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25/11/2007

Au nom du Fleuve

par Arnaud Cabanne

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Afel Bocoum est un homme simple qui a tout appris d’un homme sage. Héritier du grand Ali Farka Touré, la sortie de son nouvel album coïncide avec la tragique disparition du "boss". A l’écoute de Niger, il n’y a aucun doute, l’héritage ne sera pas dilapidé. A son tour de briller.
En écoutant cet album, comment ne pas penser à Ali Farka Touré ? En rencontrant l’homme, comment ne pas sentir les enseignements du musicien malien le plus connu au monde ?
Après une trentaine d’années passées à jouer ensemble, ils semblaient s’être éloignés l’un de l’autre, mais Afel Bocoum, en ouvrant son album avec une chanson en hommage à son oncle, rappelle avec clarté et humilité la lignée dans laquelle il s’inscrit. Ce sont "les messagers du fl euve", Alkibar (le nom de son groupe). Ils doivent enseigner et réunir. "Dans mon pays nous sommes alphabétisés à 30% seulement.
Nos gens au nord ne lisent pas les journaux, ils n’écoutent pas de radio, ils ne suivent pas de réunion c’est donc à partir de la musique qu’il faut travailler pour transmettre des messages. C’est ça qu’ils ont envie d’écouter. Il faut véhiculer les messages à travers la musique et que les gens se trouvent à l’aise", explique simplement l’ingénieur agronome de la petite ville de Niafunké. L’héritage musical est clair, l’héritage humain l’est aussi, "il ne faut pas se tromper, le Malien aime écouter ce que l’autre dit et c’est pour ça que nous faisons de la musique pour essayer d’organiser la société". Farka était maire de leur ville, Afel, lui, travaille toujours à son bon fonctionnement.
Les comparaisons sont encore nombreuses, Afel Bocoum peut facilement s’effacer derrière les multiples images du talentueux mais très encombrant maire de Niafunké.
Le musicien vaut beaucoup plus et c’est peut-être pour cela qu’il a mis autant de temps à sortir ce nouvel opus sur un nouveau label, "Moi, j’ai besoin de peu pour être moi-même, pour vivre mais World Circuit a besoin de beaucoup". D’abord produit par la maison de disque World Circuit (Buena Vista Social Club, Oumou Sangaré, Orchestra Baobab et, bien sûr, l’oncle Ali…), il s’est fi nalement tourné vers le label belge — à taille nettement plus humaine — Contre Jour, sur les conseils du guitariste Habib Koité. Depuis quelque temps, ils se côtoyaient régulièrement pour une aventure qui a aussi beaucoup apporté à Afel, Desert Blues. Ce spectacle réunit trois ethnies importantes du Mali sur la même scène. Afel le Sonrhaï, Habib le Bambara et Tartit, un groupe de femmes nomades tamasheq, "On se connaît largement aujourd’hui, du fond du coeur. C’est surtout ça quej’ai pu trouver dans ce groupe. C’est ce qui manque au Mali. Nous, nous avons toujours prôné l’union. On ne connaît pas les guerres, on ne connaît pas la haine. Tout le monde est cousin, cousine, frère et soeur, il n’y a pas de différence. J’en suis très fier."
Fier, il peut aussi l’être de Niger, un album qui s’adresse aux Maliens mais qui, par l’universalité de ses thèmes et par la beauté de ses musiques, peut toucher le monde entier. "Sans ce fleuve, on ne parlerait jamais de Niafunké. Mon inspiration vient de ce fleuve Niger qui, malheureusement, s’ensable jours après jours. C’est un danger mortel. Pourtant, les gens n’en sont pas convaincus. Ils ne mesurent pas l’importance du danger, je saisis donc l’occasion pour leur parler de ce fl euve." Une musique et un cri pour sauver la vie de sa région, qu’il a paisiblement enregistrés au studio Yeelen de Bamako, "J’ai cherché à faire des choses nouvelles mais tout en restant dans ma nature, dans ma musique originale." La nouveauté se trouve avant tout dans le son, toujours épaulé par son groupe Alkibar, par le violon traditionnel (njarka) et la guitare monocorde (njurkle), c’est la présence d’Habib Koité — un nom qui commence à devenir familier — qui donne un nouveau souffle aux arrangements.
En croisant leurs talents, leurs cultures et leurs connaissances les deux musiciens illustrent parfaitement le discours d’Afel Bocoum, "Je fais la carte musicale du Mali. Que je chante en bambara, en tamasheq ou en peul, l’essentiel, c’est de parvenir à mon objectif qui est de me faire écouter, de me faire comprendre."


Pour écouter Afel Bocoum cliquez ICI
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