"Le département de la Justice et le FBI ne peuvent pas commenter de faits concernant le cas Blackwater, qui fait l'objet d'une enquête en cours. Cependant, toute assertion suggérant que les employés de Blackwater en cause se sont vu accorder l'immunité contre des poursuites de la justice pénale fédérale est inexacte", a réagi le porte-parole du département de la Justice, Dean Boyd, dans un communiqué.
Le porte-parole du département d'Etat, Sean McCormack, avait auparavant refusé de confirmer ces informations, invoquant lui aussi l'enquête en cours. Il a cependant noté que légalement, son ministère ne peut accorder à ses employés qu'une "immunité limitée".
"Le département d'Etat ne peut pas immuniser un individu contre des poursuites de la justice pénale fédérale", a-t-il précisé. "En outre, l'+immunité+ que la presse a évoquée n'est nullement incompatible avec le succès de poursuites pénales".
M. McCormack s'est efforcé de tenir Mme Rice à distance de la polémique.
"L'attitude de Mme Rice est que si des individus ont violé des règles, des lois ou des réglementations, ils doivent être poursuivis", a-t-il déclaré. "Et çà, ce sera au département de la Justice de le décider".
"Son attitude à elle après cet incident a été conforme à cette approche", a ajouté le porte-parole. "C'est elle qui a demandé au FBI de mener l'enquête".
A l'issue d'un déjeuner entre Mme Rice et son collègue de la Défense, Robert Gates, le porte-parole du Pentagone, Geoff Morrell, a indiqué que l'armée américaine allait coordonner à l'avenir les mouvements des groupes privés de sécurité en Irak, une décision prise d'un "commun accord" avec le département d'Etat.
Le 16 septembre, 17 civils ont été tués à Bagdad au passage d'un convoi de Blackwater dont les gardes ont été accusés de "crime délibéré" par les autorités irakiennes.
Le patron de Blackwater, Erik Prince, affirme quant à lui que ses employés ont été la cible de tirs et qu'ils n'ont fait que répliquer.
Ses agents ne peuvent être jugés par des tribunaux militaires américains et il n'est pas établi s'ils peuvent être jugés aux Etats-Unis pour des crimes commis à l'étranger.
Le Congrès américain envisage cependant une nouvelle loi qui permettrait de le faire. En outre, des familles de victimes irakiennes de la fusillade du 16 septembre ont porté plainte en octobre aux Etats-Unis, réclamant des explications et des dédommagements.
"Cette immunité, quelle qu'elle soit, n'empêchera pas le procès au civil que nous avons intenté à Blackwater", ont souligné mardi les avocats des victimes dans un communiqué.

Petite leçon basique d'anatomie par Ballouhey...

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27/10/2007

Aconcha

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Aconcha est née à la Havane le 14 février 1946, dans une famille sino-africaine. Dès sa naissance, son oncle Tata, babalao ou “sorcier” dans le culte de la Santeria, décèle en elle une digne représentante de sa lignée et lui insuffle peu à peu son savoir. Mais, à la Révolution, le changement radical de la société cubaine interrompt les aspirations profonde de l’adolescente. Son père, fervent et sincère communiste, lui transmet sa fièvre révolutionnaire et, en 1965, elle obtient un poste à l’ambassade de Cuba à Paris. En mai 1968, elle quitte ces fonctions et opte résolument pour un retour vers ses rêves d’enfance en laissant libre cours à l’énergie créatrice qui l’habite.

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Toujours sous l’infuence magique de la Santeria, cette autodidacte se lance dans le milieu artistique et, bientôt, s’exprime à la fois comme peintre, dessinateur, sculpteur, styliste ; elle chante : à travers son CD “Noche Cubana” elle rend hommage au bolero.
Elle vit et travaille au coeur de la forêt dans le parc du Verdon en France. Elle peint pour se protéger, pour exister tout simplement.


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Les tableaux et les sculptures d'Aconcha nous parlent de l'abondance, de la fécondité de l'esprit, de l'imagination à travers des femmes, innombrables. Elles sont au centre de toutes les facettes de sa création. Elle les habille de textile, de quartz, de plume, de terre, de coquillage, de papier et puis les tubes de peinture acryliques, les pigments, les pastels secs, les encres, les crayons leurs donnent la lumière, la vie. Leur visage est tantôt solaire, tantôt lunaire, partout obsessionnel.Toute son ouvre est un chant à l'amour,un cantique à la nature et à la femme.

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23/10/2007

Robert Penn Warren

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Un "Cavalier de la Nuit" ?

Né en 1905 à Guthrie, petite ville du sud du Kentucky, d'une vieille famille sudiste : ses deux grands-pères avaient participé à la guerre de Sécession, et l'un d'eux, chez qui il passait ses vacances enfants, aimait raconter les batailles auxquelles il avait participé. On retrouve dans Le grenier de Bolton Lovehart
1) ce goût de la narration, ce talent de conteur
2) surtout, le poids de cette guerre fondatrice, mais ici dans une version quelque peu frelatée (héros de pacotille maquillant leur couardise et leur apathie sous le fard d'une virilité trop voyante ; communauté faussement soudée autour d'un monument aux morts kitsch...).

- UN FAUX PERE ? Très tôt, ambiguité des relations avec la figure paternelle (évoquée dans Who Speaks for the Negro ?), qui semblait être un personnage difficile. Warren a reconnu expressément : "le «vrai» et le «faux» pères sont dans pratiquement toutes mes histoires".

- ECRIVAIN BORGNE : après ses études secondaires, alors qu'il ambitionnait de devenir officier de marine (de fait, prit-il jamais "le large", dans tous les sens du terme ?), la perte d'un oeil le contraint à se replier sur les études : il enseignera toute sa vie. Et on dira (en forçant le trait) que cette demi cécité se retrouve dans l'univers moral toujours clair-obscur de ses romans ?

- " LES FUGITIFS " : il s'inscrit à l'université Vanderbilt, où il a pour condisciple Allen Tate, et où enseignaient alors le poète et critique John Crowe Ransom, ainsi que Donald Davidsom qui lui fit lire The Waste Land de T.S.Eliot dès sa parution. Profs et étudiants se réunirent dans un groupe littéraire dynamique, les Fugitifs, qui publia 2 revues dans lesquelles Warren fit paraitre 24 poèmes. Quitte Vanderbilt en 1925, puis aller faire sa maîtrise à Berkeley puis Yale. Une bourse lui permit d'aller passer 2 ans à Oxford (1928-1930).

- LE CONFLIT INTERIEUR DU SUD : pendant son séjour à Oxford, écrit sur commande une biographie de John Brown, un des héros du mouvement anti-esclavagiste du 19° siècle : The Making of a Martyr (1929) eut peu de succès. A la demande de Ransom, Davidson et Tate, écrit un essai pour l'important recueil d'articles I'll Take My Stand (1930) destiné à défendre la culture agraire et jeffersonienne du Sud contre la culture industrielle et urbaine du Nord. Il allait reprendre en 56 le thème de la ségrégation raciale dans Segregation. The Inner Conflict of the South pour dire aux gens du Sud que leur principal problème était d'"apprendre à vivre avec eux-mêmes".

- THE SOUTHERN REVIEW : Rencontre à l'université de Louisiane où il enseigne désormais Cleanth Brooks, un des fondateurs de la Nouvelle Critique avec qui il co-édite le très influent Understanding Poetry (1938) et surtout fonder la fameuse Southern Review (disparue en 1942) où parurent Auden, Burke, Eliot, Huxley, Blackmur, Mary McCarty. Nommé en 42 à l'université du Minnesota à Minneapolis. Puis à Yale jusqu'en 56 pour enseigner l'écriture de théâtre.

- D'ABORD UN POETE : on oublie souvent que Penn Warren, éclipsé en France par le succès de ses grands romans, était d'abord un poète : par exemple le recueil Promises (1957) qui lui valut le prix Pulitzer.
Dans son essai Pure and Impure Poetry (1943), il expose ses principes naturalistes en matière esthétique : nécessité de faire coexister le vulgaire et le métaphysique, le langage populaire et le langage le plus formel, pour créer un effet de choc et montrer la nature duelle de l'homme.

- LE SUD, ROMAN AMBIVALENT : on retrouve ce projet dans ces romans. Le premier insiste sur la dimension morale des combats que se menaient alors les planteurs du Sud. Le 2° dénonce le vide spirituel dont souffre le Nord urbain. World Enough and Time, en 1950, fondé sur un fait divers de 1825, raconte la célèbre tragédie du Kentucky au terme de laquelle une femme avait conduit son mari à assassiner un colonel qui l'avait autrefois séduite. Au lieu de faire raconter l'histoire par un des acteurs, Warren a inventé un historien anonyme qui a découvert la vérité dans un journal intime. Dans The Cave (1959), il écrit une sorte de version moderne de l'allégorie de la caverne de Platon.

- Il meurt en 1989 dans le Connecticut où il résidait .


Benoît Laudier
On ne prête pas grande attention à Robert Penn Warren. C’est un tort. Alors que Faulkner jouit d’une belle réputation, ce contemporain auquel on le compara est au Purgatoire. Pourtant, cet auteur ayant exploré le mythe du Sud n’a rien à envier à son aîné. Après L’Esclave libre, les éditions Phébus ont décidé de publier Les Fous du roi. Il passera inaperçu dans les salles de rédactions, puisqu’il est toujours plus utile pour ces gens-là de défendre l’indéfendable plutôt que de s’intéresser à un grand écrivain. En effet, le lyrisme qui parcourt Les Fous du roi en fait un roman vigoureux. La violence s’y trouve en bonne place -les souvenirs de la guerre de Sécession sont encore vivaces. La victoire des bouchers du Nord pèse lourdement sur les hommes du Sud. D’où un certain romantisme des causes perdues et un attrait pour l’échec chez ces esprits humiliés. Une scène du roman en donne une idée qui nous semble juste, lorsque l’auteur exprime les sentiments complexes d’un anti-esclavagiste fidèle à la tradition sudiste, et qui meurt dans les rangs des Confédérés sans avoir tiré un seul coup de feu.
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De même, le portrait de Willie Stark emprunte à l’Histoire : il est inspiré d’un ancien gouverneur de Louisiane, Huey Long, orateur plaisant aux foules, et démagogue ayant instauré la corruption et le chantage. Son idéal de justice (défendre les pauvres) se rattachant aux idées qu’il exprime sans pouvoir les réaliser. Un coup de feu sur les marches du Capitole arrêtera net sa course. Car la loi repose entre les mains de citoyens sans scrupules. Ainsi, le personnage du juge a d’autres mœurs. Il représente le monde de la chair. Il se trouve face à ceux qui ne s’en tirent jamais, les damnés, les hors-la-loi, toujours lucides sur leur condition, mais impuissants. Ils suivent la marche du monde sans s’y intégrer vraiment (aucune communication n’est possible entre ces deux mondes, celui des politiques-financiers et celui des réprouvés).
Il faut donc relire ce dramaturge. La force explosive de son style très imagé parcourt l’ensemble de son récit. Il sait ménager l’attention du lecteur jusqu’à la fin (l’histoire de Cass Mastern), car rien ne nous est donné jusque-là. Peu de romanciers peuvent prétendre à cela. Il en est de même de sa démonstration, qui ne souffre d’aucune faille. Et là, on est plus très loin de la métaphysique.
Robert Penn Warren - Les Fous du roi
Editeur Phébus 531 p.
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Le grenier de Bolton Lovehart
Robert Penn Warren , Jacqueline Chambon / Rouergue coll. Nouvelles du Monde , 2004 , 9.00 €


Par un après-midi de juin 1788 ou 1789, un trappeur d'aventure, Lem Lovehart, s'arrête au bord d'une rivière, au fin fond du Tennessee. C'est là que s'éléverait bientôt Bardsville, bourgade typique du Sud avec juste ce qu'il faut de légendes rafistolées et de pseudo-héros de la Guerre de Sécession pour justifier des vies sans but ni importance. Là aussi qu'un siècle plus tard, naîtrait et grandirait son arrière-petit-fils Bolton Lovehart, entre services du dimanche et lectures de la Bible... Puis un beau jour, quand il aurait seize ans, le cirque débarquerait à Bardsville. Quand il repartirait, Bolton repartirait avec lui... Plus tard encore, alors qu'on le croirait en train d'écrire un livre sur l'histoire de sa communauté, il se mettrait à construire un cirque, dans le grenier. Puis il passerait à autre chose, continuerait de vivre, bon an mal an, comme on vit quand on sait que, dans le fond, il n'y a que ça à faire : vivre jusqu'à ce que la boucle soit bouclée. Faire trois petits tours et puis s'en aller, rejoindre le cirque du grenier.

Un texte très fort, très dense, où R.Pen Warren regarde le cirque de la vie. Un pendant intéressant aux grands romans et poèmes qui ont fait sa notoriété.


Les fous du roi
Robert Penn Warren , Phébus coll. D'aujourd'hui. Etranger , 1999 , 24.24 €

L'ascension d'un politicien à l'ambition démesurée rattrapé par un passé dont il a imprudemment remué les eaux troubles. Le 3° roman de Penn Warren, prix Pulitzer 1946. Fut porté à l'écran en 1949 et marqua sans doute le sommet de la gloire pour Warren.

Le héros de All the King's Men n'est pas Willie Stark, réplique du gouverneur démagogue Huey Long, mais son complice Jack Burden, un journaliste féru d'histoire qui nous montre comment l'avidité des uns, les petites lâchetés des autres provoquent le pourrissement des moeurs collectives. La technique narrative en est assez complexe : les nombreux retours en arrière permettent à Burden d'effecturer une "excursion dans le passé".


L'esclave libre
Robert Penn Warren , Phébus coll. Libretto (poche) n°50 , 2000 , 11.50 €


Dans A Band of Angels (1955), Samantha Starr, fille d'un riche planteur du Kentucky, découvre à la mort de son père ce secret de polichinelle que nul n'osait lui avouer : elle est en réalité la fille d'une beauté noire qui avait partagé naguère le lit du maître de Starrwood. Elle n'appartient pas au monde des gens libres. Car règne encore l'antique loi du Sud : son père étant mort sans testament, la demeure est mise en vente, et elle-même, en qualité de fille d'esclave, fait partie des lots que les acheteurs vont se disputer à l'encan pour éponger les dettes paternelles. Elle sera émancipée lors de la guerre de Sécession... Le coup de force est de faire narrer l'intrigue par Samantha elle-même, à la première personne.

Frédéric Vitoux, in Le Nouvel Observateur : "Autant en emporte le vent n'aura cessé de faire de l'ombre à L'Esclave livre de Robert Penn Warren - longtemps considéré pourtant comme le grand rival de Faulkner. Une ombre que l'on est en droit de trouver injuste (au lecteur de comparer)...Le romancier évoque avec grandeur - et cruauté - les fastes trompeurs du vieux Sud à la veille de la guerre de Sécession... et ne fait de cadeau à personne. Raoul Walsh tirera du livre un de ses plus grands films (avec Clark Gable et Yvonne De Carlo)".


La grande forêt
Robert Penn Warren , Stock coll. Biblio cosmopolite n° 96 , 1988 , 9.15 €

Adam Rosenzweig, jeune Allemand dont le père a naguère, avant de mourir, renié son passé révolutionnaire, part pour l'Amérique où la guerre de Sécession fait rage...
Wilderness (1964), tout comme plus tard Meet Me in the Green Glen (1971) se passent dans le Tennesse et examinent l'évolution économique et sociologique de la région.


Les rendez-vous de la clairière
Robert Penn Warren , Actes Sud coll. Babel n°197 , 1996 , 10.00 €

"Savez-vous où il est, ce métèque ?" Et, avant qu'elle ait eu le loisir de répondre, prise dans son extase, il marcha sur elle et, à brûle-pourpoint : "Eh bien, il est mort ! Voilà où il est !"

Elle reprenait conscience et le regardait avec un sourire de pitié indulgente. "Mort ! Sur la chaise électrique. Coupable et exécuté ! Et vous savez pourquoi ?"

Le drame dont voici l'épilogue est la trame de ce roman de Penn Warren, qui s'ouvre sur l'arrivée d'Angelo, le jeune et beau Sicilien, dans ce Tennessee où Cassie vieillissante veille son mari impotent... Mais l'étoffe en est irréductible à une seule ligne narrative : l'histoire d'amour qui advient de cette rencontre, le meurtre, le procès, l'exécution... sont autant d'avatars du souffle romanesque d'un des écrivains américains les plus inspirés, à l'écriture puissante, tourmentée.


Un endroit où aller
Robert Penn Warren , Actes Sud coll. Babel n° 28 , 1991 , 10.00 €

A Place to Come to (1977) est sans doute le roman le plus important et le plus autobiographique des vingt dernières années de Penn Warren. Avec une multitude d'enchâssements et de flash backs, il narre l'ascension sociale et la difficile quête de soi d'un homme du Sud, professeur de 60 ans qui passe en revue sa propre vie et découvre le poids du passé sur son destin : il a beau faire, les tribulations de l'existence le ramènent invinciblement au pays natal, dont il n'a jamais pu cesser d'interroger les mirages et les sortilèges.

Penn Warren livre ici les 3 clés de son propre royaume : l'amour au sens le plus déchirant ; l'aventure sous l'angle presque médiéval de la quête ; et le Sud dans la dialectique la plus mythologique de l'appartenance et du détachement.

20/10/2007

PORTRAIT D'UN ILLUSTRE PETIT HOMME

Par Victor Hugo


M. Thiers, M. Scribe, M. Horace Vernet, c’est le même homme sous les trois espèces différentes de l’homme politique, de l’auteur dramatique et de l’artiste. Ce qui prouve que cela est vrai, c’est que l’assimilation leur plairait à tous les trois. Talents faciles, clairs, abondants, rapides, sans imagination, sans invention, sans poésie, sans science, sans correction, sans philosophie, sans style, improvisateurs quelquefois charmants, mais toujours vulgaires lors même qu’ils sont charmants, prenant la foule par tous ses petits côtés, jamais par les grands ; bourgeois plutôt que populaires ; compris plutôt qu’intelligents ; faits à l’image du premier venu, par conséquent triomphant toujours ; ayant les défauts qui plaisent sans les qualités qui choquent, capables au besoin d’un vaste tableau, d’une longue pièce ou d’un énorme livre, mais où le petit se fera toujours sentir ; hommes du présent, vivant dans la minute, sans le souvenir d’hier et sans la divination de demain, n’ayant ni le sens du passé ni l’instinct de l’avenir, également antipathiques aux nouveautés et aux traditions ; travaillant beaucoup, pensant peu ; promis à une immense renommée et à un immense oubli ; créés pour faire vite, pour réussir vite, et pour passer vite.

M. Thiers, c’est le petit homme à l’état complet. De l’esprit, de la finesse, de l’envie ; de la supériorité par instants, quand il a réussi à se hisser sur quelque chose ; force gestes pour dissimuler la petitesse par le mouvement ; de la familiarité avec les grands évènements, les grandes idées et les grands hommes, pour marquer peu d’étonnement, et par conséquent quelque égalité ; de l’entrain, du parlage, de l’impertinence, des expédients, de l’abondance, qualités qui prennent les gens médiocres ; dans la conversation, ni rayons, ni éclairs, mais cette espèce particulière d’étincelles qui éblouit les myopes ; dans le style, beaucoup de vulgarité naturelle, que le gros des lecteurs érige en clarté ; par-dessus tout, de l’aplomb, de l’audace, de la confiance, taille basse et tête haute ; derrière soi, à portée de la main, dans le bagage, une foule de théories de toutes dimensions, c’est-à-dire des échelles pour monter à tout.

J’ai toujours éprouvé pour cet illustre homme d’Etat, pour cet éminent orateur, pour cet historien distingué, pour cet écrivain médiocre, pour ce cœur étroit et petit, un sentiment indéfinissable d’enthousiasme, d’aversion et de dédain.


VICTOR HUGO, " CHOSES VUES " (1881)

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15/10/2007

Colum Mac Cann

Il y a des écrivains qu'on a envie de recommander et d'autres pas. Colum Mac Cann fait partie de ceux-là, comme Penn warren, comme Lobo Antunés, Alejo Carpentier, Georges Amado. Des hommes qu'il vous semble essentiel d'avoir connu. Des types qui vous balancent des upercuts à chaque détour de phrase. On ne sait pas pourquoi. Ou si peut être parce que ça sent la sueur, le mauvais alcool et le tabac froid. Des types dont la petite musique des mots longtemps vous hantent. Ces gugus sont dangereux. Il faut s'en éloigner rapidement si on ne veut pas être happé dans leur phrasé de maëlstrom. Ceux qui écrivent savent ce que je veux dire. Tendez l'oreille je vous jure que ça décoiffe, vraiment.
Alors j'ai pillé tout ce que j'ai trouvé sur la toile les concernant, en français of course, qui me semblait intéressant.

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Le Chant du Coyotte
Résumé
Pendant de nombreuses années, Mickaël l'Irlandais prit des photos. Un jour, il arrêta , et se mit à la pêche à la mouche avec la même fougue. Il était déjà vieux, et sa femme Juanita la mexicaine venait de le quitter. Leur fils Connor a 23 ans est de retour au pays (un petit coin d'Irlande au bord d'une rivière polluée). Connor vient de parcourir le monde pendant Cinq ans : il a hérité cette instabilité de son père. Il a cherché sa mère, à peu près partout où elle aurait pu se réfugier : mais d'elle, aucune trace, nulle part, évanouie dans les vents qu'elle aimait. Les seules traces tangibles, ce sont ses photos que le vieux Mickaël avait pris d'elle à pendant toute sa vie. Photos qu'elle a fini par maudire... Les deux hommes, le père et le fils, se retrouvent quelques jours après des années de non communication, de silence, ils se réapprivoisent. Parallèlement, Connor raconte la vie du couple que formaient ses parents : la belle mexicaine devenue si triste et le photographe itinérant.

la Rivière de l'Exil

Ce résumé de la rivière est un Post librement adapté de eireann yvon.

Une femme rentre clandestinement aux Etats-Unis pour voir sa sœur religieuse qui est très gravement malade. L’accès lui est interdit. La sœur qui lui refuse l’entrée est irlandaise ; quelque mots de gaélique plus tard, tout est rentré dans l’ordre, sauf entre les deux sœurs (de sang) pour une mystérieuse affaire de chaussettes !

Deux homosexuels dans un port de pêche, l’un se meurt du sida, l’autre étripe des poissons pour subvenir à leurs besoins, un matin pris sur les heures de travail leur donnera un peu de bonheur à tous les deux.

Le monde à l’envers, un exilé japonais en Irlande, les supputations vont bon train, tapissier décorateur, ils donnent du travail aux jeunes gens pendant les vacances scolaires, mais personne ne saura rien de lui. Un jeune homme jette pièces par pièces dans la rivière, de son fauteuil roulant, le vélo qu’il conduisait lors de l’accident qui est la cause de son handicap. Une rivière, des femmes qui pêchent et des hommes qui jouent au football, la campagne irlandaise un jour de beau temps, c’est la nouvelle qui donne son titre au recueil.

Des éducateurs face à des jeunes sans repères, ce garçon de quatorze ans qui a tué le mari de sa maîtresse, et qui s’est rendu à la police parce qu’il avait peur du noir. Ou cet autre éducateur qui doit aller au mariage d’une jeune aveugle dont il a la charge.

Dans "En avant marchons gaiement ", un vieil irlandais sort de chez lui, à la Nouvelle-Orléans sur le mur une inscription l’intrigue "Femmes du monde, levez-vous du lit de vos oppresseurs……pour faire le petit déjeuner". Qui sur ce mur plein d’insanité et dans ce monde livré à la misère et à la drogue peut avoir écrit cela ? Ancien boxeur, les souvenirs lui reviennent. Le départ de l’Irlande, se jurant de revenir champion du monde poids lourds, il chante sur le pont "Irlande je t’aime, a Chusla Mo Chroí" (amour de mon cœur), l’amour l’attendait, mais la défaite aussi et surtout les désillusions.

La nouvelle "Je peux placer un mot" chef d’œuvre d’humour noir et grinçant avec un final inattendu.

Ici ou ailleurs, le déracinement et contrairement aux clichés, tous les exils ne sont pas synonymes de réussites. Des éducateurs désabusés, des vétérans du Vietnam en chaises roulantes, la mauvaise face du monde, celle des perdants, ceux que la vie dédaignent.

Titre original : Fishing the Sloe-Back River. Editions Belfond. Recueil de douze nouvelles, couronné par le "Rooney Prize Literature" en 1994.
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Les Saisons de la nuit




L'Irlandais Colum Mc Cann quête, sous la terre jusqu'au ciel, dignité, amour, rédemption. Avec lui, la piété est une station de métro.

par Dominique Aussenac
article paru dans le matricule des anges

1916. Alors qu'en Europe, les hommes rampent dans des tranchées, à New York, sous l' East River, ils se meuvent aussi dans le froid et la boue pour construire les tunnels du métro. Un Irlandais, un Italien, un Noir américain, terrassiers, pionniers de cette souterraine nouvelle frontière sont victimes d'un accident digne des aventures du baron de Münchhausen ou d'une parabole biblique. Après une explosion dans le tunnel, ils sont avalés par la terre et régurgités au-dessus des eaux glacées du fleuve. Mais si sous terre, les hommes paraissent égaux, il n'en est rien à la surface. Et la vie terrible d'un Noir se transforme en chemin de croix lorsque ce dernier épouse une femme blanche qui lui donne des enfants.
1991. Treefrog, S.D.F, vit dans les entrailles de Manhattan au milieu d'autres déshérités. Il fuit une faute honteuse, se punit régulièrement et organise une vie aérienne souterraine, pendant obscur à la vie qu'il menait à l'air libre lorsqu'il construisait des gratte-ciel.
Peu à peu ces deux histoires se recoupent. Le tunnel dans lequel vit Treefrog a été construit par Nathan le Noir. Treefrog, n'est autre que le petit-fils métissé de Nathan qui finira sous les rails du métro. Treefrog en portera longtemps la culpabilité, mais l'amour instillé par le grand-père sera le plus fort et permettra au petit-fils d'accéder, d'abord à la rédemption, puis à la résurrection.
Colum Mac Cann a l'âge du Christ sur la croix. Né à Dublin, il quitte à dix-sept ans l'Irlande pour sillonner la planète, essentiellement l'Amérique, du nord au sud. Ecrire est son but, de petits boulots en reportages, il observe le monde et s'y cogne. Après un recueil de nouvelles Fishing the Sloe-Black (1994) encore non traduit, Le Chant du coyote, son premier roman (1996) vient d'être réédité. Il raconte l'amour-haine d'un père et d'un fils, unis dans le souvenir de la mère d'origine mexicaine, qui a fui la dérive du couple et les brumes de l'Irlande. Encore une histoire de famille bouleversée par l'émigration et les désordres de ce siècle. Ce premier ouvrage surprend par sa fluidité, sa pudeur, sa justesse de ton et de style et bien sûr sa fraîcheur. Qualités absentes du second où l'auteur a privilégié un travail en profondeur sur l'architecture du roman. D'où une construction savante; récits parallèles qui finissent par s'entrecouper, incessants allers et retours spatio-temporels qui engendrent hélas des pesanteurs (coupés-collés approximatifs, à moins qu'il ne s'agisse de laborieuses techniques d'ateliers d'écriture). McCann travaille les oppositions, les contrastes, génère des images oniriques, grandioses au sein de clairs-obscurs, très souvent sublimes, parfois trop grandiloquents. Le roman est fort documenté, Mac Cann a frotté son imaginaire au réel, n'a-t-il pas vécu quatre jours par semaine pendant un an auprès des déshérités? Mais ses S.D.F. rutilent sous les fards. Accumulation d'images, de références bibliques, de bondieuseries flasques tirent ce roman plus vers du Cecil B De Mille que du Beckett ou du Mac Gahern. Décidemment "Nos résurrections ne sont plus ce qu'elles étaient."

Les Saisons de la nuit Colum Mc Cann
Traduit de l'irlandais par Marie-Claude Peugeot 322 pages, 119 FF


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11/10/2007

La prose du Transibérien

Par blaise Cendrars

En ce temps-là, j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de mon enfance
J'étais à 16.000 lieues du lieu de ma naissance
J'étais à Moscou dans la ville des mille et trois clochers et des sept gares
Et je n'avais pas assez des sept gares et des mille et trois tours
Car mon adolescence était si ardente et si folle
Que mon coeur tour à tour brûlait comme le temple d'Ephèse ou comme la Place Rouge de Moscou quand le soleil se couche.
Et mes yeux éclairaient des voies anciennes.
Et j'étais déjà si mauvais poète
Que je ne savais pas aller jusqu'au bout.
Le Kremlin était comme un immense gâteau tartare croustillé d'or,
Avec les grandes amandes des cathédrales, toutes blanches
Et l'or mielleux des cloches...
Un vieux moine me lisait la légende de Novgorode
J'avais soif
Et je déchiffrais des caractères cunéiformes
Puis, tout à coup, les pigeons du Saint-Esprit s'envolaient sur la place
Et mes mains s'envolaient aussi avec des bruissements d'albatros
Et ceci, c'était les dernières réminiscences
Du dernier jour
Du tout dernier voyage
Et de la mer.

Pourtant, j'étais fort mauvais poète.
Je ne savais pas aller jusqu'au bout.
J'avais faim
Et tous les jours et toutes les femmes dans les cafés et tous les verres
J'aurais voulu les boire et les casser
Et toutes les vitrines et toutes les rues
Et toutes les maisons et toutes les vies
Et toutes les roues des fiacres qui tournaient en tourbillon sur les mauvais pavés
J'aurais voulu les plonger dans une fournaise de glaive
Et j'aurais voulu broyer tous les os
Et arracher toutes les langues
Et liquéfier tous ces grands corps étranges et nus sous les vêtements qui m'affolent...
Je pressentais la venue du grand Christ rouge de la révolution russe...
Et le soleil était une mauvaise plaie
Qui s'ouvrait comme un brasier
En ce temps-là j'étais en mon adolescence
J'avais à peine seize ans et je ne me souvenais déjà plus de ma naissance
J'étais à Moscou où je voulais me nourrir de flammes
Et je n'avais pas assez des tours et des gares que constellaient mes yeux

09/10/2007

ICEBERG SLIM

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"Le récit de ma brutalité et des artifices que j'ai employés pour arriver à mes fins remplira de dégoût nombre d'entre vous, mais si j'arrivais à sauver ne serait-ce qu'une personne de la tentation de plonger dans cette fange destructrice, si je parvenais à convaincre quelqu'un d'employer sa jeunesse et son intelligence d'une manière plus positive pour la société, alors le déplaisir que j'aurais apporté avec ce livre serait largement compensé...".

Comme entrée en matière on est averti... Ce type, malgré tout, on se prend à lui trouver des circonstances atténuantes. Il aura subi le vice des adultes, vécu dans le ghetto, où on ne peut que devenir, junkie, maquereau, dealer, indic, mais jamais; juge, avocat, banquier, artiste ou prof. Un cursus plombé dés le départ, alors dans ces circonstances échoué au bagne n'est pas original. Ce qui l'est plus c'est le style de Slim. Coeurs sensibles ne plongez pas votre âme dans sa littérature. Polar, sociologie, autofiction, tout cela à la fois. Les bas fonds ramenés à la surface, via l'écriture, ont de quoi vous plomber le moral. Et pourtant il en ressort une énergie communicative... Car ce type vous a emmené dans son univers et vous avez pris, honte à vous, plaisir à le lire.


Son œuvre est sortie du ghetto puisque ses livres se sont vendus à plus de 8 millions d’exemplaires, et ils ont inspirés toute une frange de la communuauté afro-américaine et hip hop. Il meurt en 1992, d'une insufissance rénale.

Iceberg Slim, né Robert Beck en 1918 à Indianapolis, de l’union d’une serveuse et d’un cuisinier afro-américain.

Il grandit à Chicago, dans le ghetto, où il apprend son métier de maquereau. A 18 ans il prend le nom d’Iceberg Slim. Il exercera cette « profession » de 18 à 42 ans de Chicago, à Détroit via Cleveland pendant cette période, il trempe dans la délinquance, la violence et la criminalité. Il est l’une des figures mythiques du proxénétisme. Sa vie est ponctuée de quelques incarcérations pour délits divers. Lors d’un ultime séjour en prison, il décide de mettre fin à cette vie de débauche en se consacrant à la littérature.
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Trick Babby
Il s’inspira de la vie d’un de ses codétenu pour écrire le livre Trick Baby qui est l’histoire d’un arnaqueur arnaqué qui vit le drame de son sang mêlé, un Noir à la peau blanche incapable de trouver sa place d’un côté comme de l’autre de la barrière.
En renouant avec une vieille connaissance de Chicago Iceberg décide d’écrire Mama Black Widow qui raconte la vie de ce travesti noir, Otis Tilson dont la vie fut un chemin de croix.
Violé, très jeune, par un diacre noir, dominé par une mère intéressée et manipulatrice, Tilson verra ses soeurs jetées sur le trottoir, son frère mis en cabane. Adolescent, il découvrira en lui une garce perverse. Il se suicide en avril 1969.
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Pimp son premier livre est une autofiction dans laquelle il décrit la vie de maquereau flambeur, exclu d’un monde blanc aux frontières infranchissables, qui échappe au destin de la plupart des noirs de l’époque à savoir porteur de valises ou cireur de chaussures. L’auteur ne nous épargne rien : il ne minimise aucune de ses exactions, mais il ne cautionne ni la drogue ni la prostitution. Il dénonce, au contraire avec des mots crus aux accents véridiques, l’enfance maltraitée, la condition sociale des femmes noires, le racisme, la corruption de la police, l’enfer de l’univers carcéral.
La critique américaine condamna violemment le livre alors que le « New York Times » refusa de publier une publicité pour le livre paru en 1969. Avec le temps ce livre devint aux Etats Unis pour la communauté noire qui s’est reconnue dans cette image pourtant violente et effrayante un ouvrage culte.

Il y décrit les règles de son monde glauque, règles justifiées par la société à laquelle elles s'appliquaient, où un officier de police pouvait coller le canon d'un pistolet sur la tête d'un Noir et prétendre qu'un spasme de l'index avait conduit à l'assassinat d'un innocent, une société où était considéré comme un crime de faire de l'auto-stop et de traverser la rue en dehors du passage pour piétons, et où la détention d'une graine de marijuana pouvait envoyer quelqu'un en prison pour des années…

Il apporte la preuve de la violence qui s'exerçait contre les femmes. Alors que d'autres écrivains noirs niaient ces mauvais traitements, Iceberg, lui, en plus de les décrire, allait jusqu'à reconnaître que lui-même les infligeait. Il y fait aussi la lumière sur la torture et le meurtre des noirs en prison, la mysoginie systématique et meurtrière, la violence physique auxquelles les prostituées étaient confrontées, le rôle manifeste de la police dans le maintien des activités criminelles aux Etats-Unis.



Bibliographie
- Pimp: The Story of My Life
- Trick Baby: The Story of a White Negro
- Long White Con: The Biggest Score of His Life!
- Naked Soul of Iceberg Slim: Robert Beck's Real Story
- Mama Black Widow: A Story of the South's Black Underworld
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Doom Fox a été écrit en 1978 mais n’a été publié qu’en octobre 1998.