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26/11/2008

Pascale Emmanuelle Voillot

J'ai publié en son temps Pascale Voillot aux éditions Ressacs, une paie... Vingt cinq balais au bas mot... un petit livre pour enfant... pour apprendre à écrire... Il doit m'en rester un ou deux exemplaires par là... Depuis plus de nouvelles... Et en tapant son nom sur internet la voila qui réapparaît... Je cherchais à savoir ce que sont devenus les auteurs que j'ai publié par le passé du moins pour ceux que je sais encore en vie... La vie d'artiste ça use son homme aussi vite que la mine de sel... Surtout quand le talent n'est pas récompensé par quelques oxymorrons de temps à autre... Pascale a gagné sa vie comme prof de dessin... Ce qui ne l'a pas empêché de continuer de produire ses toiles... En voici quelques unes pour le plaisir des lecteurs de ce blog...


ANTROPOPHAGIE_MASCULINE.jpg


Anthropophagie masculine

LA_FOULE.jpg


La foule

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La salle des profs


24/11/2008

Pélieu and Beach are not dead

Photo Allen Ginsberg

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La Crevaille et Cut Up sont fins prêts à partir chez l'imprimeur... Le tirage sera fait en fin de semaine.... Merci tout particulier à Lu Pélieu, à Benoît Delaune, à Alain Jégou... à Jaime Prat Corona

et aux auteurs, artistes et musiciens ayant participé à l’ouvrage :
Jeffery Beach, Pamela Beach-Plymell, Claude Beausoleil, Victor Bockris, Yves Buin, Michel Bulteau, Henri Chopin, Pradip Choudhuri, Vincent Degrez, Benoît Delaune, Erró, Lawrence Ferlinghetti, Lucien Francoeur, Daniel Giraud, Paul Grillo, Bernard Heidsieck, Pierre Joris, Alain Jouffroy, Théo Lesoualc’h, Gerard Malanga, Matthieu Messagier, Barry Miles, Jean-Marc Montera, Thurston Moore, Philippe Morin, Liam O’Gallagher, Ray Ortali, F.J. Ossang, Nicole Peyrafitte, Jürgen Ploog, Charles Plymell, Roxie Powell, Bernard Pozier, James Rasin, J.N.Reilly, Richard Saba, Edward Sanders, Bruno Sourdin, Lucien Suel, Laki Vazakas, Jacques Villeglé, Carl Weissner, Samuel Wilcox.
ainsi qu'aux traducteurs :
Mary Beach, Benoît Delaune, Jean-Marie Flémal, Béatrice Machet.
Grâce à vous Claude and Mary are not dead...

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Claude Pélieu en 1963 photo Lu

16/11/2008

la petite renarde rusée....


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Résumé
La Renarde, qui retient l’attention de chacun dans la forêt, finit par se faire attraper par le Garde-chasse. Mais sa captivité est de courte durée ; elle parvient, après avoir égorgé les poules du Garde-chasse, à s’enfuir, au grand désarroi de celui-ci. De retour dans la forêt, elle séduit un renard et fonde un foyer avec lui. Mais la renarde n’est pas faite pour mener une vie paisible : Harašta, venu braconner, la tue, presque par mégarde. Le Garde-chasse est dépité : ce n’est pas lui qui a obtenu la peau de la renarde, dont il voulait faire un manchon pour sa femme. Il retourne dans la clairière où il avait rencontré en premier lieu la renarde, et croit rencontrer une jeune renarde. Mais il est victime de son désir, qui le berce d’illusions : ce n’est qu’une grenouille.

A propos de l’œuvre La Petite Renarde rusée est inspirée à Janácek par une série de bandes dessinées parues dans un quotidien de Brno, le Livode noviny. Comme le rédacteur en chef de ce journal dispose d’espace, il persuade Rudolf Tesnohlidek de rédiger des textes susceptibles d’accompagner une série de caricatures découvertes à Prague, exploitant le thème de la chasse. C’est ainsi qu’en 1920, parait en livraisons régulières La Petite Renarde à l’oreille fine, qui suscite immédiatement l’enthousiasme de Janácek. Cette œuvre ne saurait se prêter à une approche strictement rationnelle ou analytique.
Elle n’est pas le produit de la rencontre de deux grands génies dramatiques (tel Verdi et Schiller, ou Mozart et Beaumarchais), mais simplement le fruit de la lecture régulière d’un quotidien. Cette œuvre provient de l’intérêt d’un compositeur qui aspirait à « chanter la majesté des montagnes, la douceur de la pluie tiède, le froid cuisant des glaces, les fleurs des champs et les étendues enneigées […] le chant d’amour des oiseaux et les cris perçants des rapaces […] et le bourdonnement assourdissant des milliers d’insectes … »
Les animaux ne sont que mouvement. Et ce n’est que grâce au mouvement, grâce à la musique, que l’on peut capter quelque chose de l’esprit de la forêt. Cet opéra constitue donc un véritable défi, en matière de scénographie notamment. Il requiert de la part des animaux une danse, un chant, animés de toute la sauvagerie, la violence mais aussi de tout l’humour dont ils sont capables.

L’œuvre à l’Opéra national de Paris On a longtemps considéré qu’il était impossible de mettre en scène cet opéra où se côtoient des hommes et des animaux ; d’ailleurs, de nombreuses tentatives ont échoué. Mais en 1956, au Komische Oper de Berlin, les intentions de Janácek se sont trouvées pleinement réalisées dans la production merveilleuse de Walter Felsenstein qui a su associer d’une façon étonnante le réalisme et la musicalité. La représentation à Paris de ce spectacle, un an après sa création à Berlin, fut une révélation pour ceux qui ont pu y assister et l’œuvre fut donnée plus de 120 fois dans les quatre années qui ont suivi, sans rien perdre de la qualité étonnante des premières représentations. La Petite Renarde rusée entre enfin au répertoire de l’Opéra national de Paris pour la saison 2008-2009 dans une mise en scène d’André Engel, sous la direction de Dennis Russell Davies.

ARGUMENT ACTE I Dans la forêt, l’été, des animaux et des insectes vaquent tranquillement à leurs occupations. Un Blaireau fume une pipe ; une Libellule bleue danse avec grâce… L’arrivée du Garde-chasse trouble ce petit monde : le Garde, fatigué, choisit un coin pour s’allonger et faire sa sieste. A peine est-il endormi que le ballet des habitants reprend de plus belle. Le Grillon et la Sauterelle font un petit concert. Une Grenouille essaie d’attraper un Moustique, sous l’œil intéressé d’une Renarde. Mais la Grenouille fait un bond malencontreux et se retrouve sur le nez du Garde, qu’elle réveille. Celui-ci, en ouvrant les yeux, aperçoit la jolie Renarde. Il réussit finalement à l’attraper et rentre chez lui, la Renarde sous le bras. La Libellule bleue pleure son amie perdue. A l’automne, dans la cour de la maison du Garde-chasse, la femme du Garde verse un peu de lait dans une soucoupe pour le Chien et la Renarde qu’elle et son mari veulent élever pour leur fils. Mais la Renarde est triste. Le Chien essaie de lui expliquer qu’il faut se résigner, avant de lui faire des avances pressantes, qu’elle repousse. Il lui faut ensuite subir les agaceries du fils du Garde qui, avec un de ses camarades, vient la taquiner. Elle essaie de mordre les enfants ; la réaction ne se fait pas attendre : le Garde l’attache et la pauvre Renarde reste seule. La nuit tombe alors, la Renarde s’endort et rêve bientôt qu’elle se transforme en une belle jeune fille… Mais quand le jour se lève, elle est toujours Renarde. La femme du Garde, levée à l’aube, jette un peu de nourriture aux poules qui caquettent fièrement. Mais la Renarde attire alors leur attention en entamant une grande diatribe révolutionnaire, prêchant pour une nouvelle conception du monde qui ne devrait plus être dominé par les hommes et les coqs. Les poules demeurent insensibles à cet appel à la révolte et la Renarde, écœurée, se creuse une tombe et déclare qu’elle préfère s’enterrer vivante… Les poules s’approchent alors, et la Renarde bondit et les égorge les unes après les autres. La femme du Garde-chasse a beau sortir de la ferme en criant, le mal est fait. Néanmoins, la Renarde a compris ce qu’elle risque : elle brise son attache et s’enfuit vers la forêt.
ACTE II Revenue dans la forêt, la Renarde, sous l’œil amusé des autres animaux, se moque du Blaireau. Excédé, il quitte son terrier dont prend alors possession la Renarde. Pendant ce temps, à l’auberge du village, le Garde-chasse joue aux cartes avec l’Instituteur en compagnie du Curé. Le Garde se moque de l’Instituteur en raillant la maladresse avec laquelle il fait la cour à sa bien-aimée. Mais celui-ci lui évoque les « exploits » de la Renarde enfuie. Le Curé, lui, se divertit fort avec une citation latine qu’il estime bien à propos. La boisson échauffe toutes les têtes. L’Aubergiste conseille au Curé de quitter l’auberge pour éviter le scandale et promet de raconter un jour en détails l’histoire de la Renarde. Mais le Garde se fâche et quitte l’auberge de méchante humeur. Dans le bois, la nuit, l’Instituteur, ivre, avance en chancelant et en s’apitoyant sur lui-même et sur ses faiblesses. La Renarde passe sa tête derrière une fleur de tournesol et l’Instituteur, comme illuminé, croit voir la gitane Terinka, une de ses anciennes amours. S’élançant vers ce mirage, il trébuche et se retrouve à terre. Le Curé, qui emprunte la route à son tour, aperçoit la Renarde et la confond aussi avec Terinka qu’il a également aimée quand il était étudiant, à tel point même qu’on l’a accusé, injustement, d’avoir été responsable de la grossesse de la jeune fille. Mais l’arrivée du Garde met un terme aux réflexions du Curé, qui tombe dans les bras de l’Instituteur. Les deux hommes sont effrayés par le Garde et craignent qu’il ne leur tire dessus. Le Garde a beau grommeler que c’est seulement sur la Renarde qui se faufile dans les bois qu’il tire, les deux hommes ne sont guère rassurés. La Renarde rencontre un Renard, très beau, et lui raconte l’histoire, arrangée, de sa vie. Le Renard offre à sa belle un lapin qu’il a tué. Les renards s’embrassent et filent le parfait amour. Quand la Renarde emmène son Renard dans la tanière, les commérages vont bon train parmi les animaux de la forêt. Peu après, la Renarde annonce au Renard qu’elle va être mère. On envoie quérir un prêtre, le Pivert, qui marie les amants et toute la forêt applaudit ces noces.
ACTE III C’est l’automne. La forêt est tranquille. Harašta, avec son panier de colporteur sur le dos, s’y avance dans l’intention de braconner. Il avise justement un lièvre mort, tué par un renard et s’apprête à le ramasser, quand il se retrouve nez à nez avec le Garde. Celui-ci le salue ironiquement : aime-t-il sa vie solitaire ? Harašta lui fait savoir qu’il se méprend, puisqu’il va épouser Terinka. Le Garde est comme foudroyé à l’annonce de cette nouvelle. Il pose simplement un piège à renard près du lièvre mort et s’éloigne, abattu. Les enfants de la Renarde dansent joyeusement autour de ce piège posé maladroitement, sous les regards de leurs parents. Mais retentit au loin le chant de Harašta. Tout le monde décampe – sauf la Renarde qui s’amuse à attirer l’attention du braconnier en boitant et dansant avec entrain, jusqu’à ce qu’il trébuche et s’arrache la peau du nez. Alors qu’il se relève, il voit les renards faire « patte basse » sur les poulets de son panier. Il se précipite sur son fusil, tire au hasard et tue la Renarde. Dans le jardin de l’auberge, le Garde boit une bière avec l’Instituteur et lui raconte que la tanière des renards est abandonnée et qu’il n’arrivera jamais à se procurer le manchon promis à sa femme. L’Instituteur rappelle avec émotion que Terinka doit se marier aujourd’hui. La femme de l’aubergiste déplore que ce soit Terinka qui hérite du manchon. Il y a de la mélancolie dans l’air. Le Garde sent le poids des ans et décide de rentrer chez lui, par la forêt. Dans la clairière où il avait attrapé la Renarde, le Garde s’attarde un peu, le cœur plein de nostalgie. Il songe à l’éternel recommencement de la vie dans la forêt. Allongé sur le sol, s’enfonçant dans sa rêverie, il s’endort pendant que tous les animaux s’approchent – jusqu’à ce qu’il se réveille et aperçoive, à la place de la Renarde d’autrefois, une toute petite renarde. Il essaie de l’attraper en se promettant de l’élever mieux que sa mère, mais sa main se referme sur une grenouille. La boucle est bouclée. Le Garde, songeur, laisse glisser son fusil par terre.
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La Petite Renarde rusée en version intégrale sur WWW.OPERADEPARIS.FR
en cliquant ici

11/11/2008

C'est de la matière crise!!!!!!!!!

Une petite vidéo bien sympathiquement pédagogique, qui explique l'Américan way of live...
Un jour on va finir par penser que Bush et consors ont rendu un fieffé service à l'humanité...
Si, si, quand on pourra faire le bilan de tout ça...
On s'apercevra probablement que ce sont eux qui ont accéléré la précipitation du système dans le mur...



Pour continuer si jamais vous aviez un doute sur le sens de votre existence, un petit documentaire sur la différence entre un oiseau et un banquier*.....
L'Argent Dette de Paul Grignon (Money as Debt FR) from Bankster on Vimeo.

* l'oiseau est parfois fatigué de voler...


Et pour le dessert n'oubliez surtout une bonne blague de l'oncle Georges W Bush.......


" Nos ennemis sont innovants

et pleins de ressources,

et nous aussi.

Ils ne cesseront jamais

de penser à de nouvelles

façons de nuire

à notre pays et notre peuple,

et nous non plus."

— Washington, DC, Aug 5, 2004-

05/11/2008

Pierre Guitton

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Pierre Guitton avant d'être peintre dessinait pour Zinc dans les seventies et ensuite pour Actuel, A Suivre, Charlie Mensuel, etc.
A ce propos il a quelques anecdotes truculentes sur Choron et ses paiements improbables... Une porte de sortie dans son bureau qui lui permettait de laisser en plan ses créanciers et de partir tranquillement au café.
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Pierre peint. Tous les jours Pierre peint et il n'a jamais cessé de peindre depuis sa naissance. Huit heures par jours Pierre Peint. Il ne sait que peindre. Et produit une oeuvre immensément généreuse, bigarrée, naïve, joyeuse, paisible... Il peint l'amour, l'amitié, le verre de vin, la table, les discussions, les copains. Car Pierre est un taiseux, comme on dit. Il écoute avec ses silences profonds, et quand il ne remue pas la tête pour dire oui, il dit oui. Emprunt de toute la sagesse de l'homme de sa région qu'il n'a jamais quitté : le Lochois.
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J'ai souvenir de l'avoir rencontré pour la première fois chez Mike, il avaient fait les Beaux arts ensemble - je raconte ça dans Ciel de Lune la maison de Mike, ses copains, son décès, un sacré vide - on se revoit parfois lors du solstice de Beaulieu les Loches.
Pierre Guitton c'est une oeuvre à découvrir....
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Atelier Pierre Guitton Bel Air route de Chanceaux 37600 LOCHES Tél : 02 47 59 32 25

Ouvert toute l’année sur rendez-vous


PS: Si vous allez le voir suite à ce post sur Ressacs dites-le lui...

Le pied du mur.jpg


21/10/2008

Bernard Hugues (Le Refus)

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Le Refus

Ce texte devenu introuvable; il doit rester un ou deux exemplaires chez des libraires de livres anciens, publié par mes soins en 1983, va être republié dans son intégralité pour la rétrospective de l'oeuvre peinte de Bernard Hugues qui aura lieu en mai 2009 dans les Cévennes...
Les toiles et dessins qui illustrent sont de Bernard Hugues

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Je ne parlais pas, je ne disais rien. Lui me racontait que c’était agréable. Que c’était très bien. Que je serais content. Que j’étais bien tombé.
Moi je le regardais quelquefois comme ça, vaguement, sans trop lui répondre. J’étais dans la voiture et j’attendais. Je savais qu’il fallait y aller mais je n’imaginais pas plus.
On a suivi une route qui m’a semblé pareille à toutes les routes de plaine, avec ses platanes, ses grandes lignes droites et ses champs ; mais je ne faisais pas vraiment attention au paysage, je ne pensais pas que c’était la première fois que je voyais la Crau, ni même que cette plaine sous le vent, en début d’hiver, était assez triste.
Je me souviens d’un tronçon de route plate et parfaitement rectiligne sur plus d’un kilomètre avec trois dos d’âne successifs qui semblaient être là sans raison, comme si ceux qui avaient construit la route avaient voulu en rompre la monotonie.
On a croisé quelques militaires avec des sacs et de grands manteaux bleus, puis on est arrivé.

Je m’étais déjà fait une idée de ce que ce serait, je crois que je ne m’étais pas tellement trompé. C’était comme ça. Je suis sorti de la voiture, j’ai payé le chauffeur qui m’a dit : « A bientôt », il a ajouté : « Vous aurez l’occasion de la revoir, cette route. » Je lui ai simplement répondu d’un signe de tête, j’ai fermé la portière et j’ai regardé.

Devant moi il y avait deux grands bâtiments jaunes. Sur la droite et sur la gauche, de hauts murs qui s’en allaient assez loin, surmontés de barbelés, et dont la crête était ornée de débris de verre pris dans le ciment. Je me souviens que le soleil levant jouait avec. Entre les deux bâtiments, l’entrée. Un grand portail ouvert mais de suite après barré par une barrière qu’un militaire en faction montait et abaissait chaque fois qu’un véhicule se présentait. De part et d’autre du portail, deux grandes portes ouvertes et que rien n’obstruait.
Un drapeau claquait sec sous le mistral. Je n’ai pas attendu plus longtemps, j’y suis allé carrément.

Je suis passé à côté du grand bâton rouge et blanc et je me suis assis à l’intérieur de la caserne, sous un porche, à côté d’une porte.

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ACTE PREMIER :
chez les militaires.


Il y avait du vent. J’étais entré avec mes papiers à la main ; dès que je me suis assis sur le sol, je les ai posés à côté de moi, j’ai mis un doigt dessus pour que le vent ne les emporte pas, et j’ai commencé à attendre.
Les voitures passaient devant moi, des voitures de militaires, des voitures de gradés, des camions. Le militaire au grand bâton rouge et blanc m’a regardé, étonné, je le comprends. IL était étonné – moi aussi – pourtant pas tout à fait, j’étais là assis par terre à l’entrée de la caserne, c’était normal pour moi et surtout c’était simple. C’est simple de s’asseoir et de ne rien dire.
J’ai attendu quelques minutes. Toujours le militaire devant, intrigué. Ceux qui passaient ne me regardaient pas. Deux militaires avec de grands sacs, qui partaient en permission peut-être, sont passés tout près de moi. Ils ne m’ont pas vu.
J’avais toujours le doigt sur les papiers, j’attendais toujours, et le vent soufflait toujours. Mes cheveux voltigeaient dans tous les sens, je n’avais que ma main à soulever pour les mettre en place. Le soleil passa l’angle du bâtiment et vint sur moi. J’avais un peu envie de rire mais pas trop. Ça allait. J’étais décontracté, j’étais là, tout seul, je savais qu’on allait arriver, j’attendais.

Un militaire est sorti de la porte près de laquelle j’étais assis. J’ai vu ses pieds qui s’approchaient de moi. « Qu’est-ce que tu as ? » Je n’ai rien dis. Je suis resté là, toujours assis, je l’ai regardé une fois puis je n’ai plus fait attention à lui. Il n’a pas compris, pas du tout compris. Il est rentré et d’est là que tout a commencé.
J’ai entendu des bruits de téléphone, des gens qui parlaient. J’ai vu le militaire qui faisait bouger son bâton rouge et blanc aller dans sa petite guérite et prendre le téléphone. Il parlait derrière ses vitres et en même temps il me regardait. Il semblait assez perplexe, ou embarrassé peut-être, comme si aux questions qu’on lui posait il ne pouvait pas trouver de réponse satisfaisante ou raisonnable. J’avais envie de lui sourire, de lui faire un petit signe… mais non, il était là, j’étais de l’autre côté.
Et toujours les voitures passaient, les voitures de civils, les voitures de militaires. Je m’étais aperçu, depuis un moment, que les gros bruits qui venaient des bâtiments en face étaient ceux de moteurs d’avions. Des bruits monstrueux qui, avec le vent, vous donnaient l’impression d’être près de quelque chose d’extraordinaire, quelque chose qui faisait tout vibrer et qui en même temps aurait produit ce grand vent. Ça ne me dérangeait pas outre mesure.

Quelques minutes s’écoulèrent encore – elles me paraissaient longues parce que je m’attendais à ce que tout de suite on me prenne et m’emmène – avant qu’un autre militaire ne sorte et ne me dise : « Qu’est-ce que tu as ? qu’est-ce que tu as ? » Je ne lui répondis pas, je ne le regardai lui aussi qu’une fois, sans avoir même la peine de lever la tête car il s’était accroupi près de moi et me dévisageait. Il me mit la main sur l’épaule : « Qu’est que tu as ? qu’est-ce que tu veux ? » il vit mes papiers, il les prit, les feuilleta. Pendant ce temps deux autres militaires étaient sortis par la même porte et étaient venus le rejoindre. Ils s’étaient mis entre le soleil et moi. Je ne voyais que leurs pieds. Ils sont rentrés tous les trois avec les papiers et j’ai attendu encore.
Mais cette fois-ci ils sont revenus plus rapidement. Le même militaire m’a dit : « Il faut rentrer, il ne faut pas rester là. Tu t’appelles Guesnard ? » Je n’ai rien dit, je n’ai pas bougé. Je savais qu’ils se regardaient. Ils m’ont dit : « Il faut rentrer. » Aucune réaction. Il y en a alors un qui m’a pris par le coude et fait comme pour m’aider à me mettre debout. Je me suis relevé. Il m’a guidé, je me suis laissé guider. Il a ouvert la porte, celle d’où ils étaient sortis, et m’a fait entrer.


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C’était une pièce petite et sale. Un bureau, deux tables, un téléphone, des papiers, trois ou quatre chaises, un poêle. Et des militaires, bien sûr. Au mur, dans un râtelier, enchaînées, des armes.
Il m’a guidé jusqu’à une chaise près du poêle et m’a fait asseoir. Mais la chaise n’était pas pour moi, j’étais mieux par terre et je m’y suis remis.
Je voyais des chaussures de militaires, de gros souliers qui montaient jusqu’au-dessus des mollets, étroitement lacés de bas en haut cirés impeccable. Personne ne parlait, du moins à haute voix. Ils s’étaient tous regroupés dans le coin opposé de la pièce et je les entendais chuchoter sans comprendre ce qu’ils disaient – mais de quoi pouvaient-ils parler sinon… Un noir se tenait à l’écart. Assis sur une table, il balançait ses pieds croisés. Il ne parlait pas avec les autres, il me regardait et je crois même qu’il m’a souri.
Des militaires et des civils entraient et sortaient. Tous semblaient un peu gênés par ma présence. Il y avait d’imperceptibles temps morts, des regards interrogateurs et, en réponse, de curieuses mimiques esquissées mais vite défaites. C’est que ce n’est pas tous les jours que dans la salle de garde, à l’entrée de la caserne, on se trouve en compagnie d’un mec barbu, chevelu, assis par terre les jambes croisées, et qui ne dit pas un mot.
A un moment, je me souviens, deux femmes sont entrées. L’une, en robe assez courte, avait de belles jambes. Elle s’est assise sur la chaise près de moi, elle ne semblait pas étonnée – moi j’étais un peu gêné maintenant. L’autre portait des pantalons. Elles parlaient de voitures. Ce devait être des femmes de militaires, de gradés même – pas à cause de leur sujet de conversation mais parce qu’elles semblaient à l’aise dans cette salle et en même temps assez hautaines envers tous les militaires qui se trouvaient dans la pièce et qui étaient certainement pour la plupart des appelés. Quelqu’un leur offrit des cigarettes ; je vis qu’il allait m’en offrit une aussi, je sortis mon tabac pour le lui montrer et le rentrai aussitôt. Je n’avais pas envie de fumer.
On téléphonait sans arrêt à l’adjudant de service, qui restait introuvable. On avait envoyé plusieurs fois des militaires dans tous les coins de la caserne, en vain. Enfin, on réussit à le joindre au téléphone et je compris qu’il n’allait pas tarder à arriver. Le poêle ronflait et refoulait de temps en temps, lâchant de gros pets de fumée qui firent tousser deux ou trois fois la femme en pantalon. C’était un poêle à charbon, la fumée était rousse et âcre.

Quand j’ai vu que les pieds s’arrêtaient de bouger, que toute conversation cessait, que même la femme assise se levait et que l’autre venait près d’elle, j’ai compris que l’adjudant arrivait. Il n’y avait que moi qui était resté assis, qui n’avait pas bougé de place, changé d’attitude. Il est entré, il avait des chaussures bien cirées. Je ne l’ai pas regardé parce que je n’avais pas envie de le voir, parce que je le connaissais déjà, parce qu’on les connaît tous, à quelque chose près. J’ai entendu :
- Ah, je vois ce que c’est ! un non-violent ! Il faut évacuer la pièce. Allons sortez. Il a ajouté gentiment – à l’intention des dames sans doute – excusez, je vous prie.
Tous sont sortis, l’adjudant compris. J’ai entendu quelqu’un dehors qui disait : « Il ne faut pas le laisser là… on ne peut pas le questionner ici. » La porte s’est refermée. Par la fenêtre, j’ai vu l’adjudant pénétrer dans le bâtiment en face, et, à nouveau, j’ai attendu.

Les bruits d’avion se sont us d’un coup. Le silence soudain a envahi la pièce. Le ronflement du poêle a redoublé d’intensité. Mes oreilles bourdonnaient. Dans la pièce à côté j’entendis grincer des lits, le silence subit dérangeait les dormeurs. J’ai d’abord été étonné que des militaires puissent dormir à côté, à neuf heures du matin… faire la grasse matinée ! puis j’ai pensé que ce devait être ceux qui avaient monté la garde pendant la nuit. Déjà les bruits d’avion reprenaient, encore plus agressifs semblait-il. Et, au même instant, comme si on avait attendu volontairement que les moteurs se remettent en marche, la porte s’est ouverte violemment, la poignée est allée buter contre le mur et le battant est revenu sur l’adjudant, qui l’a repoussé d’un coup de coude. Il s’est approché de moi, m’a pris le bras et m’a soulevé à moitié en disant : « Allez viens, sous-moi. » Sa voix n’était guère engageante.
Il m’a fait passer la porte et m’a mené vers le bâtiment en face de celui-ci, de l’autre côté de l’entrée de la caserne et dans lequel je l’avais vu pénétrer quelques instants plus tôt. Il y avait toujours du vent, toujours le militaire qui soulevait et abaissait son bâton rouge et blanc, et toujours ces bruits de moteur qui ne semblaient gêner personne.
L’adjudant m’a dit : « Je temmène à la police, à la gendarmerie. » il me disait cela avec l’intention manifeste de me faire peur, mais c’était raté. Je l’ai suivi dans les escaliers, il n’a pas eu à me prendre par le bras mais je marchais à mon pas, sans me presser, et lui devait m’attendre. Il montait quelques marches puis s’arrêtait, le temps que je le rejoigne – mais nous n’allions qu’au premier étage.
Dans les escaliers on voyait une raie de crasse contre le mur, à hauteur du coude, et de la crasse aussi dans les angles de chaque marche. Visiblement la serpillière n’allait pas dans les coins, elle devait au contraire y repousser la saleté. De la crasse de plusieurs années. Les murs étaient nus et d’un jaune pisseux.
Une fois au premier étage il m’a mené devant la porte et m’a dit : « Tu vois. » il y avait écrit : gendarmerie. Je ne disais rien, lui devait penser : on va mettre le paquet, on va l’impressionner avec ça, gendarmerie ça devrait lui foutre les jetons, lui rappeler la prison… Il me mena devant une seconde porte : bureau du capitaine de gendarmerie, avec le nom en dessous, un nom corse je crois, avec plein de i. Il m’a fait entrer ; visiblement j’étais attendu. (à suivre....)

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18/10/2008

Pas pour toi....

Une nouvelle de Mouloud Akkouche
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Elle ôta sa robe et monta sur le pèse-personne. Des chiffres lumineux défilèrent. Elle les suivit des yeux, tendue. Quarante neuf kilos et cent vingt grammes s’afficha sur le petit écran. Elle sourit et regagna sa chambre, robe à la main. Elle la posa sur une chaise, se glissa dans le lit et envoya un SMS. La réponse en écho : « Fonce! » la fit sourire. Elle se leva et ouvrit un sac à dos.
Casque à la main, elle poussa le scooter et démarra au bout de la rue. Ses parents dormaient encore. « Tu iras pas à ce truc ! C’est pas pour toi ! ». Son père avait refusé mais, têtue, elle imita sa signature et renvoya le formulaire d’inscription. Tout le monde lui avait déconseillé d’y participer. Sauf une de ses tantes. Ils me verront à la télé, se réjouit-elle d’avance. Prête à partir pour Paris.
Elle roulait vite. Le froid vif lui brûlait le visage. Elle connaissait le trajet par cœur.
A peine arrivée, une femme la prit en charge dans un hall très éclairé. Un sapin décoré clignotait. Elles traversèrent un long couloir jusqu’à une porte.
_ Les autres se préparent.
_ J’y vais.
_ Faut d’abord que je vérifie votre dossier.
Elle lui tendit une chemise. La femme, lunettes au bord du nez, commença à éplucher les documents. L’adolescente détourna les yeux, ventre noué. Pourvu qu’elle ne se rende compte de rien. Elle retint son souffle.
_ C’est bon. Tenez votre badge avec votre numéro.
_ Un badge ?
_ Seul l’huissier connaît les noms des candidates.
Des parfums mêlés flottaient dans les vestiaires. La plupart des filles déjà prêtes, vêtues et maquillées. Les sourires de connivence camouflaient mal les tensions ; elles se fouillaient du regard, évaluant les chances des unes et des autres. Elle aussi les détailla, surtout leurs poitrines. Comptant beaucoup sur ses seins, elle avait choisi un large décolleté et, devant le miroir, s’était entraînée des heures durant à adopter une démarche pour les faire déborder discrètement du tissu. Sa mère, rentrée plus tôt un soir, avait éteint la chaîne en hurlant : « Retire ces fringues de pute ! ». L’examen des concurrentes la rassura. Elle enleva basket, jean et T.shirt. Sa robe était légèrement froissée. Elle l’enfila et la repassa du plat de la main.
Une hôtesse ouvrit la porte.
_ On vous attend.
Le vestiaire se vida d’un seul coup. Elle se chaussa et s’apprêta à sortir.
« Merde ! »
Elle versa le contenu de son sac sur le sol et vérifia une à une chacune des poches. En vain. Elle se laissa tomber sur le banc. Une voix dans le haut-parleur invitait le public à rejoindre les gradins. C’est foutu, se résigna-t-elle, incapable du moindre geste. Une larme roula le long de sa joue. Première fois qu’elle perdait confiance.
Soudain, elle se rua sur un sac et le fouilla. Rien. Elle en ouvrit un autre et tomba sur une trousse de toilette rebondie. Cette nana doit mettre tout son fric là-dedans, ironisa-t-elle. Un petit sourire au miroir avant la séance de maquillage.
« Vous pouvez applaudir ces jeunes filles ! ».
Essoufflée, elle rejoignit les autres participantes. Une trentaine debout côte à côté sur une scène improvisé dans un gymnase. Au-dessus de leurs têtes, un panier de basket relevé. Et face à elles, le jury : trois femmes et deux hommes derrière des tables en bois. Chacun portait une oreillette et avait un portable devant lui. Sur le côté, un caméraman filmait.
Les gradins, bourrés à craquer, grinçaient au moindre mouvement. De part et d’autre s’étalaient les banderoles des sponsors, une banque, le quotidien régional et plusieurs commerçants. Des mains s’agitaient en direction des adolescentes. Beaucoup de mères, certaines vêtues et percés comme leurs filles. Les rares hommes se faisaient très petits.
L’un des jurés se leva, micro à la main :
_ Bienvenues à toutes et à tous. Je suis donc le président de cette 11ème concours régional de beauté de notre région. Comme vous pouvez le constater, notre région, outre les beaux paysages, possèdent aussi d’autres genres de paysages.
Un éclat de rire l’interrompit.
_ Mesdemoiselles, reprit-il, nous déclarons le concours de miss région ouvert. Place au rêve et à la beauté !
Il attendit la fin des applaudissements pour appeler la première de la liste.
La lumière déclina progressivement tandis qu’une brune dans une robe moulante rouge gagnait le devant de la scène. Une hôtesse lui désigna une croix au sol. Les pieds rivés dessus, elle se dandina avec un sourire gêné. Elle promena les yeux sur l’assistante comme à la recherche d’un regard familier. Le gymnase plongé dans l’obscurité, les haut parleurs déversèrent de la techno. Et la lumière d’un projecteur balaya la scène avant de se poser sur l’adolescente. Elle ne bougea pas, figée comme un animal aveuglé par des phares. L’hôtesse lui demanda d’un signe de commencer.
Elle défila, le corps très raide. A un moment, l’un de ses talons se tordit et elle faillit glisser. L’inquiétude se lisait sur son visage. A chaque pas, elle hésitait. La musique s’arrêta. Elle reprit sa place, apparemment soulagée d’en finir. L’hôtesse lui fit descendre les quelques marches et, sous les applaudissements, la guida jusqu’ à la rangée de gradins réservés.
Les jurés pianotèrent. Toussotement et bruit des doigts sur le clavier se partagèrent le silence. Le président susurra à l’oreille de sa voisine et appela la deuxième candidate. Plus à l’aise que la précédente, elle salua le public avant d’attaquer sa prestation. Une prestation très applaudie.
Quand ce fut son tour, elle rajusta sa robe et avança. Elle se répétait : « T’ es la plus belle ! T’es la meilleure ! ».Dès la première note, elle se redressa. D’un geste étudié, elle ramena ses cheveux en arrière, adressa un sourire aux jurés puis, poitrine en avant, elle marcha lentement, très près du bord. A quelques centimètres des jurés. Elle ondulait des hanches, imitant les poses aguicheuses des marionnettes de clips. Pas le moindre regard sur la salle. Concentrée sur ce moment qu’elle aimerait tant étirer, étirer jusqu’à l’infini. Rester dans la lumière et le son.
« C’est pas pour toi ! ».
Elle s’affala sur le siège, dégoulinante de sueur. Vidée. Les applaudissements encore dans les oreilles. Elle ne bougeait plus, sourire béat. Son seul regret : l’absence de sa tante. C’était elle qui lui avait offert la robe.
Après le dernier passage, les jurés se déplacèrent dans une pièce pour délibérer. Les organisateurs projetèrent deux courts métrages. Une vague de bavardages envahit la salle. Deux hôtesses encadraient les adolescentes, les empêchant de rejoindre les membres de leurs familles qui ne cessaient de les appeler. Les ados, impatientes, ne cessaient de parler. Certaines se rongeaient les ongles, d’autres rajustaient leur robe, la plupart trituraient leurs mobiles muselés pour la cérémonie. Elle aussi était tendue.
Quand le jury revint, tous se turent. Les yeux tous dirigés sur le bureau. Le président grimpa sur la scène et, après un bref historique des votes, annonça la troisième place.
Elle esquissa un sourire, soulagée de ne pas se retrouver au pied du podium.
A l’annonce de la deuxième place, une rousse se leva d’un bond et pleura de joie. Elle bredouilla une phrase incompréhensible en agitant les bras. Une femme cria « Bravo ! » et applaudit. D’autres l’imitèrent. Elle rejoignit la troisième sur scène. Le président l’embrassa et lui offrit un bouquet de fleurs.
_ Dans quelques instant, reprit-il après avoir attendu le silence, j’appellerai la gagnante que notre aimable hôtesse ira chercher. Mais, avant ce moment tant attendu, je tiens, au nom de toute l’organisation, à remercier….
Il cita un à un les partenaires publics et privés. Elle se mit à le haïr, déversant d’un seul coup sur lui toute la tension accumulée. Pourquoi ne crache-t-il pas le morceau ? Elle avait la tête au bord de l’implosion. Il s’arrêta. Enfin, souffla-t-elle.
La salle à nouveau plongée dans le noir.
_ Je rappelle donc à tout le monde que l’heureuse gagnante de ce soir sera sélectionnée pour aller à la capitale et… Elle sera prise en mains par une agence de mannequins international. En attendant que commencent les rêves, j’ai le plaisir…
Il toussota.
Des chuchotements dans la travée. Une hôtesse, lampe de poche à la main, se frayait un passage parmi les candidates. Soupirs et larmes étouffés dans son sillage.
Doigts croisés, elle ferma les yeux.
_ La gagnante porte le badge numéro 19.
Elle fondit en larmes.




Quelques titres de Mouloud Akkouche
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07/10/2008

Ani Difranco

Ani Difranco



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koa ki di wiki sur Ani?


Eléments biographiques

Elle naît le 23 septembre 1970 à Buffalo, New York. Sa carrière musicale débute avec ses premières apparitions dans des concerts alors qu'elle est âgée de neuf ans. En 1989, à dix-huit ans, elle lance sa maison de disques, Righteous Babe Records, avec seulement 50$US, et enregistre son premier album qui porte son nom. Elle déménage ensuite à New York et entame de là une longue tournée.
Sans le soutien des medias grands public, sa notoriété se développe dans le milieu des années 1990 essentiellement grâce au bouche-à-oreille, ce qui crée un esprit communautaire entre ses fans. Elle est particulièrement populaire dans les milieux étudiants militants, particulièrement sensibles à son engagement politique.
Ouvertement bisexuelle, elle se marie en 1998 avec Andrew Gilchrist, ingénieur du son. Ils se séparent cinq ans plus tard.
En juillet 2005, on lui diagnostique une tendinite. Elle est obligée de s'arrêter de tourner pour quelque temps, ce qu'elle n'avait fait jusqu'ici que le temps d'enregistrer ses albums studios. Elle n'a repris la scène que fin avril 2006.
Le 20 janvier 2007, elle a donné naissance à une petite fille, Petah Lucia. Le père de l'enfant est le compagnon d'Ani, Mike Napolitano, co-producteur de son album Reprieve.
Style

La musique d'Ani Difranco est habituellement rattachée aux catégories folk rock et rock indépendant. Les textes y occupent une place prépondérante.

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Inspiration

Ses compositions sont généralement d'inspiration auto-biographique et ont une forte coloration politique et sociale. Elle y aborde en particulier le racisme, le sexisme et les abus sexuels, l'homophobie, l'avortement, la pauvreté ou la guerre. Elle mêle avec ironie des composantes personnelles et politiques au sein des mêmes chansons. Ses textes sont très travaillés : elle utilise allitérations et métaphores et les jeux de mots sont très présents. Elle chante avec un phrasé rapide, souvent de manière « parlée », variant ainsi les rythmes.
Son engagement politique dépasse les frontières de son art et elle s'implique dans le débat politique américain comme en 2000 où elle a soutenu la candidature de Ralph Nader ou en 2004 et 2008 où elle a soutenu le candidat démocrate Dennis Kucinich lors des primaires.

Musique

Ani Difranco est aussi une guitariste virtuose comme en témoigne le morceau Out of Range (sur l'album Ani Difranco).
Bien que d'influence folk rock, elle s'efforce depuis ses premiers albums de ne pas se laisser enfermer dans un genre. Elle a ainsi collaboré avec de nombreux artistes de style différents tels que l'artiste pop Prince, le musicien folk rock Utah Phillips, ou le rappeur Corey Parker. Elle soigne aussi ses arrangements en utilisant une grande variété de styles ou d'instruments tels que les cuivres (mis à l'honneur sur l'album Little Plastic Castle) ou les cordes (très utilisée sur l'enregistrement en public Living in Clip ou sur Knuckle down).
Selon les albums, elle a pu collaborer avec de nombreux musiciens (tel le batteur Andy Stochansky ou plus recemment Julie Wolf, Andrew Bird ou Todd Sickafoose) ou au contraire travailler avec une équipe très limitée (comme sur ses premiers albums ou sur Educated Guess).

Righteous Babe Records

Ani Difranco est aussi largement reconnue pour le succès de son label, Righteous Babe Records (RBR).
Le fait qu'elle en ait la direction lui permet une grande liberté artistique, y compris celle de sortir des disques aussi souvent qu'elle le souhaite ou celle de s'affranchir de la censure, sur les sujets qu'elle aborde ou sur le vocabulaire qu'elle utilise. Bien plus que la réussite financière de son entreprise (qui emploie de nombreuses personnes à Buffalo, sa ville natale) c'est l'indépendance artistique qu'elle lui procure qui a le plus d'importance à ses yeux. Elle le rappelle en 1997 dans une lettre ouverte adressée au magazine Ms. [1].
Elle fait régulièrement référence à son indépendance vis-à-vis des majors dans ces chansons. Ainsi, dans The million you never made, elle disserte sur le fait de refuser un contrat lucratif. Dans Napoleon (sur l'album Dilate), elle plaint un ami ayant signé avec une major (certains ont cru reconnaître Suzanne Vega). Dans The next big thing (sur l'album Not so soft) elle imagine une rencontre avec un chasseur de têtes de l'industrie musicale qui évalue un artiste sur sa seule apparence.
Ani Difranco s'associe occasionnellement à Prince pour communiquer sur les problèmes engendrés par les grandes maisons de disques.

06/10/2008

Bernard Hugues (2)

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Conte du quotidien mêlé d’actualité.

Sur le chant de l’oiseau là posé sur la branche, le bruit de l’avion là-haut dans le ciel clair.
Chaque fois je me disais si de cet avion tombait maintenant des bombes ?
C’est pourtant ce qui se passe ailleurs, sur d’autres terres si semblables à celles ci, d’autres terres où les hommes ont sans doute le même goût de jardins fertiles, de prés fleurissant et de vergers.
Hier au soir sur la scène le clown m’a fait rire aux éclats, m’a fait rire aux larmes, hier matin sur un lointain continent un pays a envahi un autre pays, bruits de chars et coups de canons. Hier toute la journée j’ai rebâti les murs éboulés pierre sèche sur pierre sèche.
Ce matin les armées des deux pays en guerre poursuivent les combats, ici je continue à poser pierre sur pierre, si patiemment, si attentivement, si obstinément. Les morts là-bas s’alignent et s’entassent comme ici les pierres, et plus vont les morts plus je remonte de murs solides et droits. Combien d’hectares en murettes aux deux tiers éboulées et combien de pays en guerre ? D’hommes et de femmes meurtris, abattus ? de petits enfants tremblants et apeurés ?
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Peinture Bernard Hugues
Les voyez-vous pleurant dans le fracas des bombes ces tout petits enfants aux yeux démesurés qui ne comprennent pas l’effroyable hécatombe ? Et toujours plus de pays entrent en guerre, alliés de ceux-ci, alliés de ceux là. Ici les murs s’ajoutent aux murs, un jour toutes les murettes seront debout pour longtemps et chaque terrasse parfaitement cultivable. Mais là-bas et partout combien d’hommes, combien de femmes, combien d’enfants auront été couché pour toujours ?

Un jour ici la terre resplendira, alors que peut-être tous les pays seront en guerre, un jour ici la terre couverte de prés en fleurs, de vergers et de culture chantera sous le soleil, alors que peut-être une bombe viendra creuser un grand trou dans tout cela.
Ces crêtes qui nous entourent, nous projetant si loin du reste du monde, quel écran fragile et tissé d’illusions !


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peinture Bernard Hugues


Les textes courts de Bernard Hugues sont pour la plupart inédits, à part quelques uns que j'avais publié à l'époque dans le revue Ressacs.

03/10/2008

Bernard Hugues

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Son manuscrit était arrivé au courrier en service de presse. Il l'avait tapé à la machine, ronéoté agrafé et encollé cahier par cahier à la main. Du travail d'artisan, avec peu de moyens, mais bien fait, propre net. On avait décidé de lui racheter le stock restant. Il était venu nous l’apporter dans les Pyrénées. Le train était déjà reparti, ses deux cartons bourrés de papier à ses pieds, en paysan cévenol solide. Il nous attendait sur le quai de la gare de Coarraze. Il avait ficelé ses paquets et souriait heureux d'être arrivé après un si long voyage.

Dans sa montagne, il habitait un hameau relié au monde par une simple piste qui se tortillait dans le chant des cigales. Au bout, quelques habitants affrontaient la solitude des grands châtaigniers, la sécheresse de l'été et la neige de l'hiver. Il vivait là au rythme des saisons partageait son temps entre son atelier d'artiste peintre et son jardin. Dans ce paradis d'arbres et de vallées.
Il avait aménagé sa maison, de ses mains remonté des pans de murs, consolidé des toitures. Il parlait peu et abattait son travail avec la constance d'une machine. De la journée, il ne s'accordait un instant de répit que pour se rouler une cigarette de tabac gris.
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Ils n'étaient plus que six habitants dans ce coin perdu, deux couples de jeunes nouvellement arrivés et des autochtones nés là, ayant vécus là, sans intention d'aller ailleurs. Leur seul paysage étant ces dômes de montagnes et la vallée qui s'enfonce devant eux. Ils s'y sentaient en sécurité cachés dans un pli de la terre, loin de ces étendues à perte de vue où l'oeil ne peut pas se reposer que sur des points fixes.

Tout autour de la maison, il avait débroussaillé, et jusque loin sous les arbres, car il redoutait l’ennemi sournois qui ne prévient pas ; le feu. Parfois les Canadairs passaient au-dessus de la colline si prés tête, qu'ils apercevait les pilotes dans leur combinaison jaune aux commandes de leur arroseur céleste.

Dans son livre, il parlait si bien de ces gens qui savent qu'ils ne sont pas faits pour être soldats et qui se refusent à rentrer dans le rang quoi qu’il leur en coûte. Il avait écrit cette histoire que lui avait raconté son ami, ce témoignage d'un simple ouvrier agricole qui avait décidé de se suicider plutôt que de courber l'échine. La grande muette n’était pas parvenue à faire obéir ce simple paysan, pensant faire plier celui-là comme les autres. C'était faire peu de cas de l'entêtement cévenol, car, pour vivre dans ces conditions de rudesse, têtu il faut l'être.
Mais cela en vaut la peine et la récompense est là quand on se lève le matin sur cet étang de brume qui recouvre la vallée. Ce spectacle qui vaut bien tous les sacrifices. Dans ce pays vidé de travail, ne reste que des retraités, car comment vivre avec ces revenus que veut bien accorder la terre. Les arpents abandonnés tout autour partaient en friches.
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Il vivait hors du temps et s'employait à peindre, à écrire et à planter des châtaigniers sur ses terres. Roc face à la mer. Rien semble-t-il n'aurait pu l'entamer. Il dégageait une telle énergie paisible et offrait ses sourires si naturellement. Occupé par ses passions, il semblait indéracinable dans sa veste de velours. Il a préparé le repas sur le feu de cheminée, et s'en est allé chercher à la cave un grand bocal de sa récolte de cèpes, et les a accompagnés d'un confit et d’un vin local.


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Bernard Hugues était peintre et écrivain. Il est décédé en 2003.

Le Refus publié en 1982 aux éditions Ressacs, va reparaître aux éditions l'Arganier dans la collection ressacs. Une rétrospective de l'oeuvre peinte de Bernard Hugues aura lieu en mai 2009 dans les Cévennes.
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01/10/2008

La Crevaille de Claude Pélieu


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quand on pense

que G. Bush était sur

la liste des candidats

au prix Nobel de la Paix !

où sommes-nous

pèlerins de l’espace ?!?>Plieu8bis.jpg



NEWS FROM PELIEU'S GALAXY



Le numéro collectif est à la correction. Il va sortir comme prévu dans la deuxième quinzaine de novembre.

La maquette de la Crevaille dernier manuscrit de Claude Pélieu est en bonne voie de réalisation, maquette quasi bouclée...
Reste la 4ème de couverture à faire....

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24/09/2008

la vitesse de refroidissement de l'enfer...

Voici la version d'une question "bonus" de chimie posée à l'université de Nanterre. La réponse d'un étudiant a été si loufoque que le professeur l'a partagée avec ses collègues, via Internet, et c'est pourquoi vous avez le plaisir de la lire ....

Question Bonus: « l'enfer est-il exothermique1 ou endothermique2 » (1 : évacue la chaleur, 2 : absorbe la chaleur)
La plupart des étudiants ont exprimé leur croyance en utilisant la loi de Boyle (si un gaz se dilate il se refroidit et inversement) ou ses variantes.
Cependant, un étudiant eut la réponse suivante...

Premièrement, nous avons besoin de connaître comment varie la masse de l'enfer avec le temps. Nous avons besoin de connaître à quel taux les âmes entrent et sortent de l'enfer. Je pense que nous pouvons assumer sans risque qu'une fois entrées en enfer, les âmes n'en ressortiront plus. Du coup aucune âme ne sort.
De même pour le calcul du nombre d'entrées des âmes en enfer, nous devons regarder le fonctionnement des différentes religions qui existent de par le monde aujourd'hui. La plupart de ces religions affirment que si vous n'êtes pas membre de leur religion, vous irez en enfer. Comme il existe plus d'une religion exprimant cette règle, et comme les gens n'appartiennent pas à plus d'une religion, nous pouvons projeter que toutes les âmes vont en enfer...

Maintenant, regardons la vitesse de changement de volume de l'enfer parce que la Loi de Boyle spécifie que « pour que la pression et la température restent identiques en enfer, le volume de l'enfer doit se dilater proportionnellement à l'entrée des âmes ». Par conséquent cela donne deux possibilités:
1) si l'enfer se dilate à une moindre vitesse que l'entrée des âmes en enfer, alors la température et la pression en enfer augmenteront indéfiniment jusqu'à ce que l'enfer éclate.
2) si l'enfer se dilate à une vitesse supérieure à la vitesse d'entrée des âmes en enfer, alors la température diminuera jusqu'à ce que l'enfer gèle.

Laquelle choisir ?

Si nous acceptons le postulat de ma camarade de classe Jessica m'ayant affirmé durant ma première année d'étudiant « Il fera froid en enfer avant que je couche avec toi », et en tenant compte du fait que j'ai couché avec elle la nuit dernière, alors l'hypothèse doit être vraie. Ainsi, je suis sûr que l'enfer est exothermique et a déjà gelé… Le corollaire de cette théorie c'est que comme l'enfer a déjà gelé, il s'ensuit qu'il n'accepte plus aucune âme et du coup qu'il n'existe plus... Laissant ainsi seul le Paradis, et prouvant l'existence d'un Etre divin ce qui explique pourquoi, la nuit dernière, Jessica n'arrêtait pas de crier "Oh.... mon Dieu !...."
(Cet étudiant est le seul ayant reçu la note 20/20)


23/09/2008

Le Décharge 139 est arrivé.....

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Au sommaire de ce numéro, votre humble serviteur....

18/09/2008

Malnuit, c'est reparti....

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Malnuit autoportrait...


Après le succès interplanétaire des Crobards de Malnuit, voici que Bédé s'est remise au clavier...
Le prochain texte de Malnuit en prévision ce sera La Denise est passée à 5 heures.... un livre qui donne soif rien qu'en le lisant...

Un petit morceau en avant première pour donner envie de lire la suite....


Ce 20 mars. Tôt matin. Partant de Gap on prend la route via Buisson où on laisse le fils et direction Pyrénées. Pour Bédé c’est la Grande Première. Pour moi non. La route habituelle presque les yeux fermés... Orange la traversée du Rhône, et un panneau où c’est écrit « La Capitale de la Cerise » c’est Remoulins. Après c’est un bon bout de route dans la garrigue comme au Texas avec des cabanons fermés qui font caboulots quand ça s’ouvre à la saison des bons toutous. Après c’est Sète à l’horizon avec la mer, à la sortie on boit un pot. Face à la mer, la mer... la mer. Après c’est Agde. Fini la mer. Et Béziers où personne ne répond : elle dort. Elle qui... mira quand on repassera dans l’autre sens dans quelques jours... Rouvre les yeux dans les vignes, ça tourne et vire...
— Je verrai encore pas Minerve qu’on y passe pas si tant loin, j’en connais à peine que le rouge et le nom m’attire me chatouille.
— Après c’est Homps.
— Un nom pareil me fait marrer à tous les coups ! Pi Carcassonne…
Carcassonne où... je pense, comment faire autrement, à Paul dit Polo l’Amerlo... est mort. L’autre jour.
— On était venus. Moi & lui. Icigo à vélo on avait 17 ans...,14 juillet soixante et quelques et, 21 mars 76, ce jour... d’hui même...
Un pot à Mirepoix sous les arcades de bois, une carte à Picpic… Mirepoix où la dernière fois et bien tôt le matin avec Coucou on s’est fait avoir en casquant 60 sacs un panier pour le chat Biniou mort à ce jour de trop de route et trop de Suisse on sait pas trop... bref. Bientôt Foix. L’occase encore pour moi de voir, revoir, la dernière fois à Foix...
— Ma foi je m’en sortirai pas, ou rais, pas.
— Ça va Bédé ?
— Ça va.
— Ç’a l’air.
Grande Première rapport à... près. Après. Pas loin, on y arrive. Foix elle connaît un peu, suis pas le seul à repasser du film. N’empêche, il est tard et fatigue, on voudrait s’arriver avant la nuit si le col des Marrous était par chance ouvert alors qu’il se prétend « fermé » :
— On y va vouère !...
— Le Bosc à gauche, t’as pas des fois l’envie d’y aller voir ?
— Y a pas le temps on n’est pas sûrs.
Au col y a pas de neige on tente, mais 4 kilomètres plus haut c’est tout congères & Cie :
— Ça que m’avait dit la bistrote.
Lors mi-tour délicat et, chute libre on innove, la D 51, Sentenac-de-Sérou... le paysage est comme partout dans cette Ariège extraordinaire. Les maisons qu’on n’habite plus, les culs-de sac qui nous appellent... on a perdu notre patience avant de trouver la jonction à Castelnau pour St Girons. Et de nuit zigzags de l’Arac, et enfin Biert.
— Et la grimpette !
— Pluie fifine.
Tuttut tuttut tuttuuuut en arrivant sous Jaques... et loupiote s’allume là-haut dessus la porte du lieu... du lieu d’où chiens déboulent Palo Swann, qu’une voix freine et c’est pas sûr, mais ça c’est sûr qu’ils nous font la fête !... Et ça c’est sûr que ...
— Voilà l’homme !
— Couraudon Le Besset Enchanté
— Moizaussi Permettez qu’on s’embrasse... à moins qu’on se préfère dans l’accolade chevalerèxe !
— Compagnonnèxe ?
— Granguignolèxe ?!...
— Abrégeons abrégeons ça mouille. La pluie.
— Minute j’enfile mes pompes... si Swann voit pas d’inconvénient !... l’est toujours aussi pétulant.
Bagages, le raidillon gadouilleux, et Isabelle au seuil, la bise et deux et trois...
— Entrez...
— Voilà. Feu dans la cheminée et...
— Nappe blanche, hé héééé ! doit-on comprendre... ?
— Mais oui mais oui !
— Un petit canon pour mon Mazio ?
— Un grand ! à épisodes dedans mon verre habituel le ptit.

On s’est posé, on a sorti le sosse acheté au Castet d’Aleu et le vin et le pain, mais le leur est meilleur le gros pain de Miouze...
— Et vous allez me goûter ça ! Ça, c’est un ragoût d’orties avé des patates en chemise,
Venaient juste de finir quand on est arrivés, platée chacun et lui s’en ressert une. Isabelle n’en veut plus elle boit, et on boit tous et il fait bon et les loulous attendent les peaux de sosse, Palo sur son fier et digne séant et Swann slalom spécial entre un tas de guibolles,
— T’à l’heure, il a foutu les chaises en l’air ce fou.
— Qu’est-ce qui aurait changé ici ?
Les dessins sont toujours au mur vers la fenêtre, les miens ceux de Bédé.
— On lui fait visiter ?
— Ah : la souillarde est dallée.
En haut des toiles ici et là, une sur un chevalet, bouquins en nombre et,
— Tagères, euh j’veux dire la biothèque... m’a l’air d’avoir changé d’endroit... et je me trompe ou quoi : cette grande table n’existait pas ?...
On redescend autour de l’autre se remplir et vider nos verres de rouge sur fond blanc-nappe des grands soirs au coin du feu de tous les jours et dire, se dire se raconter les choses, et d’autres, et d’autres encore, parler, parler encore parler, à se saouler, de vin et de parler.
— C’est bon, j’aime ça, et chu pas seul, tout le monde il aime ça, ici, comme ça... le monde... nous quatre !

Et les loulous roupillonnent. Et Coucou coupe. Trois bûches. Quat’bûches. Cinq, six . Question du confortable, et j’allais ajouter : pour l’exercice de la vertu. Je raille. On est raillé. Je. Peux même dire qu’on déraillait. Léger.
— C’est pas mauvais après un long voyage avec un bon canon. Pas vrai Bufic ?
— Elle n’en veut plus merci. Hé... ben tant mieux c’est... autant pour nous... Mennen... por nous li zommes, il n’en avait plus j’y repense, et ‘reusement j’ai l’habitrude, d’apporter le carbure là où je débarque. Surtout que là c’est pas n’importe où ni n’importe quel gosier ! c’est pas vrai ça Coucou ?
— Coucou-Mazio : une fameuse paire de trous ! je dis.
Ainsi c’est dit, on peut passer à table. On n’en est pas sortis. Ou quoi : le temps d’aller pisser... Lui est monté brancher un disque, Carmina Burana, plein pot...

17/09/2008

A quand la suite Pélieu, à l'hôtel Chelsea ?.....

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Avant que Alain Jégou ne me propose de publier l'ouvrage autour de Pélieu, j'avoue à ma grande honte ne m'être pas penché sur son oeuvre... Je n'avais pas fait la relation Mary Beach, Bourgois, Ginsberg, Burrough... Il me sera pardonné... Une gouffre s'ouvre sous mes pieds. Oui je connaissais le Cut up graphique, mais pas ce cut up littéraire là... Cette tension folle, cet électricité qui passe dans le texte. Je me souviens de Kaddish de Ginsberg, toujours dans ma bibliothèque et bien jauni, papier pâte mécanique avec lignine. Je me souviens de cette claque d'oxygène à la lecture de Kerouac, de Ginsberg, de Cendrars, de London, et par la suite Céline. Mais j'étais passé à côté de Pélieu. Pourquoi? Je l'ignore... Probablement parce que j'allais devoir le découvrir plus tard... Ce n'est que le début et je commence par la fin et après lecture le stylo démange... Mais il faut attendre que le temps passe un peu par dessus... Que d'autres découvertes viennent s'interposer entre son oeuvre et le moment de prendre la plume... Trop brûlante littérature...

Claude Pélieu et Mary Beach ont longtemps habité l'hôtel Chelsea...

Voici ce qu'en dit Mary Beach lors de l'interview accordé à Bruno Sourdin dans l'ouvrage à paraître en novembre Autour de Claude Pélieu. aux éditions l'Arganier.

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"En 1962, j’ai rencontré Claude Pélieu et en 1963 nous sommes partis avec les enfants, aux USA. Nous avons atterri à San Francisco et nous avons rencontré les poètes de la Beat Generation : Allen Ginsberg, Gregory Corso, Peter Orlovsky, Lawrence Ferlinghetti, et nous avons correspondu avec William Burroughs. Et on nous a proposé, à Claude et à moi, de traduire quelques-unes de leurs œuvres. En 1964, Allen Ginsberg nous a offert son appartement de New York et nous avons ainsi quitté San Francisco. Mais nous ne sommes pas restés longtemps chez Allen : c’était trop petit, nous avons donc pris un appartement au Chelsea Hôtel, où nous avons rencontré Burroughs, Harry Smith (le grand cinéaste, peintre, graveur, poète), et d’autres grands artistes : Ed Sanders, Ted Willentz (qui avait la librairie 8th Street Book Store), Patti Smith, et Robert Mapplethorpe. C’était une époque inoubliable. Nous avons travaillé dans une atmosphère extraordinaire. Ce n’était partout qu’inspiration, imagination et invention. C’est alors que Miles, un écrivain anglais, nous a proposé d’aller en Angleterre et nous a offert sa maison…
Comme le Chelsea déclinait, nous avons décidé de déménager de nouveau. Pendant à peu près 7 ans, nous avons habité Londres et un petit bled du Sussex, près de Brighton, qui s’appelait Chiddingly."
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Wiki di koa sur Chelsea Hôtel ?

L'hôtel a toujours été un centre important pour la vie artistique new-yorkaise. Il a été le premier building à être inscrit par la ville de New-York sur la liste des bâtiments à préserver pour leur intérêt historique et culturel.
Le bâtiment abritant l'Hotel Chelsea fut construit en 1883, et ouvrit en 1884. Il fut l'une des première Coopérative d'habitation privée1. A cette époque, la rue était le quartier des théâtres. des difficultés économiques et le déplacement des théâtres entrainèrent une banqueroute de la coopérative.
En 1905, le bâtiment fut transformé en hôtel. Cet hôtel accueille surtout des personnes pendant des séjours longs. De 1939 à 2007, il fut dirigé par la famille Bart, Stanley Bart prenant la succession de son père en 19552. Stanley Bart était connu pour héberger gratuitement de nombreux artistes pendant parfois plusieurs années. Milos Forman résida ainsi gracieusement dans l'hôtel pendant deux ans après son arrivée aux États-Unis, avant de connaître le succès3. Le 18 juin 2007 Stanley Bard fut démis de ses fonctions de manager de l'hôtel à l'âge de 74 ans3. Sa famille, minoritaire (elle ne détient que 40 % des parts) fut mis en minorité par Marlene Krauss et David Elder, les deux autres copropriétaires de l'hôtel. Stanley Bard fut remplacé par la compagnie BD Hotels NY, L.L.C.1.
En 1977, l'Hotel Chelsea fut inscrit au National Register of Historic Places. Dylan Thomas y mourut d'alcoolisme le 4 novembre 1953 (deux jours avant il déclarait J'ai bu dix-huit whiskies de suite, je crois que c'est mon record3) et Charles R. Jackson, auteur de The Lost Weekend, s'y est suicidé le 21 septembre 1968. Nancy Spungen, compagne de Sid Vicious, y fut retrouvé morte le 12 octobre 1978 dans la chambre 1004.
Personnes ayant vécues au Chelsea

Écrivains et intellectuels


Mark Twain1, Herbert Huncke, Jack Kerouac (qui y écrivit Sur la route), O. Henry, Dylan Thomas, Arthur C. Clarke (qui y écrivit 2001, l'odyssée de l'espace), William S. Burroughs, Gregory Corso, Leonard Cohen, Arthur Miller, Quentin Crisp, Gore Vidal, Tennessee Williams1, Allen Ginsberg, Robert Hunter, Jack Gantos, Brendan Behan, Robert Oppenheimer, Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Bill Landis, Michelle Clifford, Thomas Wolfe, Charles Bukowski, Matthew Richardson, Peggy Biderman, Raymond Foye et René Ricard.

Acteurs et réalisateurs

Stanley Kubrick, Shirley Clarke, Cyndi Coyne, Mitch Hedberg, Miloš Forman, Lillie Langtry, Ethan Hawke, Dennis Hopper, Eddie Izzard, Kevin O'Connor, Uma Thurman, Elliott Gould, Jane Fonda, Rebecca Miller qui y a grandi, Gaby Hoffmann et sa mère Viva, muse d'Andy Warhol et Edie Sedgwick.

Musiciens

The Libertines, Tom Waits, Patti Smith, Virgil Thomson, Dee Dee Ramone des The Ramones, Henri Chopin, John Cale, Édith Piaf, Joni Mitchell, Marty Connolly, Bob Dylan (qui y a écrit Sad Eyed Lady of the Lowlands), Janis Joplin, Jimi Hendrix, Sid Vicious1, Richard Hell, Ryan Adams, Jobriath, Rufus Wainwright, Abdullah Ibrahim/Sathima Bea Benjamin, Leonard Cohen, Keren Ann, le groupe The Kills4 et Anthony Kiedis (des Red Hot Chili Pepper).

Plasticiens

Larry Rivers, Brett Whiteley, Christo, Arman, Richard Bernstein, Francesco Clemente, Philip Taaffe, Michele Zalopany, Ralph Gibson, Robert Mapplethorpe, Frida Kahlo, Diego Rivera, Robert Crumb, Jasper Johns, Claes Oldenburg, Vali Myers, Donald Baechler, Herbert Gentry, Willem De Kooning, John Dahlberg et Henri Cartier-Bresson. Harry Smith est mort à l'hôtel. Le peintre Alphaeus Cole y a vécu 35 ans avant d'y mourir en 1988 à l'âge de 112 ans (il était à l'époque le doyen des États-Unis).
Elizabeth Peyton fit sa première exposition dans l'une des chambres de l'hôtel. Les visiteurs devaient demander la clé à la réception.
Certains de ces plasticiens y ont laissé des oeuvres comme Un Déjeuner sur l'herbe pointilliste d'Alain Jacquet, Dutch Masters de Larry Rivers, un buste d'Harry Truman par Rene Shapshak, ainsi que des oeuvres de Daniel Spoerri3.

Autres

Charles James, l'un des premiers grands couturiers américain y a vécu de 1964 jusqu'à sa mort d'une pneumonie en 1978.
Andy Warhol a dirigé le film The Chelsea Girls (1966), en choisissant de nombreuses actrices parmi les pensionnaires de l'hôtel, dont les Warhol Superstar Edie Sedgwick, Viva, Larry Rivers, Isabelle Collin Dufresne (Ultra Violet), Mary Woronov, Holly Woodlawn, Andrea Feldman, Nico, Paul America, et Brigid Berlin.
Le metteur en scène Peter Brook3
Ruth Harkness, explorateur et naturaliste
Certains rescapés du Titanic y ont séjourné, l'hôtel étant situé près du dock où le paquebot devait accoster.

06/09/2008

Pélieu

La maquette progresse. Reste maintenant à revoir une dernière fois la concordance des folios et du sommaire et quelques images à changer. Légender le tout et envoyer pour la relecture et les dernières corrections. Un pavé d'autant que la suite est arrivée. Le dernier texte de Pélieu: La Crevaille. On a quelques soucis avec son écriture, mais Benoît habitué à l'écriture de Claude va décrypter les hiéroglyphes péliesques. Faire une maquette de la Crevaille en tiré à part pour les souscripteurs de l'ouvrage collectif et puis faire une maquette pour tous les textes publiés par Benoît en y ajoutant La Crevaille... Voir combien le diffuseur va en mettre en place en librairie et envoyer le tout à l'imprimerie... De l'autre côté de l'océan ça s'agite aussi... Les potes à Claude, les enfants de Mary.... Et le cap'tain avec son carnet d'adresse aussi long que l'accordéon de Madame Yvette déplié, harangue ses troupes... Des souscriptions, il en arrive tous les jours. D'une efficacité redoutable il est, le cap'tain. Il en a vu d'autres...Faut dire... bien content de plus aller traîner sur la baille quand ça piaule dans les drisses. Se contente de coller son nez à la baie de sa terrasse et de regarder Groix en face. Sale temps même pour les mouettes, c'est dire. Doit maintenant se visser sur la chaise parce qu'on attend sa prose. Loti à côté ça vaudra plus grand chose...

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Aux carnets du dessert de lune

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les canards-Jésus

Il y avait ce matin onze canards debout sur l’étang. Je me suis penchée pour vérifier qu’il ne s’agissait pas d’une illusion d’optique : non. La surface de l’étang était partiellement gelée et de l’eau recouvrait une partie de la glace de sorte que les canards semblaient se prendre pour Jésus, là, à se nettoyer les aisselles à coups de bec debout sur l’eau.
Alors qu’en fait ils se prenaient sans doute juste pour des pingouins. L’un des pingouins à col vert s’est dirigé vers l’eau (la vraie, celle qui ne cachait pas de la glace mais juste de la vase) sur ses petites palmes mal assurées il tanguait vers son véritable élément avec soudain une humilité de canard. Les dix autres canards l’ont observé tandis qu’il titubait puis plongeait et ça faisait vingt yeux arrondis de canards. Puis ils ont repris leurs activités, nettoyage d’aisselles christique, sommeil la tête à l’envers enfouie sous les plumes, lever de patte, coups de bec dans la glace.
Quand j’ai repris mon chemin à travers le bois, je me suis rendu compte que je venais de passer quatre ou cinq minutes sans penser à la fille, et j’ai soudain mesuré le pouvoir des canards.

Fanny Chiarello est née en 1974 à Béthune dans le Pas-de-Calais. Plusieurs de ses romans et nouvelles ont été publiés par les Éditions Page à Page et Pocket. Elle a publié aux Carnets du Dessert de Lune « La fin du chocolat » et, dans la collection Dessert, « Je respire discrètement par le nez ». Elle est également critique de musique pop.
En 2000, son premier roman, Si encore l'amour durait, je dis pas, est sélectionné pour le Prix de Flore. Elle vit actuellement à Lille.
Fanny Chiarello - Collier de Nouilles. Nouvelles. Illustration Fanny Chiarello. Préface Pierre Soletti. Collection Sur la lune. 130 pages. Format 14 x 20 cm. Imprimé sur papier Keay Color et Bouffant blanc.
ISBN : 2-930-235-82-9. Prix : 15,00 €.


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Zone lente

Le gérant chinois de cette épicerie
a placé au-dessus de la porte d'entrée
une bande de soie avec
des idéogrammes imprimés
qui signifient bonheur et longue vie
Lucien Quine lui achète cinq samoussas
une pile au lithium une bouteille d'eau minérale
des kleenex et trois barres vitaminées au miel
dehors il pleut des cordes
un escargot grimpe sur la façade
recouverte d'une fresque Pepsi-Cola
de l'autre côté de la rue
de jeunes enfants se placent
sous les gouttières et s'arrosent
Lucien Quine repart sans tarder
la tranquillité de ce lieu le perturbe
et ce soir il doit être sans faute à Paulista.

Daniel Labedan vit à Marseille. Il anime la revue de poésie-documentaire en ligne Les États Civils. Son premier roman Mimizan-Plage est paru aux éditions La Table Ronde en 2003. Il est également l’auteur d’un recueil de nouvelles, Mon grand-père était cow-boy, paru aux éditions La Dragonne en l'an 2000.Daniel Labedan - Transatlantique. Poésie. Photographies Daniel Labedan. Préface Fanny Chiarello. Collection Pleine Lune. 72 pages. Format 14 x 20 cm. Imprimé sur papier Keay Color et Bouffant blanc.
ISBN : 2-930-235-84-4. Prix : 11,00 €



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On divise sommairement les araignées en trois sous-ordres.
Onze familles d’araignées dont les théra-phosidés appartiennent à celui des myga-lomorphes.
À ce jour, un millier d’espèces de ce type ont pu être répertoriées et seules deux cent, protégées par la CITES - la convention sur le commerce international des espèces animales et végétales menacées d’extinction - sont autorisées à la vente.
On les trouve dans les animaleries et chez certains éleveurs privés.
Et aussi comme fleurs séchées entre les pages de ce livre.

Jean-Marc Flahaut est né en 1973 à Boulogne sur mer. Après des études à caractère social, il anime des ateliers d’écriture auprès d’adultes et d’adolescents et donne des cours à l’Université. Parallèlement, il publie dans des revues comme Contre-allées ou Microbe. Son univers est souvent peuplé de personnages isolés et perdus en eux-mêmes au sein d’une nature tour à tour effrayante ou merveilleuse comme en témoigne Rengaine suivi de Sept secondes avec le soleil, paru aux Carnets du Dessert de Lune en 2004.
Jean Marc Flahaut est également l’auteur de plusieurs recueils de textes courts parfois construits comme des exercices d’admiration aux croisées de la nouvelle et de la poésie.

Jean-Claude Flahaut est né en 1936 quelques semaines avant l’arrivée du Front Populaire au pouvoir en France. Il suit des études aux beaux arts et publie de 1959 à 1975 des dessins humoristiques dans la presse quotidienne régionale et nationale encouragé par Arsène Brivot. Touche à tout, nourri par des influences multiples allant de la bande dessinée à la sculpture en passant par l’illustration, il vit aujourd’hui à Outreau dans les environs de Boulogne sur mer où il consacre tout son temps à la peinture. Jean-Marc Flahaut - Spiderland. Roman. Illustrations Jean-Claude Flahaut. Préface Daniel Labedan. Collection Sur la lune. 92 pages. Format 14 x 20 cm. Imprimé sur papier Keay Color et Bouffant blanc. ISBN : 2-930-235-81-3. Prix : 12,00 €


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T’écrire oui c’est ça t’écrire je tape
la machine aux étoiles
répond des lettres.

Pierre Soletti a publié des livres de poèmes chez divers éditeurs, ainsi que des nouvelles en revues & livres collectifs. Nombreuses lectures publiques avec son frère, le musicien Patrice Soletti, notamment au festival Voix de la Méditerranée à Lodève, au Centre Européen de Poésie d’Avignon, au Musée d’Art Moderne de Cordes sur Ciel, au festival du livre de Figeac, etc. Récemment, deux de ses textes ont été joués par la Fanfare Électrique : BUILDINGS au festival quARTier LIBRE de Montpellier (octobre 2007) & SUR LA CORDE RAIDE (lettres alphabétiques à Lucien Suel) à la Salle Victoire 2 à Montpellier en février 2008. S’étonne à foison. Se surprend de trop. Mais reste debout.

Valère Argué ne croit pas au travail. Rien que d'y penser, ça l'épuise. Il est pour la libération de l'homme (& de la femme, par la même occasion). D'ailleurs, il n'aime pas le pognon. C'est pour ça qu'il n'en a ni sur ses comptes, ni dans ses pognes. Valère Argué ne croit en rien, mais ça lui arrive de temps en temps d'illustrer des textes auxquels il croit. Un livre de lui est prévu aux éditions Chépaki pour mai 2068, si tout va bien, il aura trouvé le titre d'ici-là... car avec mai 68, on n'est jamais sûr de rien...

Pierre Soletti - J’aurais voulu t’écrire un poème. Poésie. Illustrations Valère Argué. Postface Jean-Marc Flahaut. Collection Pleine lune. 50 pages. Format 14 x 20 cm. Imprimé sur papier Keay Color et Bouffant blanc.
ISBN : 2-930-235-83-7. Prix : 8,00 €





Quatre livres pour le cœur de l’automne, quatre titres pour des photos de vie, vies en photo, ici et là, si proche du sujet et du métier de vivre, pour des mots qui se tissent une histoire avec peu de mots, ceux des non-dit, des sentiments qui se taisent ou qui s’enfuient au détour d’un chemin, pour des poèmes comme des courts-métrages dans lesquels se jouent des vies subies ou choisies suivant que l’on se trouve dans le champ ou hors du champ de la caméra qui tourne, qui tourne inéluctablement, pour Livre d’envie, livre d’épure, à la poésie, à la vie, au désir d’écriture.
Et pour faire un bout de chemin avec eux, paraîtront 4 nouveaux Desserts mijotés par Odile Bonneel, Amandine Marembert, Jacques Norigeon et Thomas Vinau qui seront offerts à l’achat des 4 livres.

Pour souscrire, remplissez le bon ci-dessous et renvoyez-le accompagné de votre règlement à :
éditions Les Carnets du Dessert de Lune, 67 rue de Venise, 1050 Bruxelles -B-
- pour la Belgique virement sur le compte 000-1688439-57
- pour la France,chèque bancaire ou postal à l’ordre de Jean-Louis Massot pour le CCP Lille 11 779 34 H
- pour les autres pays virement international sur le compte 0001688439-57 Bruxelles.
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 Spiderland = 12,00 €

 Transatlantique = 11,00 €

 J’aurais voulu t’écrire un poème = 8,00 €

 Le Dessert d’Odile Bonneel = 1,25 €

 Le Dessert d’Amandine Marembert = 1,25 €

 Le Dessert de Jacques Norigeon = 1,25 €

 Le Dessert de Thomas Vinau = 1,25 €

TOTAL = ………..

05/09/2008

René Barde

Aux dernières nouvelles l'ouvrage La soupe à la chaussettede René barde sera disponible en librairie dans une semaine ou deux au plus...

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Mon travail? le destin, la providence en décideront: l'arbre ne vend pas ses fruits.

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Il faut que je vous raconte cette histoire...

Bédé Malnuit, -illustratrice des ouvrages de Jacques Salomé- épouse de feu Michel Malnuit- et complice de trente ans, alors que nous étions en pleine préparation de la rétrospective de Malnuit à St Marcellin et de la publication des "Crobards" à paraître de façon officielle en juillet à l'Arganier ( un premier avant tirage a été effectué pour la rétrospective et le cercle des collectionneurs de Malnuit ), dont la diffusion sera assurée en librairie par Pollen, me donna une adresse de blog où je me suis rendu... J'ai commencé à lire, deux ou trois post. Curieux je suis revenu à cette adresse, pensez donc, un tel style ne laisse pas indifférent... J'ai recommencé encore et encore à lire... Puis j'ai copié collé dans un dossier dans l'ordre croissant pour lire le manuscrit en entier. Je suis parti en vacances à Noël. Le manuscrit lu, j'ai aussitôt écrit à Bernard Collet le légataire universel de René Barde.
dont voici le contenu:

Monsieur,

Je viens de terminer la lecture du texte de René Barde.
J’en sors bouleversé, de ce bouleversement que seuls procurent les grands textes. Barde appartient à ce peuple des anges de la nuit qui dans l’apprentissage de la douleur de vivre frottent leurs âmes à la noirceur de l’existence, et malgré cela une immense clarté se dégage de leur oeuvre. Je pense à des poètes contemporains malheureusement disparus trop jeunes, comme Thierry Metz, bien plus qu’à Christian Bobin...
J’ai lu crayon à la main prêt à couper dans le texte à la moindre imperfection. Hormis quelques coquilles de frappe ça et là, aucune fausse note ne vient nuire à la symphonie du texte, depuis les descriptions naturalistes de la ferme d’un cruel réalisme jusqu’aux fureurs de ses crises mystiques, aucune phrase n’est en trop, à peine s'il ne faut pas changer une seule virgule à ce texte...
Quelle immense leçon de ténèbres et de soleil brûlant. Pas de faire valoir, pas de flagornerie, aucun branle de l’âme du lecteur, aucune grandiloquence jusque dans la description de sa misère choisie. Il plonge sans cesse dans les gouffres de douleur qu’il creuse avec enchantement au fond de lui-même.
Dire que j’ai été dérouté par ce manuscrit de Barde est peu. Je n’ai pu m’empêcher de penser au bouleversement salutaire que m’avait alors provoqué, jeune adulte, le style de « Voyage au bout de la nuit »... Et aussi la lecture d’Antonin Artaud. Ce mysticisme ouvre sur des paysages intérieurs si immenses.
Le titre qui me vient en tête immédiatement c’est : « On charriait le foin le matin où je suis né »... qui semble être l’événement majeur d’une catastrophe annoncée. La vie...
Il me faudra le relire deux, trois, quatre, fois plus sûrement pour accepter la lumière de ce corps noir, en déceler les nuances, en capter les fulgurances.
Voila en quelques phrases le ressenti de cette lecture.
Est ce l’ange ou le démon qui nous touche à ce point à travers la force de son style. Comment un homme a-t-il pu écrire ainsi et passer aussi inaperçu. Question d’époque ? De destin forcé ?
Non seulement j’ai aimé ce texte, mais j’aimerai en lire d’autres de lui. Car je suis prêt à publier l’auteur de cette oeuvre d’une telle sauvagerie
.../...

Puis revenu à Paris, j'ai téléphoné à Bernard Collet. J'ai donné le manuscrit à lire à Nicolas Grondin qui lui, n'a pas été convaincu lors d'un premier survol du texte. Devant mon insistance, et me faisant aussi un peu confiance, il m'envoya un mail pour s'excuser d'avoir été si peu attentif et mis ce texte en écho aux Mémoires d'un paysan bas breton de Jean Marie Déguignet 1834-1905.
Le manuscrit va paraître en septembre aux éditions l'Arganier dans la collection "La belle ouvrage".

D'ici là patientez un peu. Belle revanche pour le misérable par conviction qu'était René Barde.
Beau témoignage d'amitié fidèle, par delà les quarante cinq années écoulées depuis sa mort.

Et voici la préface par Bernard Collet de La soupe à la chaussette titre retenu pour la commercialisation de l'ouvrage.

Enfant, j’ai connu René Barde à la fin de sa vie. Nous habitions le même immeuble de la rue Ernest Renan dans le Paris d’après-guerre. Avec sa silhouette un peu voûtée, son visage de patriarche aux joues creuses rongées d’une barbe grise, ses vieux habits sombres et dépareillés, il m’était une figure familière et rassurante. On se croisait dans l’escalier lorsque je dévalais mes trois étages et que lui remontait péniblement vers sa mansarde son cabas de toile cirée noire au bout du bras. Cherchant à reprendre son souffle, il devait s’arrêter souvent, se retenant d’une main à la rampe. Sa poitrine se gonflant et se dégonflant comme un soufflet, il ne pouvait répondre à mon salut que par un sourire que je devinais sous sa barbe grise. Je lui prenais alors son sac et le montais vivement jusqu’au sixième pour le déposer devant sa porte, pendant que lui poursuivait sa lente ascension. Parfois il me demandait d’attendre pour me laisser choisir dans une petite boite en métal ronde un morceau de sucre candi. À la fin de l’adolescence sa mansarde sous les toits m’est devenue familière. J’étais curieux de cette toute petite pièce sans chauffage aux murs de plâtre gris. Entre le lit-cage qui en mangeait la moitié, et une vieille table de bois d’où s’élevaient sur des étagères de bois noirci des empilements de livres, cahiers, papiers jusqu’au plafond, il n’y avait que la place d’une chaise et un étroit passage vers la fenêtre. Mansardée, elle s’ouvrait sur la gouttière, les moineaux et les toits de Paris. Pour tout «décor» vêtements et linge accrochés au plafond à des ficelles comme les peaux de lapins retournées mises à sécher dans une grange. Punaisée au mur face à la fenêtre, une grande aquarelle représentant des arbres, au bas était écrit « à René, mon ami de toujours, Pignon 55 ». Sur une étagère du « bureau » entre ses manuscrits et la Bhagavad-Gîtâ, méditait un buddha accroupi de plâtre doré. En dessous grimaçait une photo de Ramakrishna. Des quelques réflexions générales de bonne cordialité à l’adolescent, René confiera davantage au jeune idéaliste que je devenais. Partant de mes frustes affirmations morales, de mes balbutiements artistiques, ou de mes a-priori politiques, il me dévoilera des soubassements idéologiques cachés, me laissera entrevoir comme autant de perspectives les développements lointains de la réflexion, ou, au détour d’une remarque, deviner la virtuelle moisson d’idées d’une analyse. Il conviait à ses propos, artistes ou poètes, saints ou bandits brésiliens, hommes d’État ou prophètes. Marx, Jésus, Van Gogh, Beethoven ou Bach, Khrisna Murti ou Freud habitaient un instant sa soupente. Évoquant les pieds nus martelant la terre au rythme du coeur devant les temples indiens, la résistance des humbles à l’exploitation, le sang offert au soleil au sommet des pyramides mayas, ou l’énigmatique Marabout de la steppe marocaine, il m’élargissait le monde. Je sentais pourtant sa souffrance, prisonnière de ce corps prématurément vieilli par la misère et l’ascèse. Sa solitude aussi où son tempérament trop entier l’avait enserrée. Par moments son regard devenait lointain, sur son visage passait comme une pâle et insondable tristesse. De quels rêves défaits, de quelles épreuves inachevées venait cette détresse muette ? Parfois au contraire, c’est en rugissements dantesques qu’il appelait la géhenne sur les bourreaux d’Alger, ou les dirigeants hypocrites et lâches, qu’il dénonçait les sépulcres blanchis des prélats à double face, ou appelait les bombes atomiques sur les peuples corrompus. La rudesse de sa pensée m'a placé alors quelques repères où appuyer ma vie.
Jamais il ne m’a donné à lire le moindre de ses écrits. Ce n’est qu’après sa mort que je les ai découverts, un énorme manuscrit maintes fois remanié, trois cahiers de proverbes, des notes innombrables jetées jour après jour d’une écriture serrée sur toutes sortes de bouts de papier, et puis cette autobiographie à laquelle je savais qu’il travaillait. Il disait qu’elle serait nécessaire à ceux qui viendraient à lire son livre, pour en resituer la genèse et le développement. En fait c’est une œuvre à elle seule où se déroule la trajectoire insolite d’une aventure humaine : de sa rude enfance où, dans la violence de son milieu, il développe le respect de la vie et étend silencieusement en lui des espaces de recueillement et de spiritualité, du jeune paysan, qui au hasard des amitiés, et des rencontres s’instruit quelque peu, de l’ouvrier d’occasion, compagnon de marginaux et de déclassés, qui commence à écrire dans le Paris de l’entre-deux-guerres.
Il fréquente également le milieu fantasque des peintres que lui fait connaître son ami d’enfance Édouard Pignon. Une amitié fertile et ombrageuse le liera au peintre italien Orazio Orazi. La rugosité de ses écrits d’autodidacte et ses convictions farouches lui valent l’attention de Romain Rolland, Marcel Martinet, Gabriel Marcel ou Léon Chestov. Il poursuivra une longue et opiniâtre quête d’absolu jusqu’à sa mort au prix du dénuement, de la souffrance physique, de l’angoisse spirituelle. C’est l’histoire de ce lent dépouillement, que d’autres appelleront descente aux enfers, que relate ce livre. Lorsque je l’ai connu, à la fin de cette odyssée son regard intériorisé posait encore sur le monde et la vie des lueurs farouches, mais pouvait aussi s’embuer de larmes devant un brin d’herbe ou un regard d’enfant. Son corps épuisé où résistait encore un peu la vie, devenait comme transparent. N’était-il pas un ange dans sa mansarde sous les toits ? Seul, terrassé par la vie qu’il s’était imposée, c’est par un souffle de victoire que s’achève son récit : « …c’est sans crainte que je vois le présent approcher l’autre rive. Oui, vraiment, j’ai gagné la partie. »
Depuis longtemps René Barde ne cherchait plus à publier : « Mon travail ? Le destin, la providence en décidera, l’arbre ne vend pas ses fruits » disait-il et c’est à moi, comme à une corbeille d’osier sur le fleuve qu’il confiera ses écrits par testament… Voici plus de 4O ans qu’il s’est éteint dans mes bras un jour d’hiver 1963. La corbeille n’a pas sombré, et le destin a placé Saïd Mohamed sur son errance. Qu’il soit remercié de « sortir au jour » cette vie sombre et ardente, celle de mon ami René.


Photo Bernard Collet "1961"
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René Barde et le jeune Bernard Collet

René Barde (2)

"On charriait le foin le matin où je suis né. (6 juillet 1901 à Marles-les-Mines, Pas-de-Calais) Ce jour là se produisit une perturbation peut être énigmatique, mais sûrement imputable à mon arrivée à la ferme des parents: on mangea de la soupe à la chaussette ! Il en était une qui avec d’autres séchait au-dessus du fourneau, perdant l’équilibre, elle tomba dans la marmite. On ne s’en aperçut que lorsqu’elle fut servie dans une assiette après deux heures de gros bouillon avec le lard et les légumes. Peut-être faudra-t-il en reparler de cette chaussette de laine qui mit de la dérision dans un paisible repas d’ouvriers. Je crois que les poils ne leur en sont jamais sortis d’entre les dents, car les miens, diront de moi toute leur vie : “Celui-là, rien de bon . Il va tout à rebours. Il fait son dévot, il fume, ne veut pas travailler et préfère se passer de manger que d’avaler un morceau de lard. Une tête de bois... Devenu en âge toujours plus fainéant, il se met à écrire des livres et ne veut pas gagner d’argent. Et quand tout le monde se rase, lui, lui seul, laisse pousser toute sa barbe. Une tête de bois, une tête de bois.” Ainsi disait-on sur le sixième et dernier né que je suis. Et si les poules en me voyant ne chantaient pas le coq, on interprétait çà comme l’annonce d’un malheur, qu’il fallait conjurer en leur tordant le cou.
Tout jeune, très jeune, j’avais la pauvreté en horreur. De voir la grange pleine de blé, les étables pleines de bétail, me rassurait. Je me disais les mains calées au fond des poches, “quelle chance j’ai eu de naître chez des paysans qui ne sont pas des pauvres.” Les familles de mineurs - il y avait des mines dans le pays - n’ont ni vaches, ni chevaux, ni froment.” Je m’estimais un favori de l’existence. Par exemple dans la famille Billet, ils étaient six enfants pour un petit salaire de menuisier. Ils ramassaient pour les manger les poules crevées jetées depuis huit jours dans les haies. Ils étaient gais et vifs comme tous les êtres jeunes, mais n’étaient point solides. Je n’étais pas né non plus comme les enfants de Séraphine, la veuve, s’ils voulaient des poires ou des pommes ils devaient, à tout risque pour eux, aller les marauder chez les autres.
Mais bientôt ce que j’appelais ma chance allait se retourner contre moi, car je m’aperçus que les fils de mineurs buvaient du lait complet, tandis que le mien était écrémé; qu'ils mangeaient du beurre plus que moi, et avaient autant de tartines qu’ils leur en fallait, qu'on ne les écœuraient pas avec du lard, mais mangeaient le bifteck de la boucherie. À la maison tout le monde aimait le lard, sauf moi. Je ne pouvais pas l’avaler. Cela à la longue allait avoir une influence désolante et décisive sur mon avenir; car le lard, que je ne pouvais pas me mettre dans le corps, étant le produit de la ferme, on ne le remplaçait par rien, car on n’était ni riche, ni aisé et il fallait chez nous vivre le plus possible de ses produits. Ma sœur, qui était l’ainée, d’énervement me barbouillait parfois le visage de la tranche qu’on avait mise dans mon assiette. De sorte que sans en avoir l’air, sans que personne s’en doutât, - ils ne le savent pas encore après 50 ans : “On mangeait bien à la maison” disent-ils - j’allais devenir un sous-alimenté de jeunesse - ce qui en est une des pires formes - et avec tous les inconvénients que cela comporte à la longue. Les seaux de lait, les mottes de beurre, les sacs de blé, tout cela n’était pas pour moi, mais pour vendre et faire face à tout un monde de propriétaires, un monde de percepteurs d’impôts, de forgerons, de bourreliers, de charrons qu’il fallait payer.
Quant aux autres, ils étaient capables de faire des prouesses de tous genres, et d’abord à table . Quand on tuait un porc, ma mère mangeait un kilo et demi de côtelettes pour son souper. Elle pouvait substituer à cela un kilo de fromage quand l’occasion s’y prêtait. Mon père, il portait une poêle et une cafetière dessus par le bout du manche serré entre les dents... Avec les siens, mon frère Honoré soulevait et portait plus de quatre-vingt-quinze kilos. J’ai une tante qui à seize ans montait cent kilos sur son dos de la cour au grenier. Honoré pouvait manger une terrine de pâté que ma tête n’aurait pas remplie. Quand on faisait des crêpes il fallait le chasser, et pour éviter cet embarras on n’en faisait jamais. Il était à peu près de la mesure d’un de nos cousins qui après avoir dîner pouvait encore manger deux kilos de pâté et quatorze tartines. Marc tenait bien la fourchette aussi, mais surtout l’aimable dieu Éros l’avait pourvu de qualité, c’est peut-être pourquoi tout le monde l’aimait. Et tous ces gens y compris Ovide le quatrième étaient capables après le travail du jour de redoubler la nuit. Ovide plus tard, jamais personne ne voudra travailler avec lui : ni son fils, ni son gendre, ni ses compagnons, et c’est avec un tel collègue qu’on allait m’atteler comme sous-verge.
Nos parents avaient voulu du bétail, des champs, des prairies, des enfants pour les y mettre à travailler. À sept et neuf ans mes aînés devaient le matin conduire les vaches au pré à 3 kilomètres de l’école où ils arrivaient crottés jusqu’aux genoux. Et le soir ils devaient les y reprendre. S’ils voulaient jouer comme tous les enfants, ils devaient faire de leur travail des jeux. Cela leur fit à la longue des tempéraments de jeunes loups. “Des leups, des leups” disait ma mère en patois.

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René Barde dans sa mansarde en 1962.

Le texte complet va paraître en octobre aux éditions l'Arganier....


29/06/2008

Tous à vos claviers......

Appel à contribution par Guy Ferdinande
son mail: guy.ferdinande@neuf.fr

Chers amis, correspondants connus et destinataires inconnus,

Vous connaissez la formule de Ghérasim Luca : « Comment s’en sortir sans sortir », connaissant la fin tragique du poète, cette formule s’applique à merveille à l’interview d’Alfred Vidal-Madjar, directeur de recherche au CNRS, que l’on trouve dans le dernier numéro du magazine Sciences et avenir. « Dans cent à quelques centaines d’années » il faudra déguerpir de la terre, ce qui d’ores et déjà infirme l’alternative de la décroissance que nous appelons de nos vœux : c’est foutu ! Trop tard : « Nous sommes dans une impasse, car ce laps de temps est trop court pour acquérir les technologies qui nous permettraient de nous installer ailleurs ». Même si on stoppait tout dès maintenant, il serait néanmoins trop tard, c’est ce que nombre de scientifiques émettent désormais de façon à peine voilée. Et nous, nous pressentons bien la crédibilité d’un tel constat à la longue. Il ne s’agit plus d’informations lointainement réelles mais de faits de plus en plus sensibles autour de nous. Pour l’An 01 on repassera (ce qui au passage invalide toute analogie entre la toile de fond de mai 68 et celle de 2008 : mai 68 fut la fête de la puissance active, 2008 la revanche des forces réactives).
Sauf que la fin du monde, sans pratiquer la divination ou cultiver le catastrophisme, nul ne peut dire qu’elle date d’hier : génocide des Indiens d’Amérique, génocide des Juifs, des Roms, Vietnam, Rwanda, Darfour, Irak, tsunamis, séismes et autres cyclones prévisibles et qui cependant ne donnent jamais lieu à aucune prévention, régimes de l’arbitraire, famines, pollutions, etc., nul n’ignore l’inventaire. Le XXe siècle a synthétisé toutes ces répétitions générales de la fin du monde. Qu’un bouquet final advienne prochainement ne serait jamais que le point de convergence logique du processus.
Pourtant, celui qui porte la responsabilité de ce gâchis qui n’attendait que d’être mondialisé, ce n’est pas l’homme, comme ça, en général : par exemple les peuples dits primitifs ont toujours entretenu un rapport déférent vis-à-vis de la nature. Celui qui porte la responsabilité de cet irréversible gâchis c’est le thuriféraire du bonheur occidental certifié conforme par la certitude qu’il n’y a rien de plus désirable que la capitalisation de biens matériels. S’il n’a jamais été possible de penser l’impensable, et c’est peu dire que la pensée a bien cessé de penser, est-il encore possible de poétiser l’impoétisable que ce monde porte désormais comme un nez sur une figure ? Mais non ! je me récuse, cette question n’a pas lieu d’être.
(…)
Jadis, les Dîners des vilains bonshommes ont proposé comme thème « Qu’est-ce qu’un commencement ? », et plus récemment Comme un Terrier dans l’Igloo : « La première fois » : thèmes pour la bonne bouche, prétextes au divertissement et à la dérision. Ce coup-ci, je vous soumets :

Qu’est-ce qu’une fin ? / La dernière fois (etc. : dans ce registre-là)

Je regrouperai vos contributions sous forme d’e-mail circulaire que recevront ceux à qui sera venue l’inspiration. Ensuite, si la matière est de choix, je ferai peut-être un numéro de Comme un Terrier dans l’Igloo avec une sélection que j’ajouterai aux auteurs invités par voie postale sur ce même thème.
Pas de date butoir, mais si début 2009 l’affaire n’est pas conclue c’est que de notre point de vue il n’y avait pas suffisamment à dire sur le sujet.
Amiteusement

25/06/2008

Une bonne note au passage

Une dame qui dit du bien du Cap'tain, alias Alain Jégou... on va pas se priver de le faire rougir, le gonzeau...
c'est par là que ça se passe en Cliquant là...

23/06/2008

Good news from Pélieu galaxy's......

La maquette de l'ouvrage collectif est en cours d'élaboration. Déjà les couvertures sont prêtes ainsi que le bulletin de souscription. L'iconographie nombreuse et variée a été en grande partie fournie par Benoît Delaune. Tout ça prend forme... Ceux qui le désirent peuvent souscrire dès maintenant à l'ouvrage...

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Auteurs, artistes et musiciens ayant participé à l’ouvrage :
 
Jeffery Beach, Pamela Beach-Plymell, Claude Beausoleil, Victor Bockris, Yves Buin, Michel Bulteau, Henri Chopin, Pradip Choudhuri, Vincent Degrez, Benoît Delaune, Erró, Lawrence Ferlinghetti, Lucien Francoeur, Daniel Giraud, Paul Grillo, Bernard Heidsieck, Pierre Joris, Alain Jouffroy, Théo Lesoualc’h, Gerard Malanga, Matthieu Messagier, Barry Miles, Jean-Marc Montera, Thurston Moore, Philippe Morin, Liam O’Gallagher, Ray Ortali, F.J. Ossang, Nicole Peyrafitte, Jürgen Ploog, Charles Plymell, Roxie Powell, Bernard Pozier, James Rasin, J.N.Reilly, Richard Saba, Edward Sanders, Bruno Sourdin, Lucien Suel, Laki Vazakas, Jacques Villeglé, Carl Weissner, Samuel Wilcox.
Traducteurs : Mary Beach, Benoît Delaune, Jean-Marie Flémal, Béatrice Machet.


Pour recevoir le bulletin de souscription CLIQUEZ ICI



La Crevaille est le dernier texte de Claude Pélieu. Ecrit peu avant sa mort, il est demeuré inédit. Il sera édité à l'occasion de la sortie de l'ouvrage collectif pour les souscripteurs. La maquette de couverture de La Crevaille est faite avec le carnet de bloc notes rouge scanné de Claude Pélieu.



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LA CREVAILLE

Introduction de Pierre Joris

Claude n’ignorait rien de la gravité de sa situation: son titre nous le dit fort bien. Et il savait quand s’arrêter : il boucla le ms. de La Crevaille un mois avant sa mort, le datant « Juin-Novembre 02» en bas de la dernière page. Page d’un bloc note sténo marque « Pen-Tab » à spirale métal, 80 feuillets de 15 X 22 cm, papier à teinte verte et à lignes, chaque page divisée verticalement par une fine ligne rouge. CP en a rempli 48 pages, dont une douzaine recto/verso, en utilisant la séparation verticale pour créer des textes en vis-à-vis.
S’il ne s’y est pas tenu complètement, l’idée de départ du texte est formulée sur le verso du deuxième feuillet :
Haikus et tankas
∑ ⎛
à choisir courts poèmes
à sélectionner & notes en bas
de la page
il ya q.q.’ « encadrés »
ou mise en page
avec différents
caractères
en fait
une suite
à soupe de lézard
qui a vu le jour
dans les salles d’attente
d’un hôpital.
C’est sans doute en partie parce qu’il se savait affaibli par la maladie qu’il choisit d’entrée des formes assez minimalistes — même si, l’énergie de Claude étant ce qu’elle était, c.à.d. débordante même en ces mois d’hospitalisation, il ne réussit jamais à s’y calfeutrer. Pas de bord, qu’il ne faut immédiatement prendre par (s)abordage — et donc pirater. On pourrait aussi lire ses indications « haïkus —> à choisir / à sélectionner » comme une suggestion pour découper dans les notes des poèmes se con-formant plus nettement à l’esthétique formelle du haïku ou du tanka. Mais ce n’est évidemment que Claude qui aurait pu faire cela — pour ma part il me paraît évident que je n’ai le droit que de reproduire les notes telles que Pélieu nous les a léguées.
Deux figures emblématiques sont collagées sur la couverture cartonnée du bloc-notes : recto, un petit collage de deux timbres Andy Warhol, verso, la tête de Céline, avec un centimètre (américain, donc marqué en pouces) enroulé au niveau du coup — écharpe, corde, ressort-cobra ? Sur la page de garde, où réapparaît un timbre Warhol, Claude a collé un extrait d’article sur son travail (que je n’ai pas encore réussi à identifier) qui dit en partie :
Je n’exagère rien en comptant Claude Pélieu, poète français installé sur la côte Est des Etats-Unis, au nombre des plus puissants écrivains de ces trente dernières années. Si toute civilisation est bel et bien une forme de la sensibilité rendue visible par une suite continue de symboles, alors Claude Pélieu demeure à ce jour un révélateur sans équivalent du monde occidental. Sa poésie saluée très tôt par Allen Ginsberg et William Burroughs, reste injustement minorée en France. Comme toute pratique d’écriture véritablement armée, l’œuvre de Claude Pélieu, dans ce pays subit une véritable mise sous séquestre éditoriale. Par pesanteur d’établissement, par auto-intoxication et moisissure, davantage que par idéologie. Sans insister sur le caractère parfaitement clairvoyant de ses écrits, éditer et lire Pélieu aujourd’hui, c’est faire entendre l‘autre voix. C’est rendre le réel à sa clarté coupante pour les cinq prochaine décennies du siècle qui balayeront les derniers forçats de la sensiblerie spongieuse, la mélancolie-crampon et les nains trapézistes à faux nez qui encombrent.
Ça a dû le requinquer tant soit peu durant ces derniers mois, lui qui avait eu si peu de réconfort critique, et n’en avait jamais demandé. Savoir que l’on commençait — peut-être — à le lire sérieusement (sérieusement ? — disons d’un « sérieux » pélieutien, qui d’ailleurs reste à définir entre dada et andy) aura apporté, je pense, un nano-réconfort, même si Claude (s’il pouvait me lire) éclaterait d’un gros rire en me lançant, « Eh ! Pierrot, ça me fait une belle jambe ! » Ou au moins une béquille pour unijambiste.
Blaguer avec lui aide un peu, avant tout aujourd’hui, à la lecture de ce « testament » qu’il ne voulait pas en être un, même s’il savait en le rédigeant que ça risquait de le devenir.

Albany, 21 novembre 2005

La crevaille
banalités déchirantes
toutes les vies
dans les abîmes du feu
Directos en enfer
Et pas de commission -

Picole & foirade
défonce & tristesse
pub d’enfer
pour les pochetées
du malaise –



ce matin
on m’a demandé
si je pouvais payer
les frais des pompes
funèbres (j’ai donné
l’adresse d’un gus
poète embourbé
dans l’indigence)


à part
pour la connerie
on pourrait être
n’importe où
avec n’importe qui –


les agents secrets
du spectacle sont
partout –
les mots de WSB
se sont évaporés –
quels rôles vont
jouer les inséminés
involontaires au
milieu de ce siècle ?



13/06/2008

Claude Pélieu (4)

En ce moment ça phosphore sur les couvertures des Pélieu. Des envois à Benoit et au Cap'tain ... il est retraité le Cap'tain maintenant et il va à la pèche aux moules. De sa fenêtres il reconnaît à la couleur des rafiots qui passent au loin le nom qu'il porte. Bien content de plus avoir besoin de continuer à pointer son nez dans ce foutoir. Trop content d'avoir encore sa carcasse de ce monde. Sa dernière aventure en pêche avait bien failli lui couper le sifflet; alors qu'il avait été éperonné par un chalutier espagnol qui ne s'est même pas arrêté. Heureusement pour eux que les gendarmes étaient là quand ils ont été par la marine obligé d'accoster à Lorient. Les autres pécheurs les attendaient sur le quai, prêts à les foutre à l'eau... Trois gars, trois veuves quelques mois auparavant dans des conditions similaires. Alors quand les autres pécheurs ont su que le Cap'tain avait eu un accrochage avec les espagnols, ils sont rentrés au port. Pas étonnant que Pélieu il cite le Cap'tain dans ses textes... Deux potes ces deux, là...
-Mais qu'est ce que t'as raconté sur ton blog, il va me dire...
-Moi? Rien que la vérité que je vais lui répondre...
Il va s'allumer une gauloise et lever son verre, en disant : à la tienne mon pote...
Sur la photo Pélieu c'est le géant, Jégou le barbu


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PLUS RIEN NE S’OUBLIE


texte Claude Pélieu, publié pour la première fois par Benoît Delaune...

« Alors bonne bourre mec Et après toi la fin du monde » (Alain Jégou), enfant, j’aurais aimé bomber ça sur une muraille d’ailes, rue du Lance Pierre.
Taffe de ciel. Pluie sur les mûriers blancs.
Enfance brumeuse.
Raids aériens. Peur. Couvre-feu. Atrocités. Privations.
Fricassée de buvards, d’encriers, de cartables, de missels tâchés de foutre.
Cathé en plein air. Gymnastique.
Premières Luckies. Branlettes & fellations.
L’abbé Mâchemerde.
Salle François Coppée. Miettes de belle époque. Les fenêtres s’ouvraient comme des boules de neige.
Paroles d’encre au goût d’abricot.
Banlieue Nord.
Rue des Merles. Né là, grandi là, rue du Nain Jaune.
Mauvais élève ? À côté du sujet.
Brouillard-angélus. Sainte Marie de l’Azur. Rue aux Juifs. Vitrines bourrées de crânes bleus. Rue de l’Oubli. Flocons de foirade. Mille fourmis sur la langue. Fleurs de prunier. Illustrés. Plumes entre les pages de ce vieux dico Larousse. Doigts tachés d’encre de Chine. Regard déjà fatigué de tout.
Nos vies déjà chiffonnées, écrites sur la peau d’une étoile morte.

La couverture à laquelle vous avez échappé...


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Encore le bon de souscription à terminer...
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12/06/2008

Claude Pélieu (3)

Ce texte de Claude Pélieu à été publié pour la première fois par Benoit Delaune de façon confidentielle... quelques dizaines d'exemplaires en photocopie...


Prise de tête dans les booths du peepshow du nouveau millénaire — vieux jeune homme gore zézayant, radotant en mixant les mythes des avant-gardes, l’homo Gamus dans la biosphère numérique enregistrant la couleur du temps. Blacks de plus en plus gris, engloutis par le bleu Klein, exilés sur l’étoile de la Mort — terrorisme ludique, ah ! terminus Prozac, on remixe la merde de toutes ces années, Gleen O’Brien exhumait la scène post-punk, que sont devenus Legs McNeil, Yves Adrien ? Michel Bulteau me parlait souvent de Pacadis — la douce lumière malade de ces années-là, TERMINUS SMACK — un spliff d’enfer dans la buée secrète de l’automne, branlette sur la table d’injection, surboum ringarde dans le couloir de la mort, burlesco-glauque, refoulé destroy — Juju & Java délirent et foutent le feu simultanément à une mosquée & une synagogue — et que se passe-t-il dans les coulisses opa-ques du pouvoir gangrené par la violence ? court-circuitées du karma les crevures — faudrait reprogrammer leurs systèmes de valeurs et les enfermer dans les bars à putes de Technopolis — Johnny Destructo, le panard cosmique rétrozen du crooner qui a pris un coup de vieux, qui touille son vieux trip hippie bien barge, harmonica, tignasse dreadlockée, le blues de chez nous, putain d’actu ! Zapocalypso Now ! l’Éclate Totale ! la grande mouille — poésie de prisu, médiocrité & pluie malade. Quelqu’un dit : « Il n’y a pas de pays plus irréel que la France », « Et la Belgique ! » — esprit des ténèbres à l’âge du CLIC, est-ce un bon plan Mr. Gooddeal ? on change l’or en salade niçoise, l’audimat explose, WHO WANTS TO BE A MILLIONNAIRE ? gonflette finale avec les stars gérontes, terreur hallucinante, Marks & Spencer, Castorama, Leroy-Merlin — pages scotchées sur victimes-alibis — de quelles « valeurs fascisantes » parlez-vous ? — d’ici on voit les choses en se téléchargeant, les idoles crament facilement.



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Collage Claude Pélieu

02/06/2008

Autour de Claude Pélieu

On travaille ferme ces temps-ci avec Benoit Delaune et Alain Jégou pour mettre au point l'ouvrage collectif qui rendra hommage à Claude Pélieu. Benoit a ressorti de ses cartons les collages nombreux reçus pendant ces années de New York envoyés par Claude Pélieu ou Mary Beach...
Difficile de faire des choix dans autant de matière, de matériau. Ginsberg, Gregory corso, Patty Smith... Et la vie incroyable du frenchie au milieu de tout ça....
Tiens une photo juste une seule de leur quotidien: Mary, Claude et Allen et un quatrième...

On va essayer de retranscrire tout ça avec les témoignages de beaucoup de monde...

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« Écraser les souvenirs comme des feuilles mortes » par Claude Pélieu


Je tourne les pages d’un magazine, et quelques mots d’Alain Jégou surgissent : « Paroles de sable de l’ailleurs défoulé » — la poésie est partout comme Dieu n’est nulle part disait Jacques Prévert — bombardiers furtifs, bombes à gui-dage laser, missiles de croisière, infoguerre sur écrans multiples, BLITZKRIEG GAY, sabotage structurel — les beaufs, NETOYENS marqués du signe de la Bête, écologie de la peur, nouveau matos infirmatique — chiffres, codes, crocs de brume biochimique bactériologique — tristesse défonçant les murs-espions de Technopolis — loubards débiles, hommes de main, métis à cervelle étroite — guerre interactive, échos dans les vitrines, trous dans les étoiles — la vie ? « Yup !... make it cheap !... Dis-moi quelque chose Glandu ! Fais-moi peur ! »... passeport pour nulle part, banalités, images ridées — rêvé que Kaufman & Salinger dansaient sur un tas de chiens policiers tondus sous l’œil amusé d’Ezra Pound — au fond des yeux la rançon de la lumière, comme une ombre, troublant les saisons — lune mauve nimbant les sous-bois de la colline du chien, bruits du temps, nus comme des amandes — pensées déracinées, lessivées au fond d’une mosaïque d’arcs-en-ciel — images scotchées sur les enfants d’Icare — vi-site de mon ex-femme, les feuilles mortes ont recouvert l’alibi de sa jeunesse — j’ai noté : le gros cul de l’intello fait du même lard que celui du prolo — tu vas vioquir et ça te coupera les fantasmes ras la touffe — bleu indigo enfermé dans les châ-teaux de tweed.


29/05/2008

l'Adieu au compagnon qui tire sa révérence... Dominique Autié

Banni dans l'enfermement du regard,
Empreintes d'humains, ombres vivantes malgré tout,
Ces destins piétinés persistent comme la faim.
Aucune honte n'affleure les lèvres.
L'insignifiance est devenue possible.

L’annonce du crépuscule donne proximité à l'innocence.
Dans l'aube des rues porteuses de tant de destins
psalmodier l'oraison charnelle du remord d'amour.
Le silence supplémentaire cueille à la radio
l'étrange symphonie des bonimenteurs.

La pluie fine n'est pas un hasard au fond des cours
Elle retient l'abandon où se reposer pendant ces escales
Comme un ouvrage à terminer loin de tous.

Ceux qui témoignent, riposte dérisoire,
Le font ceint de hoquets et de douleur
Sans joindre les mains, hantés par l'âme des morts.
Comment accepter, l’abjection du quotidien ?

Esprits autant vivants que morts
Apaisés par le seul savoir.

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L'hiver nous laisse sans voix
Cultivant des moissons sur des terres ingrates
Il faut découvrir des noms pour chaque semence.

Vivant dans le miroir des lieux-dits
Nous marchons vers le désert de nous-même
Aveugles aux feux brûlants dans la nuit.

Le Métal forgé nous étreint.
Les perles de la mémoire nient le désespoir
Arceau de l'instant qui soutient
La voûte du temps où nous ployons.
Que nous reste-t-il à conquérir ?
La vie s'est vidée effrayante.
L'homme s'est tu et a haussé les épaules.

Il n'avait pas la parole
Pour apprendre à désapprendre.

Dominique Autié est parti dans la nuit de lundi à mardi,
des suites de sa maladie.

Bon voyage à toi, compagnon de l'encre et du papier,
des mots et du savoir, du silence et de la discrétion,
de la compassion et des colères, tendre avec les faibles,
et de salve d'acier avec les lâches, furieux contre
les imbéciles qui savent et patient avec ceux qui apprennent.

Merci encore pour tout ce que tu m'auras enseigné
pendant ces trois ans de travail auprès de nos étudiants
du BTS édition de Toulouse... Cela a été une grande leçon de noblesse.
Un repère pour les années à venir.
Bien fraternellement aux tiens qui restent.




28/05/2008

Quand on reparle de Claude Pélieu....

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Claude Pélieu par Alain Jégou


Claude Pélieu, « l’iconoclaste, le déflagrateur » Francœur dixit, s’est éclipsé, après bien des morflances, le 24 décembre 2002, à Norwich, dans l’état de NY. Après avoir plaisanté avec Mary au téléphone en lui détaillant le programme des festivités organisées par l’hosto pour ce jour de Noël, il a chambré une dernière fois l’infirmière de service, a souri à la vioque coquette bigleuse qui, le prenant pour un Chippendale, lui avait quelques jours plus tôt glissé un billet d’un dollar dans la ceinture de son bénard et a gratifié d’un clin d’œil gouailleur la Camarde qui l’attendait à la porte du réfectoire. Claude s’est tiré pour de bon et nous sommes restés comme une flopée de ronds de flan, nous ses amis, avec notre douleur et le souvenir de lui à jamais rivé au cœur. La mort ne parviendra jamais à effacer certaines alliances, ni les mots qui cimentent les fortes complicités. Six années se sont écoulées depuis sa disparition. Afin de ne plus rester prostré, assis au bord du vide creusé par son absence, j’ai décidé, un jour de mai 2004, de retour de Cherry Valley, avec l’accord et le soutien de Mary, de rassembler quelques témoignages, plus des textes de lui, des images, des lettres et collages, pour réaliser un ouvrage qu’il aurait pu apprécier, sans pour autant se priver du plaisir de brocarder comme à son habitude. « Ça sert à rien d’faire ça ! Te fais pas chier ! Laisse tomber ces conneries ! » sans doute ce qu’il aurait dit, tout en étant ravi et reconnaissant pour le boulot accompli. La collecte des textes et documents a duré plus d’un an et presque tous les auteurs et artistes contactés ont répondu à l’invitation, ce dont je leur sais gré. Ce succès, je le dois essentiellement au rayonnement de l’œuvre et de la personnalité de Claude, à l’amour et l’admiration que tous lui portaient, mais aussi à l’aide précieuse de Mary et de sa fille Pamela Plymell qui ont intercédé pour moi auprès de bon nombre de leurs amis Américains. Mary, à son tour, nous a quittés le 26 janvier 2006, partie rejoindre son Cloclo dans son Vaisseau Spécial. Et je les imagine à nouveau réunis, découpant et collant côte à côte quelques morceaux de nova ou de météorite, avec Allen, Bomkauf, le vieux Bill, et toute la clique des poètes de la Beat swinguant dans le cockpit. Comme Claude écrivant sur son lit d’hôpital son poignant poème La Crevaille, jusqu’au bout Mary a peint, collé, traduit. Claude disparu, elle s’est acharnée à poursuivre l’œuvre de leur vie pour résister à la tristesse et combler le manque de lui. Je regrette qu’elle n’ait pu voir notre projet abouti, car elle y tenait beaucoup. Elle a cependant pu lire la plupart des témoignages et documents dont je lui faisais suivre les copies, et elle était profondément émue par ces marques de reconnaissance et d’amitié témoignées à Claude. La rencontre avec ces deux êtres d’exception a bouleversé mon existence, comme celle de bon nombre de ceux et de celles qui ont eut le privilège de les rencontrer. Ce livre collectif consacré à Claude est un hommage à l’homme et à son œuvre de poète-collagiste, mais aussi à celle qui partagea sa vie et participa activement au rayonnement de cette œuvre en traduisant et éditant ses premiers poèmes aux USA, puis travaillant avec lui sur les traductions des textes des poètes de la Beat Generation, avant d’associer son talent de peintre à celui de collagiste de Claude pour réaliser de multiples et incomparables œuvres croisées.
Tout au long de son existence, au fil de ses rencontres ou échanges épistolaires, Claude a tissé un formidable réseau d’amitiés indéfectibles. Par delà les océans et les continents, il a permis à de nombreux poètes, musiciens et artistes de se rencontrer et de fraterniser. Malgré leurs multiples voyages et déménagements, avec Mary, il est toujours resté le point de convergence pour bon nombre d’entre nous. Et il le demeure encore, cet ouvrage en est la preuve irréfutable, même par delà la mort.
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Dans les semaines et les mois à venir il sera beaucoup question de l'oeuvre de Claude Pélieu, et d'un ouvrage que je vais publier aux éditions l'Arganier dans la collection Ressacs concocté par Alain Jégou et aussi de l'édition de textes inédits et la réédition de textes introuvables de Claude Pélieu et de ses collages...


30/03/2008

Ombres portées de Kumyia Amashita

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09/03/2008

Réfugiés de la faim

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Photo: Misha Gordin

Organiser la famine et criminaliser ceux qui la fuient

Par Jean Ziegler

Ecrivain, professeur à l’université de Genève.


La nuit était noire, sans lune. Le vent soufflait à plus de 100 kilomètres à l’heure. Il faisait se lever des vagues de plus de 10 mètres qui, avec un fracas effroyable, s’abattaient sur la frêle embarcation de bois. Celle-ci était partie d’une crique de la côte de Mauritanie, dix jours auparavant, avec à son bord 101 réfugiés africains de la faim. Par un miracle inespéré, la tempête jeta la barque sur un récif de la plage d’El Medano, dans une petite île de l’archipel des Canaries. Au fond de la barque, les gardes civils espagnols trouvèrent les cadavres de trois adolescents et d’une femme, morts de faim et de soif.

La même nuit, quelques kilomètres plus loin sur la plage d’El Hierro, un autre rafiot s’échoua : à son bord, 60 hommes, 17 enfants et 7 femmes, spectres titubants à la limite de l’agonie (1).

A la même époque encore, mais en Méditerranée cette fois-ci, un autre drame se joue : à 150 kilomètres au sud de Malte, un avion d’observation
de l’organisation Frontex repère un Zodiac surchargé de 53 passagers qui – probablement par suite d’une panne de moteur – dérive sur les flotsagités. A bord du zodiac, les caméras de l’avion identifient des enfants en bas âge et des femmes. Revenu à sa base, à La Valette, le pilote en informe les autorités maltaises, qui refusent d’agir, prétextant que les naufragés dérivent dans la « zone de recherche et de secours libyenne ». La déléguée du Haut Commissariat des réfugiés des Nations unies Laura Boldini intervient, demandant aux Maltais de dépêcher un bateau de secours. Rien n’y fait. L’Europe ne bouge pas. On perd toute trace des naufragés.

Quelques semaines auparavant, une embarcation où se pressaient une centaine de réfugiés africains de la faim, tentant de gagner les Canaries, avait sombré dans les flots au large du Sénégal. Il y eut deux survivants
(2).

Des milliers d’Africains, y compris des femmes et des enfants, campent devant les clôtures des enclaves espagnoles de Melilla et de Ceuta, dans le Rif aride. Sur injonction des commissaires de Bruxelles, les policiers marocains refoulent les Africains dans le Sahara (3). Sans provisions ni eau. Des centaines, peut-être des milliers d’entre eux périssent dans les rochers et les sables du désert (4).

Combien de jeunes Africains quittent leur pays au péril de leur vie pour tenter de gagner l’Europe ? On estime que, chaque année, quelque 2 millions de personnes essaient d’entrer illégalement sur le territoire de l’Union européenne et que, sur ce nombre, environ 2 000 périssent en Méditerranée, et autant dans les flots de l’Atlantique. Leur objectif est d’atteindre les îles Canaries à partir de la Mauritanie ou du Sénégal, ou de franchir le détroit de Gibraltar au départ du Maroc.

Selon le gouvernement espagnol, 47 685 migrants africains sont arrivés sur les côtes en 2006. Il faut y ajouter les 23 151 migrants qui ont débarqué sur les îles italiennes ou à Malte au départ de la Jamahiriya arabe libyenne ou de la Tunisie. D’autres essaient de gagner la Grèce en passant par la Turquie ou l’Egypte. Secrétaire général de la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, M.
Markku Niskala commente : « Cette crise est complètement passée sous silence. Non seulement personne ne vient en aide à ces gens aux abois,
mais il n’y a pas d’organisation qui établisse ne serait-ce que des statistiques rendant compte de cette tragédie quotidienne (5). »

Pour défendre l’Europe contre ces migrants, l’Union européenne a mis sur pied une organisation militaire semi-clandestine qui porte le nom de Frontex. Cette agence gère les « frontières extérieures de l’Europe ».

Elle dispose de navires rapides (et armés) d’interception en haute mer, d’hélicoptères de combat, d’une flotte d’avions de surveillance munis de caméras ultrasensibles et de vision nocturne, de radars, de satellites et de moyens sophistiqués de surveillance électronique à longue distance.

Frontex maintient aussi sur sol africain des « camps d’accueil » où sont parqués les réfugiés de la faim, qui viennent d’Afrique centrale, orientale ou australe, du Tchad, de la République démocratique du Congo, du Burundi, du Cameroun, de l’Erythrée, du Malawi, du Zimbabwe… Souvent,
ils cheminent à travers le continent durant un ou deux ans, vivant d’expédients, traversant les frontières et tentant de s’approcher progressivement d’une côte. Ils sont alors interceptés par les agents de Frontex ou leurs auxiliaires locaux qui les empêchent d’atteindre les
ports de la Méditerranée ou de l’Atlantique. Vu les versements considérables en espèces opérés par Frontex aux dirigeants africains, peu
d’entre eux refusent l’installation de ces camps. L’Algérie sauve l’honneur. Le président Abdelaziz Bouteflika dit : « Nous refusons ces camps. Nous ne serons pas les geôliers de nos frères. »

Organiser la famine et criminaliser ceux qui la fuient

La fuite des Africains par la mer est favorisée par une circonstance particulière : la destruction rapide des communautés de pêcheurs sur les côtes atlantique et méditerranéenne du continent. Quelques chiffres.

Dans le monde, 35 millions de personnes vivent directement et exclusivement de la pêche, dont 9 millions en Afrique (6). Les poissons comptent pour 23,1 % de l’apport total de protéines animales en Asie, 19 % en Afrique ; 66 % de tous les poissons consommés sont pêchés en haute mer,
77 % en eaux intérieures ; l’élevage en aquaculture de poissons représente 27 % de la production mondiale. La gestion des stocks de poissons dont les déplacements s’effectuent tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des zones économiques nationales revêt donc une importance vitale pour l’emploi et la sécurité alimentaire des populations concernées.

La plupart des Etats de l’Afrique subsaharienne sont surendettés. Ils vendent leurs droits de pêche à des entreprises industrielles du Japon,
d’Europe, du Canada. Les bateaux-usines de ces dernières ravagent la richesse halieutique des communautés de pêcheurs jusque dans les eaux
territoriales. Utilisant des filets à maillage étroit (interdits en principe), elles opèrent fréquemment en dehors des saisons où la pêche est
autorisée. La plupart des gouvernements africains signataires de ces concessions ne possèdent pas de flotte de guerre. Ils n’ont aucun moyen
pour faire respecter l’accord. La piraterie est reine. Les villages côtiers se meurent.

Les bateaux-usines trient les poissons, les transforment en surgelés, en farine ou en conserves, et expédient du bateau aux marchés. Exemple : la Guinée-Bissau, dont la zone économique abrite un formidable patrimoine halieutique. Aujourd’hui, pour survivre, les Bissagos, vieux peuple
pêcheur, sont réduits à acheter sur le marché de Bissau – au prix fort – des conserves de poisson danoises, canadiennes, portugaises.

Plongés dans la misère, le désespoir, désarmés face aux prédateurs, les pêcheurs ruinés vendent à bas prix leurs barques à des passeurs mafieux ou s’improvisent passeurs eux-mêmes. Construites pour la pêche côtière dans les eaux territoriales, ces barques sont généralement inaptes à la navigation en haute mer.

Et encore… Un peu moins d’un milliard d’êtres humains vivent en Afrique.
Entre 1972 et 2002, le nombre d’Africains gravement et en permanence sous-alimentés a augmenté de 81 à 203 millions. Les raisons sont
multiples. La principale est due à la politique agricole commune (PAC) de l’Union européenne.

Les Etats industrialisés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ont payé à leurs agriculteurs et éleveurs, en 2006, plus de 350 milliards de dollars au titre de subventions à la production et à l’exportation. L’Union européenne, en particulier, pratique le dumping agricole avec un cynisme sans faille.
Résultat : la destruction systématique des agricultures vivrières africaines.

Prenons l’exemple de la Sandaga, le plus grand marché de biens de consommation courante de l’Afrique de l’Ouest. La Sandaga est un univers
bruyant, coloré, odorant, merveilleux, situé au cœur de Dakar. On peut y acheter, selon les saisons, des légumes et des fruits portugais, français,
espagnols, italiens, grecs, etc. – au tiers ou à la moitié du prix des produits autochtones équivalents.

Quelques kilomètres plus loin, sous un soleil brûlant, le paysan wolof, avec ses enfants, sa femme, travaille jusqu’à quinze heures par jour… et n’a pas la moindre chance d’acquérir un minimum vital décent.

Sur 52 pays africains, 37 sont des pays presque purement agricoles.

Peu d’êtres humains sur terre travaillent autant et dans des conditions aussi difficiles que les paysans wolof du Sénégal, bambarg du Mali, mossi
du Burkina ou bashi du Kivu. La politique du dumping agricole européen détruit leur vie et celle de leurs enfants.

Revenons à Frontex. L’hypocrisie des commissaires de Bruxelles est détestable : d’une part, ils organisent la famine en Afrique ; de l’autre,
ils criminalisent les réfugiés de la faim.

Aminata Traoré résume la situation : « Les moyens humains, financiers et technologiques que l’Europe des Vingt-Cinq déploie contre les flux
migratoires africains sont, en fait, ceux d’une guerre en bonne et due forme entre cette puissance mondiale et de jeunes Africains ruraux et
urbains sans défense, dont les droits à l’éducation, à l’information économique, au travail et à l’alimentation sont bafoués dans leurs pays
d’origine sous ajustement structurel. Victimes de décisions et de choix macroéconomiques dont ils ne sont nullement responsables, ils sont
chassés, traqués et humiliés lorsqu’ils tentent de chercher une issue dans l’émigration. Les morts, les blessés et les handicapés des événements
sanglants de Ceuta et de Melilla, en 2005, ainsi que les milliers de corps sans vie qui échouent tous les mois sur les plages de Mauritanie, des îles
Canaries, de Lampedusa ou d’ailleurs, sont autant de naufragés de l’émigration forcée et criminalisée (7). »


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(1) Cf. El País, Madrid, 13 mai 2007 ; la nuit est celle du 11 au 12 mai.

(2) Le Courrier, Genève, 10 décembre 2006.

(3) Le 28 septembre 2005, des soldats espagnols ont tué cinq jeunes
Africains qui tentaient d’escalader la clôture électrifiée entourant
l’enclave de Ceuta. Huit jours plus tard, six autres jeunes Noirs étaient
abattus dans des circonstances similaires.

(4) Human Rights Watch, 13 octobre 2005.

(5) La Tribune de Genève, 14 décembre 2006.

(6) Ce chiffre exclut les personnes employées dans l’aquaculture. Cf. Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), La situation
mondiale des pêches et de l’aquaculture, Rome, 2007.

(7) Aminata Traoré, intervention au Forum social mondial, Nairobi, 20
janvier 2007.

source : Le monde diplomatique - Article inédit
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01/03/2008

PEAU DE SATIN

Une nouvelle de Christian Creseveur

Le pêcheur était vissé sur son pliant. Il s'anima à peine lorsque l'inspecteur secoua son épaule. Son regard traversait les rides du courant. Qu'est-ce qu'il pouvait dire de plus que ce qu'il avait déjà répété dix fois: il avait remonté sa truite avec des os dans son épuisette. Il avait tout de suite vu que c'était des os humains. Parce qu'il était équarrisseur. Des os il en avait mis des dizaines de milliers à l'air. Des os de bœuf, de mouton, de cochon. Tout. Et ça, il y avait pas de doute, c'était des os humains. Vingt minutes plus tard tout un lot était passé devant en flottant. Comme des petits bouts de bois emportés par le courant. Voilà!
L'inspecteur croisa ses mains dans le dos. Il fit claquer ses ongles à coup de pichenettes. Antonin n'était toujours pas là, et la substitut du procureur n'allait plus tarder. C'est elle qui déciderait de la suite à donner à l'enquête.

Antonin avait rencontré une passionnée de littérature la veille dans une soirée. En partant, légèrement embrumé par l'alcool, Antonin n'avait pas résisté au plaisir de monter visiter sa bibliothèque.
Collés aux murs, les livres couraient jusqu'au plafond dans toutes les pièces. Chez elle, le papier peint n'était plus qu'un souvenir. Par dessus tout elle avait tenu à lui montrer son "enfer": des mètres de littérature érotique dont elle était particulièrement fière... Elle lui avait lu quelques extraits, puis avait vite exigé qu'il imagine des "situations fortes"...
Maintenant que le matin traversait les rideaux sous les trilles des merles, il avait surtout envie de rentrer dormir, et de profiter paisiblement de son week-end. Mais son portable avait retenti: les messages répétés d'Edouard anéantissaient son programme.

En déboulant sur le chemin de la Gardonne, Antonin aperçu les véhicules de service. La substitut du procureur sortait de sa voiture. Elle défroissa sa jupe à petits coups secs de la main, puis claqua sa portière.
Antonin la rattrapa alors qu'Edouard se présentait devant elle, la main tendue. Elle enjoignit l'inspecteur de lui faire un résumé succinct de la situation, parce que, juste après, elle devait se rendre à 15 km en amont: la gendarmerie venait de coincer un nécrophile.
Edouard sortit fissa un sachet plastique destiné au laboratoire. Il était rempli d'os. L'inspecteur les séparaient à travers le plastique pour montrer combien ils étaient rongés. Comme s'ils étaient passés à travers une broyeuse. La substitut ne fit pas de commentaire. Elle se tourna vers la rive et désigna du menton le type hagard. Edouard confirma que c'était le pêcheur qui avait fait la découverte macabre.
Antonin se massait la nuque pour rester éveillé.
"Bon… Vous allez nous débrouiller ça! Par où est-ce que vous allez commencer?", lança le substitut.
Elle leur donnait l'enquête! Antonin encaissa le coup.
Il bredouilla ses premiers mots, puis débita mécaniquement la procédure d'usage: les sapeurs allaient draguer la rivière, et on ferait une enquête de proximité pour chercher des indices, ou des témoins éventuels…
La substitut le coupa. Il lui suffisait de savoir que le commissaire connaissait son travail et qu'il allait le faire sans délai.

Quelques heures plus tard les plongeurs ramenaient un bout de mâchoire en plus, et les enquêteurs un relevé complet des activités riveraines. Il ne restait plus qu'à examiner tout ça, et à imaginer quelques pistes en attendant les résultats du labo.
En jetant son blouson de cuir élimé sur le dossier de sa chaise, Antonin pesta: le week-end était gâché pour un dossier qu'on classerait sans suite.
Edouard, lui, faisait contre mauvaise fortune bon cœur. Il ramenait le classeur "Disparitions" et deux cafés. Il avait déjà repéré un nom intéressant: Hortense Ygen-Mauduit, écrivain et épouse d'un industriel de la chimie. L'usine Ygen étaient située sur les rives de la Gardonne.
Le téléphone sonna. Antonin finit de touiller son café avant de décrocher. La substitut était à l'autre bout du fil: l'affaire du nécrophile pouvait avoir un lien avec celle des os. Elle la leur confiait aussi. Les gendarmes étaient en route pour lui transférer le "prévenu".
Antonin se frotta les yeux. Il n'avait pas les idées claires. Pourtant il fallait se répartir les tâches! Bon: le sadique avait été pris en flagrant délit. L'obtention de ses aveux ne demanderait pas beaucoup d'énergie. Mais il n'avait pas du tout envie de discuter. Il choisit donc de s'occuper du cas "Mauduit", et de laisser l'interrogatoire à l'inspecteur.

En se garant sur le parking de "YGEN-Chimie" Antonin constata avec satisfaction qu'il n'était pas le seul à travailler le samedi. La standardiste haussa les sourcils devant sa carte de police et appela derechef la direction.
Un costume croisé apparut dans le hall. C'était le directeur adjoint qui ne semblait pas effarouché par la présence du commissaire.
Il présuma qu'on venait pour lui donner des nouvelles précieuses sur l'épouse du patron. L'entreprise en avait besoin. Depuis deux mois que Hortense avait disparu, Mr Ygen avait sombré dans une profonde dépression. Et il était évident que seul le retour de son "écrivain de femme" lui rendrait la santé. Entre eux les choses avaient commencé à se dégrader avec le succès de ses romans un peu… enfin… franchement "olé-olé". Le commissaire en avait peut-être déjà lu? Hortense Mauduit! Jamais lu? Ses fantasmes littéraires lui étaient montés au crâne. Elle était sans doute partie avec quelqu'un d'autre. Un homme. Ou même une femme! Parce que vu ce qu'elle écrivait… on pouvait tout imaginer, n'est-ce pas!
Antonin l'arrêta. Il ne portait pas de nouvelles. C'était plutôt lui qui avait besoin d'informations complémentaires…
Le directeur expliqua que l'usine fabriquait du dessicatif et que Mr Ygen séjournait à la clinique du "Gros Tilleul". Quand le commissaire le remercia pour sa collaboration, il le regarda partir avec une franche déception.

Le Gros Tilleul? Le Gros Tilleul? Arrêté sur le bas-côté de la route Antonin avait déplié sa carte routière. Il l'écarta du pare-brise pour se situer avant de se taper sur le front: il était devant!
Le Gros Tilleul était un établissement cossu mais d'une parfaite discrétion.
Une hôtesse le conduisit à travers les larges couloirs. Ils passèrent devant la porte ouverte d'une chambre. Antonin reconnut une comédienne fameuse. Elle tapait du pied et tirait ses vêtement en réclamant "du beurre! du beurre!". Une seringue à la main, une infirmière attendait qu'elle se calme. Elle croisa le regard d'Antonin et se précipita pour repousser la porte, tandis que l'hôtesse revenait pour l'entraîner par le coude. Elle l'accompagna jusqu'au bureau du psychiatre, qui pris le relais jusqu'à la chambre de Mr Ygen.
Assommé par les tranquillisants, Ygen était dans une confusion extrême. Il demanda si sa femme vivait avec son éditeur? Puis si elle était morte, ou si le gars du moulin de la Gardonne avait cessé de la persécuter…
Le psychiatre s'interposa: son patient avait besoin de tranquillité, et à moins d'une commission rogatoire la visite était terminée.
Les grilles du Gros Tilleul se refermèrent dans le rétroviseur du commissaire. La clinique protégeait aussi jalousement les dérives mentales de ses patients qu'une banque suisse leur argent.

De retour au bureau Antonin jeta son blouson sur le dossier de sa chaise. Il s'avachit dessus, en soufflant. Edouard pouvait parler:
Ce n'était pas la première fois que le nécrophile jetait un corps dans la Gardonne. Il avouait presque fièrement avoir jeté six victimes! Mais entières… Alors le problème de savoir comment les corps avaient pu être réduits et broyés restait intact!
Antonin était épuisé. Il n'écoutait plus. Il sortit la tête de ses mains. Sa paupière gauche restée collée à un doigt lui faisait un gros œil. Ils avaient le meurtrier. Ils avaient ses aveux. Le mystère de la transformation des corps pouvait attendre. Il invita Edouard à rentrer chez lui et à profiter de son dimanche.

Le lundi matin Antonin avait retrouvé son aplomb. Il jeta son blouson sur le dossier de sa chaise et s'assit sur le coin de son bureau pour faire le point avec Edouard: les analyses des os arrivaient dans la journée; le nécrophile était au dépôt; et on avait toujours pas de corps. Il fallait donc recommencer à écluser la Gardonne. Dans l'intervalle ils pouvaient toujours poursuivre la piste de Hortense Ygen en allant voir son éditeur…

Entre ses montures d'écaille et ses sourcils touffus, les yeux perçants de l'éditeur passèrent de l'inspecteur au commissaire. Il s'efforçait de ne pas laisser transpirer son antipathie pour la machine judiciaire. Néanmoins il se prêta aux confidences en leur tendant un exemplaire de "Peau de satin", le dernier livre de Hortense. Avec cet ouvrage elle avait atteint un sommet dans l'art de "toucher" le lecteur… ce papier avait une âme! Il faut dire qu'elle les avaient "tanné" pour ce tirage limité! Au point qu'elle avait renoncé à l'édition tant qu'elle ne disposerait pas d'un papier "digne du grain de la peau"! Elle s'était entêtée jusqu'à investir personnellement dans une fabrique de papier, le Moulin de la Gardonne. Elle avait fait tourner l'artisan en bourrique. Mais il était corvéable à merci. Elle l'avait plus ou moins séduit. Une semaine ou deux après sa disparition, le fabriquant avait produit ce somptueux "grain de satin". L'éditeur avait décidé de ne plus attendre et de se passer de l'accord de l'auteur. Aujourd'hui le livre marchait bien. Il devenait impérieux qu'elle réapparaisse pour la promotion. Mais avec Hortense il n'aurait su dire combien de temps pouvaient durer les caprices!

Le moulin de la Gardonne était de toute beauté. Ce vieux bâtiment en pierre avait gardé tout son cachet malgré les réhabilitations successives. Edouard resta comme un enfant devant la grande roue à aubes.
Dans son atelier l'artisan étalait rapidement de la pâte à papier sur de grands châssis. L'endroit était très humide, mais l'odeur du papier qui séchait était plutôt agréable. Antonin repéra un container de 25l, au sigle de Ygen.
L'artisan ne fut pas bavard. Tout ce qu'il eut à dire de Hortense Mauduit c'est qu'elle avait le sens du commerce. Mais il n'avait pas été naïf. Elle voulait son papier. Pas lui. D'ailleurs depuis qu'il avait sorti son "grain de satin", personne ne l'avait revue. De toute façon elle pouvait bien aller au diable avec ses livres et son argent!
Antonin eut une dernière question: le bidon "Ygen", c'était bien du dessicatif? Et ça servait à quoi? A dessécher! C'était bien ce qu'il pensait!
Il lui fallu faire le tour du moulin pour retrouver Edouard. L'inspecteur contemplait cette fois le canal de dérivation. Le courant de la Gardonne s'engouffrait dans une petite écluse pour entraîner la roue à aubes.
La même question les traversa: les sapeurs avaient-ils cherché ici?
Le commissaire fila au pas de course, et ramena l'artisan pour qu'il vide son écluse.
Tandis que ce dernier actionnait sa manivelle, Antonin et Edouard scrutaient le courant. Le niveau de l'eau descendit lentement. Le lit n'apparaissait toujours pas. Edouard couru d'un bout à l'autre du canal. Il n'y avait rien. Mais la configuration impliquait que si jamais un corps y avait dérivé, il serait resté devant la roue.
La roue s'arrêta. Dessous, il y avait encore 1m50 de fond. De longs filament d'algues pendaient aux aubes, gouttant abondamment. La mousse et la vase rendaient l'eau opaque. Edouard fut gagné par la déception. Mais Antonin ne voulu pas abdiquer. Il ramassa une branche de bois mort. Après avoir ôté son blouson, il escalada la roue. Il se cala entre les aubes et le mur du moulin, et dans un équilibre précaire il sonda le fond du bassin avec son bâton. Mais où qu'il s'enfonça, tout lui semblait mou. La vase qu'il remuait rendait l'eau encore plus trouble. Un nuage vint poser son ombre sur l'eau, puis le soleil réapparu. Dans le jeu de lumière Antonin crut apercevoir quelque chose. Il allongea le bras. Il n'avait pas la distance. Il porta le bâton du bout de ses doigts pour gagner quelques centimètres. Au premier mouvement il le laissa échapper. Il se détendit par réflexe. Mais au lieu de le rattraper il perdit l'équilibre et plongea la tête la première. Il refit aussitôt surface et s'agita en tout sens, poussant des cris. Edouard pensa à l'eau glacée, mais Antonin voulait sortir à toute vitesse… parce qu'il avait touché un bras! Celui de la dernière victime du nécrophile.

Drapé dans une couverture, Antonin posa son blouson sur son dossier. Le labo venait de livrer ses conclusions. Il demanda à Edouard de les regarder tandis qu'il allait se sécher.
Il était en slip, tenant son jean contre le sèche-mains des toilettes quand Edouard surgit: les analyses avaient mis en évidence de minuscules amalgames de cellulose, et la présence résiduelle d'un puissant dessicatif! Enfin, après comparaison avec le dossier de son dentiste, on pouvait affirmer que le bout de mâchoire appartenait bien à Hortense Mauduit…

En voyant revenir les enquêteurs, l'artisan comprit que son sort était scellé. Il se hissa sous la charpente et alla se réfugier sur une solive, à 15m du sol. Antonin le rejoignit. Il obtint sa confession à califourchon:
Hortense l'avait tenu par le bout du nez pour obtenir son papier. Mais il n'arrivait à rien de convaincant. Elle avait claqué la porte. Le seul moyen de la reconquérir était de créer ce fichu papier. Une nuit, la roue du moulin s'était bloquée. En la décoinçant il avait découvert le corps d'une femme, décomposé... Il eut alors l'idée saugrenu de récupérer des lambeaux de peau. Avec le dessicatif, il réduisit le corps d'un côté, la peau de l'autre, et obtint un résultat encourageant. Ensuite, il avait rendu les restes d'os à la rivière. Puis un autre corps avait échoué sous la roue. Et un autre encore. Il n'avait pas eu de scrupules parce qu'après tout il n'avait tué personne. En dissolvant les corps, n'épargnait-il pas aux familles la douleur de retrouver un cadavre? Et puis la qualité du papier était exceptionnelle… sauf pour Hortense! Il fallait qu'il compare le grain de sa poitrine avec celui "minable" du papier qu'il lui proposait. Elle était assise sur le bord de la cuve. Elle avait ouvert son chemisier et s'étalait de la pâte sur le sein. Elle le forçait à toucher la pâte, puis son sein… il ne devait plus y avoir de différence… il devait comprendre ça! Elle l'a rendu fou. Il l'a poussée… Il ne se souvient que du bruit mat de sa tête contre le pressoir, de son corps qui s'enfonçait. Dans sa folie, il l'a couverte de dessicatif, et l'a mixée avec sa pâte…
Après un long silence, Antonin vit l'artisan sortir le livre de sa poche. Il se mit à en caresser les pages et eut un rire étrange: il aurait au moins réussi à la coucher sur le papier!