02/07/2007
Et dire que je voulais devenir écrivain...
Cette photo provient du site du photographe Cara Barer cliquez sur son nom pour voir son travail...
On m’a aussi répondu : « On ne va pas faire d'argent avec la misère du monde. Il faut écrire des choses lisibles par le lecteur lambda. »
Dame, ces gens là ne sont pas là pour rire. Ils ont des coefficients multiplicateurs à la place du cerveau.
— Ce n'est pas un texte de cette mouture là qu'on attend de vous, m’avait habilement glissé à l’oreille un directeur commercial comme une bonne fée.
Alors il ne s’est plus senti si laideron le petit auteur. Le commercial n’avait pas encore crié au génie, que le petit prétentieux que j’étais déjà écoutait.
— Vous savez, mon ami, pour survivre il faut accepter de passer sous les fourches caudines du Marché. Pour que votre littérature se retrouve sur l’étal du supermarché, comme n’importe quel objet. Pour être visible, il faut avoir été vu. Par des gens dont c'est le métier de voir, a-t-il continué. Vous devez comprendre ça, si vous voulez prétendre devenir écrivain. Vous devez plaire aux gens du métier car ce sont eux qui décernent les points. Vous avez un peu de talent, du moins suffisamment pour que je perde mon temps avec vous et que je vous réponde au téléphone mais, de grâce, arrêtez de geindre et de faire pleurer. Dans les chaumières, les gens recherchent de la littérature qui les réconfortera et leur fera oublier le quotidien, mais pas une littérature de gémissements à longueur de pages. Vous savez, les gens qui lisent des manuscrits qu'ils n'ont pas écrits sont persuadés que, s'ils en écrivaient, ils feraient de la bonne littérature. Alors faites leur croire que c’est eux qui l’ont écrit. Utilisez leur langue, leurs références, mais ne leur imposez pas votre vision du monde, aussi talentueuse soit elle. Elle ne se vendra pas. Votre petite histoire sur l’échelle de Richter des catastrophes humaines ne vaut rien. Un immeuble qui s’effondre intéresse bien plus la ménagère.
— Il y a du style dans ces textes, je vous jure, avais-je tenté d’articuler en avocat du diable.
— Y a t il une maladie incurable en jeu? Un marathon de la solidarité qui est prévu? Une perversion sexuelle quelconque? quelque chose qui permettrait à un très large public de s’identifier?
— Non, rien de tout ça !
— Vous voyez bien que ça ne sert à rien le style, si on ne peut pas le vendre. Il faut être sérieux. Le style mon ami c’est un épiphénomène, une demande marginale du marché ! Qui s’intéresse au style à part vous et quelques esthètes ? Personne ! Vous avez du talent, alors ne le gâchez pas avec une histoire qui va rebuter le lecteur moyen. Non, racontez en nous une qui fasse rêver et dans laquelle il y ait une pincée d’aventure, une autre d’érotisme, du suspens, des bons, des méchants. Vous me saupoudrez tout ça avec du soleil, de l’exotisme. Voilà ! Vendez moi ça dans un très bon décor. Mais ne parlez pas de la misère, aussi juste soit votre vision. Les gens veulent qu’on les fasse rêver. Pas qu’on leur mette le nez dans le caca. Nous, on s’efforce de leur faire oublier le quotidien, alors que vous voulez le changer. C’est courageux et totalement inconscient. Vous êtes encore dans le romantisme rimbaldien, c’est beau, c’est noble, c’est généreux mais épuisant. Que voulez vous exactement ? Vivre de votre plume ou écrire pour le plaisir au risque de n’être ni publié, ni lu ? Faites le tri dans vos sentiments et vos désirs. Si vous pensez vouloir gagner votre vie, changez de registre. Sinon personne ne vous suivra sur un coup pareil. Vous croyez encore à l’intelligence du lecteur, au bouche-à-oreille. Mon pauvre, il faut atterrir. Si vous ne passez pas à la télé dans plusieurs émissions en peu de temps et que votre bouquin ne tourne pas dès la première semaine, c’est foutu. Ça, mon ami, c’est la réalité et vous devez composer avec. Je vous dis ça parce que vous m’êtes bien sympathique. Vous me plaisez bien avec votre fougue. Votre histoire est très intéressante en soi. Mais ne la gâchez pas, je vous en prie. Revenez me voir quand vous serez dans ce créneau, je suis sûr qu’on fera de très bonnes affaires ensemble, dans trois, dans cinq, dans dix ans peu importe. J’attends l’auteur que je saurais vendre et on me paye pour ça.
Et le petit auteur que j’étais à l’époque tout penaud comme un jeune chiot qui vient de s’être fait réprimander par son maître parce qu’il s’est laissé aller dans un coin de la pièce marchait le long des quais de la Seine avec une furieuse envie de se foutre à l’eau.
— Non, tout n’est pas perdu. Ce type a sûrement raison. Il faut utiliser ce qu’il m’a dit pour m’adapter au marché. Oui, tout ce qu’il raconte est vrai, mais je ferais mieux encore. Je vais sortir le grand jeu.
Car le petit auteur qui se trouve dans chaque écrivain est prêt à entendre ça. Il en ferait des montagnes pour trouver un éditeur. Il rampe en bon petit gars. Il obéit à l’œil, le doigt sur la couture. Prêt à toutes les bassesses pour admirer son nom imprimé sur la jaquette. Brave bougre. Il ne discute pas les pourcentages, les droits d’adaptation, les éditions étrangères. Il signe tout, sans regarder, sans lire, sans comprendre. Même s’il le lit, il sait qu’il peut toujours essayer de décrypter les termes d’un contrat d’édition. Sans maîtrise de droit, il n’a aucune chance de s’en sortir.
Il en tortille du popotin comme une roulure, le petit auteur. Dans les bassesses les plus minables, il est capable de se fourvoyer le tout à l’égo de l’auteur. Si l’artisan de la phrase lui laisse prendre les commandes il a tort cent fois. Si la bourrique d’auteur tient les rênes, le tailleur de phrase perd tout libre arbitre. Flanqué de l’enflure d’auteur et de son maquignon d’éditeur, il ne peut que s’attendre au pire. Car pour l’éditeur, tout est bon, pour plumer le velléitaire pisse copie. Les corrections, il les refuse en cas de réimpression, à cause de la mise en page, des films et des plaques. Ou alors, il faut les défalquer des droits. C’était écrit dans une ligne d’un paragraphe du contrat qu’il n’avait pas pris le temps de se faire expliquer.
Quant à l’auteur, il va sur les salons avec sa voiture, paie l’essence du déplacement, parfois son repas froid. Et il pousse le vice jusqu’à accepter de loger dans un mi-pucier, mi hôtel, en face de la gare ou en périphérie de la ville, pour ne pas faire trop de frais à l’éditeur. Voire même il partage sa chambre avec un commercial qui ronfle. Il accepte de rester figé à son siège pendant des jours entiers, sous un chapiteau étouffant, un gymnase bruyant, une salle des fêtes frigorifique, ou un hall déserté pour cause de championnat de foot, pour tenter de vendre quelques exemplaires. Si ses livres ne sont pas égarés dans la nature et sont bien arrivés sur le stand en heure et date, il s’estimera miraculé. Pendant tout ce temps, une pythie éructera dans un haut parleur la liste des auteurs présents sur le salon, ainsi que celui du petit Jonathan, qui attend son papa au bar. Là où il était quasi sûr de le retrouver. Ces annonces lui déchireront les tympans. Il se farcira la présence de ses collègues célèbres qui dédicaceront à tour de bras. Il sourira aux inepties d’un critique littéraire stalino dépressif pour faire semblant d’être poli et ne le sera pas de toute façon.
L’auteur est comme les autres humains, un individu avec varices, hémorroïdes, calvitie, embonpoint, arthrose et autres avaries. Mais plus putassier que lui, cela ne doit pas exister. Quand il peut lire son nom sur le programme, il prend une décharge d’adrénaline pure. Cela lui semble tellement incroyable. Enfin la gloire. Qu’importe si l’entrefilet, de deux lignes en corps six qui parlera de lui, aura pompé l’argumentaire fourni par l’attachée de presse, aussi excité qu’un pygmée atteint par la mouche tsé tsé. L’auteur se sent récompensé de tant d’efforts. Soldat de toutes les guerres, sur tous les fronts, il pense que son sort est enviable. Il aurait l’impression d’être mesquin en demandant l’application de la convention de Genève qui sied à son cas. Le droit à un minimum de traitement humain et l’accès aux soins vitaux, au cas où il survivrait à cet abattoir. Car il y a bien peu de chances pour qu’il remonte à l’assaut lors de la prochaine offensive.
Ce n’est pas le tout d’avoir son nom sur la couverture. Il préfère être payé comme nègre et qu’un autre profite d’une gloire si aléatoire. Aux manettes, notre homme se sent pousser des ailes et il soupèse, découpe, taille, tranche, traite et traficote. Le comportement est putassier mais il n’a pas pu s’en empêcher. Il en a fait son affaire du procédé. Il a du métier et il prend la phrase en main. Maintenir l'assistance en haleine en attendant la chute justifie tout ce qu’il peut raconter tout le long de ces pages. Parce que sans elles il n’est plus rien. De l'effet fluet à la répugnance, il importe que le tableau final plaise.
Avec le temps, j’ai fini par me demander si ma femme n’avait pas raison de me quitter à cause de cette manie d’écrire. Cette foutue littérature ne m’a rien rapporté. Je me suis fâché avec beaucoup de gens. Je suis toujours aussi fauché. J’ai brocardé tous les plans sérieux de carrière qui m’ont été proposés pour me consacrer entièrement à ce vice. Les jours de doute, je me ressasse qu’elle avait raison. Les autres, moins nombreux, je pense qu’il vaut mieux crever dans une ultime extase que vivre comme un eunuque passif auprès de sa ménagère de plus de cinquante ans, car le feulement des charentaises est aussi terrible que le bruit des bottes.
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10/02/2007
Lettre à celui qui ne sera jamais un vrai éditeur
Ce billet est la réponse à la lettre de l'éditeur qui venait de racheter la maison qui me publiait et qui m'annonçait sans autre préambule qu'il soldait les exemplaires qui selon lui ne se vendraient guère plus dorénavant. Ainsi en avait-il décidé...
Cher Max,
Oh, que oui du désarroi. Devant mes pages ainsi maltraitées en constatant que seul le chapitre des chiffres de vente vous avez lu, c’est bien tout. Mon bon ami.
Oh, que oui, éditeur vous êtes, ce titre vous sied.
C….., piètre gérant et de défauts couverts, bien souvent bourrique stupide, n’était pas moins un animal d’humanité pétri avec qui engueulades donnaient du bon. Et à qui je reconnaîtrais jusqu’au trépas d’avoir lu et défendu mes prurits… Idem l’abominable K….., homme de tous les défauts, qui de droits d’auteurs n’a jamais vraiment su ce que ce mot veut dire. Pourtant ces deux Thénardiers ne m’ont pas aussi maltraité que vous, mon bon ami, qui pire qu’a un malpropre avant même de se rencontrer et d’échanger quelques animosités sympathiques et bactéries via postillons m’avez envoyé un diagnostic financier. Sachez qu’on ne se connaît ni des lèvres ni des dents et que n’importe qui m’interpellant ainsi finirait avec un manche de pioche en travers des narines accroché à un portemanteau. Soit je deviens civilisé, soit je vieillis.
Voilà en plus que vous me proposez ces d’exemplaires, à un prix quinze fois supérieur à ce qu’il en est réellement. Je vous solde mon brave et à mes conditions, me dites-vous, alors que ce papier noirci vaut à peine 80 euros la tonne.
Ce que les deux pieds nickelés n’ont jamais osé faire par peur de se faire occire, mon CV de tchétchène patenté et de serbo-croate en faisant foi, vous mon ami, inconscient du danger sans hésiter vous l’avez pratiqué. Quittez vos murs si vous sentez une quelconque odeur de gaz et surtout n’allumez pas la lumière. C’est le seul humour qu’il me reste sinon je me permettrais de dire me voici libéré du pire. Certes, si cela était vrai. Car non content d’envoyer à l’équarrisseur deux titres d'un coup vous mettez sous écrou le troisième.
Manquez vous de galanterie à ce point, ou êtes-vous si exsangue que ces 70 exemplaires de La Honte sur nous, défaut vous feront, en rubrique pertes et profits.
Auprès de quel brocanteur escomptez vous tirer quelques rondelles de cuivre. Est-ce là, l’avenir de notre collaboration ? Vous semblez vous en moquer, telle nouvelle génération qui pense qu’avant et qu’après elle rien n’a existé ni n’existera. Ah dame ! les sauterelles qui s’abattent sur nos terres font moins de dégâts au peuple.
Certes l’économie d’échelle vous guide, mais ne sciez pas tous les barreaux qui peuvent vous mener à grand succès. Que votre chemin soit bien éclairé, c’est plus doulce chose vous souhaiter. Et à votre longue aventure dans ce métier je trinque.
Moins romantique:
Bien sûr que je suis homme à charger ma charrette, car comme l’expression le prétend, on n’est jamais mieux servi que par soi-même.
Faites donc l’arrangement qu’il vous ira avec transporteur ou cariste. Il m’en coûtera trente centimes d’euro l’exemplaire. Et ce uniquement après constatation de ceux-ci. Il ne me dérange point de faire le voyage pour valider l’état et la quantité des ouvrages et vous régler en sonnante et trébuchante contre ces exemplaires, ou chèque certifié, car nenni je n’achèterai les yeux fermés. Si quantité et qualité ne sont pas comme prévue, ma prose au pilon, vous mettrez, doutant qu’un soldeur s’intéresse à ces nanars avec coquilles.
Accord convenu de parole, il me souvient. Et de cette parole j’en suis maître tant qu’elle n’est pas donnée, esclave après qu’elle le soit. Je n’ai prétention de donner leçon, mais comme berbère à réputation d’auvergnat, et, comme de la guerre le nerf en est l’écu, au moment d’icelle venue, de bons chevaux en son écurie sont bienvenus.
A bon entendeur, salut Max.
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10/01/2007
Qu'est ce que la littérature
par Joseph Périgot
Je voulais parler de cette soirée (soirée, c'est peu dire, ça a duré jusqu'à 5 heures du mat) avec une éditrice d'une maison jugée importante... Ça me brûle de donner le nom, parce que, au fond, je n'ai pas grand chose à perdre, et un procès pourrait m'amuser à l'âge où j'arrive, mais la personne en question est une pauvre petite folle, dans le genre hystérique, qui n'a jamais maîtrisé sa vie. Appelons-la Françoise. C'est le prénom de tout le monde, et elle n'est rien de rare. Rien de rare, mais agrégée de lettres (il faut quand même travailler dur pendant au moins un an pour y arriver) et éditrice depuis sa prime jeunesse (le professorat, c'était trop dur) dans cette maison d'édition que je ne citerai pas, inutile d'insister !
Je l'aimais bien, Françoise. J'aime bien les chtarbés, les désespérés, je me sens proche d'eux, sans doute parce que je leur ressemble et que la vie est trop mal faite. Mais ce soir-là, Françoise m'a sérieusement gonflé en prétendant que Malcolm Lowry et Albert Cohen n'étaient pas des écrivains. On peut ne pas aimer un écrivain, mais ériger sans précaution ce sentiment personnel en loi universelle frise la connerie, surtout quand on affiche une qualité d'éditeur. Mais justement, on finit par se prendre au jeu du pouvoir. En langue vulgaire (j'allais dire courante), on ne se sent plus pisser.
Non, mais vous voyez un peu le topo : l'éditrice d'une importante maison d'édition française aurait jeté Malcolm Lowry et Albert Cohen ! Je rêve et c'est un cauchemar ! Mais je suis resté très calme. Je lui ai dit : Françoise, ma petite Françoise, explique-moi, c'est quoi, la littérature pour toi? Elle a réfléchi longuement, parce que l'éditrice d'une maison d'édition importante n'a pas le temps de se poser ces questions théoriques, elle croule sous le travail. Elle a fini par lâcher: foi, imagination et liberté. En abrégé : FIL. Elle était presque fière de sa conclusion qui entrait dans une formule : FIL.
L'écrivain serait animé par la foi. C'est vrai qu'il faut y croire, pour se lancer dans un roman. Des centaines d'heures de boulot et tout le monde s'en fout, pour, au bout du compte, livrer le paquet à une Françoise. Mais ce n'était pas ça. Elle veut croire à un principe esthétique supérieur, Françoise, à quelque chose qui plane au-dessus de nos têtes et qui le soir rentre dans sa caverne. Ni Roland Barthes, ni Maurice Blanchot n'étaient à son programme d'agreg.
Pour écrire, il faudrait de l'imagination... Oui, n'est-ce pas, la réalité quotidienne est pâlotte, répétitive, bornée. Heureusement, l'homme a un organe qui secrète ses propres images et hue Cocotte! le voilà emporté au-delà des limites de la réalité. Ce qu'on appelle: se faire du cinéma. La littérature-évasion.
Enfin – et c'est peut-être le plus important –, le vrai écrivain est un être libre. Il échappe aux déterminismes qui étranglent le commun des mortels. Il fait tout exactement ce qu'il veut, ce petit veinard. A une exception près (enfin, c'est un conseil): il ne doit pas dire merde à son éditrice.
Devant une telle semoule intellectuelle, rance, en plus, je me contenterai de citer Blanchot: "La littérature, actuellement du moins encore, constitue non seulement une expérience propre, mais une expérience fondamentale, mettant tout en cause, y compris elle-même, y compris la dialectique (...) l'art est contestation infinie."
Allez je ne résiste pas au plaisir de vous en donner un deuxième en lecture.
Et Merci bien Joseph...
Une amie écrivain m'a dit...
J'habite la même petite ville de province que mon éditrice. Comme Paris reste un point de passage obligé, aussi bien pour un auteur que pour un éditeur, nous nous retrouvons régulièrement sur le quai de la gare, direction Paris, à attendre le TGV. Ah! ma chérie ! dit l'éditrice, avec un sourire épanoui (malgré l'heure matinale et une marque d'oreiller sur la tempe gauche). Ses auteurs sont une grande famille dont elle serait un peu comme la maman. Une jeune maman, qui a aussi bien d'autres choses à faire, mais qui est toujours là pour distribuer une caresse, remettre une mèche de cheveux en place. Tout ça avec le même sourire épanoui qui donne envie de la gifler. Ce serait une violence incomprise, parce que tout le monde le dit : "Elle est charmante, Catherine." Elle est capable de remuer ciel et terre pour venir en aide à un auteur en détresse. Un auteur important, bien entendu. Qui a de la surface. De la visibilité. Ou au moins lourd de promesses. On a bien le droit de choisir ses amis. Bref, cette femme est d'un commerce agréable et c'est toujours un déchirement quand le TGV entre en gare : bien que nous allions dans la même direction, le moment est venu de nous quitter, car nous n'avons pas le même billet. Le sien coûte 50% plus cher. Dieu merci ! le bar central du TGV favorise le rapprochement entre les VIP et la piétaille. Catherine dit d'une voix enjouée : "On se retrouve au bar, d'accord ?" Au bar, elle paiera les deux cafés. Et même mon croissant.
A l'occasion d'une de ces rencontres ferroviaires, je lui demande : "Tu es contente de ton comptable?" "C'est un type formidable, me dit-elle. Très efficace et très dévoué." J'avais détecté dans mon relevé de droits, une erreur de 3000 €. Rien que ça. De quoi vivre pendant deux mois pour un pauvre auteur. Plusieurs lettres au service de comptabilité étaient restées sans réponse et impossible d'avoir le grand responsable au bout du fil. Deux mois plus tard, j'avais trouvé un chèque de 3000 € dans ma boîte à lettres. Sans aucun mot, ni d'explication ni d'excuse. J'ironise auprès de mon éditrice: "Un type formidable, en effet !" Elle me prend par l'épaule et me dit : "Oh! tu sais, ma chérie, qu'est-ce que c'est que 3000 € pour une boîte comme la nôtre !"
Pour compléter le portrait de cette éditrice qui compte dans le "paysage" éditorial français, mon amie rapporte une dernière anecdote. Toujours sur le quai de la gare. Elle était très déçue par les réactions de la presse à la sortie de son dernier livre – ou plutôt par l'absence de réactions: les journalistes "ne sentaient pas" son bouquin, c'est ce que l'attachée de presse s'entendait dire ! Ils lisent à vue de nez, ces crétins ! Elle vitupérait contre eux devant son éditrice, dénonçant leur manque de culture. L'éditrice l'arrêta et lui dit sans plaisanter : "S'il te plaît, ne soit pas si dure avec les gens qui manquent de culture, c'est mon cas." La culture n'est plus comme la confiture, on ne cherche même pas à l'étaler.
Ça me fait penser à cet autre éditeur, directeur d'une boîte d'édition moyenne, à qui je demande poliment des nouvelles de l'accouchement de sa femme. "Le col du fémur a eu du mal à s'ouvrir", me répond-il. "Elle est tombée sur un os", dis-je. Il n'a pas compris ni cherché à comprendre ma réplique. Le même arrive un matin au bureau et dit à ses collègues: "Vous avez vu ? Ils viennent de sortir une novellisation d'Au nom de la rose."
Pour être coiffeur, il faut passer un brevet. Sans brevet, pas le droit d'ouvrir boutique. Et pour être éditeur, il faut quoi?
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C'est Mouloud, vous savez ce drôle de type, petit, frisé, rigolo, sympa, Toulousain de Montreuil, mien ami qui m'a donné le tuyau en me disant d'aller lire sur le blog du monsieur en question: Joseph Périgot . La surprise a été de taille. Tout simplement jubilatoire. J'ai cru y reconnaître, cru seulement, la Françoise en question. C'était pas la Verny non, elle devait avoir plus d'intelligence. Un jour je vous donnerai à lire des lettres de refus de manuscrits. Certaines valent leur prix en cacahuètes. Ces gens là m'ont rendu service. Je le jure, en m'apprenant le détachement. Que Ganesh les prenne en protection.
Aussitôt dit aussitôt fait, je colle un de ses billets sur mon blog et vous invite à aller jeter un oeil sur la plume du Monsieur. Qu'il est agréable de se sentir moins seul...
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Et voici le petit dessin hebdo de Ballouhey qu'on retrouve sur son site. En tapant sur Bacase dans la liste à gauche dans la rubrique dessinateur. Vous voyez. Juste là sur la gauche. Merci
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12/12/2006
du 11 septembre 1973..... à la postérité.....
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27/11/2006
Ironie du sort
Le Ballouhey dit "Bacase" c'est le même sur la photo que dans l'article "Malnuit c'est le contraire de bonjour" mais 4O balais après... Toujours aussi rigolo... Un peu seul quand même sans l'autre zigotto de Michel Malnuit dit "Mazio"... Drôle de zozio aussi...
Malnuit ça l'aurait bien fait rigoler une rue à son nom...
Les drôles ont oublié la date du décés... Vous noterez l'humour local... Peintre local... à balais ou à Ballouhey? aurait ajouté Pierre Dac... De la moelle ils n'en manquent pas ... Faut dire que tomber sur un manche pareil c'est un os....
Justement le grand Pierre ballouhey dit Bacase nous a envoyé son petit crobard de la semaine...
ça vous apprendra a venir sur le blog de ressacs...
Au fait si vous trouvez une définition pour ressacs... Réseau d'Exfiltrés Soviétiques... C'est pas mal comme début mais me manque la suite... Si vous avez des idées...
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24/10/2006
De la prétention littéraire.
Parlons argent puisque ça fâche…
Le livre va mal… Faillite d’un éditeur, départ à la retraite d’un libraire, absorption de marques par des groupes, coups tordus dans la profession, le livre va mal. Le livre va semble-t-il, mal, très mal.
Ce paysage, -bien que mal-en-point- est paradoxalement en bien meilleur état qu’à New York, puisqu’à Paris il reste dix fois plus de librairies… Et tout cela est à mettre au bénéfice de notre éternel jeune ministre, Jack Lang. Je le précise, à effet, pour les moins de vingt cinq ans qui n’étaient pas encore de ce monde en 1981.
Revenant d’une réunion professionnelle, qui si elle avait le mérite d’être publique n’en était pas moins à cercle restreint, semblait avoir des airs de conspiration dans un sous-sol parisien. J’avais, excusez du peu, l’impression de revivre une expérience qui remontait à vingt-cinq ans en arrière, lorsque dans des discussions sans fins, dans un village haut perché des Pyrénées orientales, nous rejouions la résistance et que Marcevol se déclinaient dans des discussions interminables où les joutes oratoires fleuraient bon l’empoignade.
L’idée de l’époque, qui depuis à fait du chemin, c’est que la culture appartient à tous. Qu’il n’en existe pas une seule qui serait dominante que l’on doit se laisser imposer, mais des milliers et que toutes sont aussi respectables. Et qu’il faut désacraliser l’acte de création pour le mettre à la portée de tous. Qu’en aucun cas la culture est une marchandise qui appartient à un groupe économique aussi puissant soit-il, mais le ciment de toutes sociétés humaines. Que l’accès aux cultures et aux savoirs est à la base de l’émancipation qui permet de transgresser le déterminisme social. Que tout le monde peut écrire et publier son livre, car tout le monde à quelque chose à transmettre aux autres. Même si souvent c’est maladroit, mal écrit, même si « la chose finale » est mal fagotée, même si le texte est de guingois, qu’importe ! Que le seul témoignage d’un poilu avait même valeur que tous les ouvrages répertoriés dans le corpus de cette période. Que le récit d’un survivant de la shoah comportait dans le texte toute la douleur du monde depuis sa création. Il nous semblait que la force qui animait la démarche était bien plus intéressante que le résultat de la démarche. Tout un état d’esprit d’une époque… Sympathique au demeurant et qui laisse une nostalgie incroyable, car du haut de nos vingt ans nous pensions que tout était encore possible et nous voulions refaire le monde. Au résultat, c’est plutôt lui qui nous à méchamment refait. Il faut bien perdre ses illusions. Mieux vaut tard, que ne pas en avoir du tout eu .
Les éditeurs de l’époque étaient moins bien armés pour l’activité économique que pour la joute oratoire. Mémorables les prises de bec d’une Martine Delort, les engueulades d’un Xavier D’arthuys, les positions d’un Carité. S’il en est resté certains dont les livres ont depuis marqué le paysage éditorial, Castor astral, Atelier du gué, Brémond, d’aucun comme S’éditions sont restés moribonds ; d’autres sont tout simplement passés aux oubliettes, Chiendent, et Ressacs pour votre serviteur et pour ne citer qu’eux.
Les années avant dix-neuf cent quatre-vingt et un, étaient marquées de cette fin imminente et catastrophique annoncée pour l’édition et le livre en France… Et la loi Lang est arrivée… Vingt-cinq ans de sursis. Des secteurs qui tournent le feu de l’enfer, BD, Jeunesse. La poésie qui était en total collapsus, revigorée. Même si elle n’a pas retrouvée sa vitalité d’antan et ses tirages hugoliens.
Six cent romans à chaque rentrée littéraire. Et il paraît que le livre va mal. Tiens donc ? À moins qu’il aille mal de cette boursouflure. Serait-ce à cause de ce fameux marketing, auquel je comprends toujours couic.
Dans ce sous-sol de l’immeuble parisien étaient-là des éditeurs de la mouvance des litteratures pirates, certains jeunes et d’autres un peu moins, mais tous fauchés et tous atteints de cette fièvre des apôtres du livre que j’ai toujours connu chez tous, comme si la vie dépendait des productions…
La question du jour était : comment trouver une appellation pour ces livres, qui si parfois ils n’en sont guère aux yeux des libraires, en sont encore moins à ceux des diffuseurs, bien que le marché existe auprès d’un public initié. Livres d’art et d’essai ; comme il existe un cinéma de la même appellation.
Il semble que les limites de la loi Lang soient atteintes et qu’à nouveau, le livre soit malmené par le marché parce que les libraires ne peuvent plus faire leur travail convenablement sous ce flot incessant de nouveautés. Parce que ce sont les libraires les seuls garants de la biodiversité culturelle qui sont atteints par un mal qui ronge leurs magasins. Ils s’écroulent littéralement sous les flux des livres. Et ils ont l’impression de servir de trésorerie aux groupes éditoriaux de plus en plus axés sur le marketting et de moins en moins sur la pertinence des contenus, comme l’analyse Dominique Autié.
Si les chiffres de vente s’effondrent, sous l’effet de masse le marché, lui, se maintien en chiffre d’affaires. Mais avec combien de fois plus de titres qu’avant ? Cherchez donc l’erreur. Cela veut dire qu’on vend moins d’exemplaires tout en vendant plus de titres différents… Si vous ne comprenez pas, c’est normal… C’est du marketting.
Le livre est bien le seul produit alimentaire qui n’en soit pas un… Car s’il nourrit l’esprit et c’est à ce titre qu’il bénéficie de la même TVA qu’un kilo de nouille, son commerce, n’en est pas vraiment un.
La ratification du traité sur le commerce des biens culturels l’attestant… La culture est un bien commun à mettre au même rang de progrès social que la déclaration des droits de l’homme. N’en déplaise à nos cousins d’outre océan.
La preuve la plus étonnante de ce non commerce se trouve dans le fait que le livre est le seul produit qui s’il n’est pas vendu est retourné à son producteur. Imaginons un pécheur de limandes : si celui-ci ne trouve pas acquéreur pour sa marchandise, voilà notre brave homme obligé de reprendre ses cageots et de remettre tout ça à l’eau. Hérésie de comparer gens instruits avec le quidam bourru hirsute et iodé. Point tant, il me semble.
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18/10/2006
De la prétention littéraire
Idiot j’étais, je le confesse, -la jeunesse n’étant pas l’apanage de la discrétion ni du discernement- en concourrant à tous les prix de la Navarre persuadé qu’un bedonnant ratiboisé de la touffe reconnaîtrait mon talent, et que le jury unanime me consacrerait par-delà le département… Idiot triple, plus truffé de certitudes qu’un blockhaus de mines. Atteint d’une vision prophétique, j’étais sûr qu’on allait consacrer mon talent, voir mon génie et je m’accrochais à ça comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. Je demande clémence à mes juges pour qu’ils m’accordent les circonstances atténuantes, le quotidien d’ouvrier imprimeur était loin d’être folichon. Ceci expliquant cela.
Á combien de concours ai-je participé ? À tous absolument. J’ai envoyé des manuscrits à Rodez au prix Artaud*, à Lyon au Kowalski, à st Quentin en Yvelines au Snyder*, même à Lourdes au Max Pol Foucher* croyant encore au miracle. Partout il doit encore traîner pour les forcenés de la recherche de mes manuscrits sur des étagères poussiéreuses. De quoi faire une thèse pas moins sur l’obsession d’un auteur ayant été à l’origine de l’assassinat verbal de jurys entiers.
Ce n’est que bien plus tard que je compris après avoir maintes fois pesté contre ces idiots, ces bornés abrutis non éclairés à la science de la ligne mélodique, que pour être élu il fallait produire une écriture consensuelle, non pas un ramassis de vociférations outrancières juste bonnes à effrayer le bourgeois bien pensant. Ce n’étaient point des gens de ma caste qui me jugeaient mais des ennemis. En rentrant dans leur jeu, je me comportais comme un traître désireux de se faire adouber par des vieilles badernes boursouflées de certitudes. Combien de lettres d’insultes ai-je envoyé à ces gens? Je n’ose savoir. J’évite encore de croiser certains membres de jury sur les salons, toujours tellement couvert de honte, je suis aujourd’hui encore. Á l’époque, je m’en foutais de passer pour un voyou. Et je levais ma chope à l’audace de la jeune garde qui allait cul par-dessus tête faire gicler ce ramassis de timorés de bonbonnières. Je n’ai jamais réclamé leur pardon, et préfère encore le romantisme d’une balle en plein front de ma révolte adolescente.
Je n’avais rien à attendre d’eux et pourtant j’attendais. Rageant et pestant tout en ne remettant pas en cause l’utilité de mon geste. M’inventer un prix littéraire à moi, taillé sur mesure, décerné par mon jury fait d’autres plumitifs. Impossible. Tous l’auraient voulu…
Depuis j’ai appris à m’en foutre. Je ne participe plus à rien et j’entasse mes manuscrits de poésie dans mon tiroir. Pour le cas où je devienne à la mode sur mes derniers jours quand je ne pourrais plus voyager, alors que l’argent coulera à flots.
Heureusement qu’il me reste un éditeur pour la prose, qui est ce qu’il est, ni pire, ni meilleur -bourrique à ses heures-, il ne m’en veut pas de ne guère vendre. Tant qu’il rentre dans ses finances, il continue à me publier et je suis bien trop content qu’il me publie. Je ne cherche plus la gloire, et lui ne rechigne pas le bougre, entre ses faillites, à m’accepter encore un texte. Oh, il ne m’en donne pas cher non, mais il l’imprime à mille exemplaires. Et il les vend à sa vitesse, en deux ou trois ans. Que demander de mieux ? Je me contente de ce peu, qui est déjà beaucoup.
Et tout ça, sans même un articulet dans la presse. Pour sa défense, il n’envoie même plus un seul exemplaire à un journaliste en service de presse. Il ne va pas inutilement gâcher des exemplaires. Ça ne sert à rien de contacter des gens qui sont aussi critiques littéraires que danseur étoile à l’opéra de pékin. Pourquoi voulez-vous que ces gens parlent d’un petit éditeur qui ne les as pas publiés, qui ne les fréquente pas, qui n’a pas de pognon à dépenser dans des raouts mondains et qui préfère s’acoquiner avec des grattes papiers inconnus.
Et si par miracle, il m’arrive de rencontrer un lecteur qui me parle avec de la sincérité dans la voix, -tant pis s’il ment- d’un de mes manuscrits, je suis tout prêt à le croire. S’il s’étonne que je ne sois pas publié chez un grand éditeur. Je lui réponds qu’il n’y a pas de risques puisque je ne leur envoie plus rien. Fatigué de ces lettres qui se terminent toujours par une réponse négative.
08:30 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)
10/10/2006
De la prétention littéraire.
Écrire c’est bien, mais qu’est donc l’écriture sans lecteur ?
Un passe-temps sympathique, une thérapie à peine suffisante pour les plus méchamment atteints, une manie comme une autre, pas pire ni mieux que du tricot ou de l’onanisme. Ca tient chaud, c’est agréable et confortable et ça permet de passer le temps. Guère de prétention, pas moins d’exigence. Aucun souci du lecteur, ce voyeur prêt à savourer un épanchement intempestif, une tournure de phrase par trop osée.
C’est bien souvent ce qu’on finit par se dire, à quoi sert tout ce cirque. Noircir son clavier avec ses mains pleines de doigts, puis aller courir les antichambres comme si sa survie en dépendait. Faut être un peu toqué, non ? Alors qu’on peut débloguer en direct, et faire du trapèze sans filet. Enfin un peu de sensationnel pour une infâme carcasse. Allez zou, tout le monde en piste… On va s’amuser.
Le niveau d’exigence de la rédaction du texte augmentant en fonction de sa destination. Et comme la publication relève quasiment de l’œuvre à part entière. On n’imagine pas à quel point le moteur est complexe. La facilité d’accès à la lecture de ses textes est bien le pire danger qui guette l’écrivant. Parce que c’est le lecteur qui fait l’auteur, et l’auteur est le pire ennemi de l’écrivant.
Le parcours du combattant pour publier n’empêche en rien nombre de textes ne méritant point la publication de se retrouver sur l’étalage de nos bonnes vieilles librairies, de plus en plus âgées.
La première question qui vient à l’esprit de tout honnête homme étant celle-ci: la staracadémisation est-elle la cause de la pauvreté de telles publications ?
En d’autres termes : pourrait-on imposer pareilles âneries à un esprit sain ?
Certes il aura au préalable fallu, rendre perméable et malléable le cortex de nos contemporains pour y faire rentrer le contenu des émissions littéraires qui vantent les mérites de pareils brouets.
On pourra d’ailleurs remarquer au passage que le mot émission contient déjà la nocivité du propos. Une émission de gaz, et les sirènes retentissent. Malheureusement il n’existe pas une côte d’alerte pour les émissions cathodiques. Pourtant arriverons-nous un jour à quantifier la somme des dégâts que cela provoque ?
Qui retrouve-t-on lors de ces émissions ? Un bec à foin, un bon gros gigolo de service, un micheton allumé, une génisse extra-conjugale, et vas-y de la tirade à te faire pondre un dindon.
On peut donc observer le phénomène suivant : par un principe de mécanique inverse, plus l’émission cathodique à été forte, plus les dégâts collatéraux sont intenses et plus le niveau d’exigence littéraire des textes qui se retrouvent à l’étal des marchands de papiers noircis voient leur qualité décroître. Tout ça me laisse bien glaçon mon brave monsieur.
Les chiffres de vente annoncés feraient pâlir Beckett, lui qui à ses débuts arrivait péniblement à ses deux cent exemplaires par an de En attendant Godot… Imaginez le topo au jour de notre époque. Il y aurait long feu que le père Lindon et sa pseudo œuvre aurait méchamment été prié de prendre la porte et que feu le sieur Samuel aurait été remercié par les actionnaires pour n’avoir pas atteint le bénéfice à deux chiffres tant escompté par le fond de pension américano marxiste à tendance Groucho
Confondant produit et œuvre pérenne, chiffre de vente et qualité. Confusions largement entretenues par les sirènes du système pour que perdure l’illusion. Car il faut que la mécanique continue à cracher du profit.
Quant au lecteur, il guette l’animal le nouveau cru comme un pinardier la fermentation de son jus. Il en veut pour son pognon si durement gagné. Qu’il se rassure… L’éditeur est là pour lui donner la belle illusion qu’il est capable de lire un titre sérieux en lui dopant le volume rien qu’en lui gonflant la tranche. Le bouffant, comme son nom l’indique, ça vous donne tout de suite de l’épaisseur à un méchant cahier. Le même ouvrage sur bible, aucun quidam ne voudrait le payer le dixième du prix annoncé, pourtant, foutre dieu, c’est bien la même quantité de signes qui se trouve à l’intérieur. Un Harry Potter corps douze interligné treize sur un quatre-vingt-dix grammes en bouffant avec une main de deux, ça vous donne l’équivalent d’un papier en cent vingt grammes. Notez que le bible est en vingt huit gramme avec une main en dessous de l’unité, vous commencez à comprendre la supercherie… C’est trois quarts du vent dans la cellulose noircie que s’achète au prix fort notre benêt. Alors qu’un titre Pléiades des siècles ça vous dur et ça en contient du texte, bien plus que toutes ces foutaises.
Quid alors de la culture dans ces conditions ? On peut l’espérer longtemps le prochain Beckett… En attendant faudra se farcir du Cohelo, se rincer au Lévy, se dilater au Harry, se péter la fantaisie avec Amélie, se frotter d’aise au Angot, se soulager au Houellebecq. Foutre dieu, quelle belle perspective. Rien que du pur jus de littérature de premier choix. Pas étonnant qu’après ça, en banlieue, on ait envie de mordre… Si c’est là tout l’avenir intellectuel qui les attend, ils font bien de foutre le feu aux facultés qu’ils n’ont plus… Ils ne perdent pas grand-chose et s’amusent pendant ce temps-là.
Le chiffre d’affaires ne doit pas choir, aussi le maintient-on artificiellement par une pléthore de titres nouveaux. Qu’importe alors si les trois quarts du stock repartent dans la chaîne sous forme de cellulose recyclée. Tant que les machines ne s’arrêtent pas…
A un moment donné il faut bien que quelqu’un trinque… Mais qui pressurer dans ce foutoir ?
Il y a un gugusse qui encaisse pas mal dans cette affaire, et c’est sur lui que devra s’abattre la compression pour maintenir les centres de profit avec le même ratio.
Ce n’est pas l’imprimeur : les coûts d’impression sont maintenus en déflation depuis plusieurs années. Chez l’éditeur : baisse de l’exigence de la qualité des images, de la relecture, compression de personnel, ambiance de négrier et salaires au ras des pâquerettes avec dépression nerveuses à tire-larigot, suicides, tabagisme, cancers et sièges éjectables à tous les coins de rue.
Continuons à chercher l’erreur. L’auteur, bon sang mais c’est bien sûr, c’est lui le bougre qui coûte cher. Bien sûr, de bien sûr. Il n’a pas besoin d’argent pour vivre puisqu’il produit en dehors de ses heures par hobby ou par prétention. Ratiboisées à sa part congrue l’avance sur recette. Quand un écrivain encaisse en tout et pour tout un chèque de mille euros à la signature du contrat il faut savoir raison garder, et pas tout dépenser en une soirée au lupanar du coin. Remplir le bas de laine pour se payer du toner et des ramettes de papier. Parce que ça finit par coûter cher un tel vice. Et les envois postaux malheureux y avez-vous pensé ?
Bien sûr il ne faut pas envisager renouveler son traitement de texte avec pareils émoluments. L’abbé Pierre vous aidera bien avec du matériel déclassé. Certains de ses compagnons sont doués en réparation. Anciens informaticiens qui ont failli sur leur parcours, pour cause d’out sourcing, comme disent les actionnaires aux ratios belliqueux.
Le libraire aussi, le petit malin, il file profile bas et il collabore de mieux en mieux ne devenant plus qu’une grosse caisse de résonance du prêt à mâcher. Les résistants sont rares, timides et n’usent pas du fiel qui leur serait salutaire. le diffuseur
Mais l’auteur, c’est la fiente, la pire des chienlits, le mac à sa poulette. Le lichou à mémère… Charly la fiotte. L’enclume. La bourrique qui s’entête ni queue a l’ego boursouflé. La belle chose que voilà, l’ego. Vite sortir la brosse à reluire pour le haut du crâne. Comme c’est beau l’ego. Comme ça brille.
Celui qui dix ans auparavant, avec vous partageait, café noir et passes d’armes langagières à fines lames grivoises, hé bien l’ami c’est fini, tout ça. Le ministre lui a remis son hochet au garçon. Le voilà avec sa quincaillerie, son prix sous le bras, ses entrées au palais rue de Valois. Un sourire à peine esquissé, alors qu’avant c’était la virée assurée chez madame Andrée, pour tâter les nouvelles. Il a resserré son jabot. L’engeance. Jamais homme de cette qualité n’a fricoté en bistroquet enfumé, avec barbot de basse caste. L’enflure, le minet, le bon compagnon plumitif qui en a laissé son duvet sous la couette. Le voilà emplumé, tout poudré, roulant en carrosse. Qu’elle est loin la saucisse frite de la fête de l’huma dans son estomac. A le voir dans son costume tout noir, chemise de même couleur largement ouverte, portant chaussures vernies, jamais l’homme par le passé n’a fréquenté la piétaille. Il fricote maintenant en haut lieu. L’auteur, bientôt ministre à ce régime traîne déjà sur les plateaux du fumigène cathodique.
Pas l’humble écrivain qui doute de son travail, mais l’auteur, la petite fumure qui rampe au fond de chaque plumitif. L’auteur au fion boursouflé par son tout à l’ego. La crapule à chaque instant prête au coup d’état à museler le bec à l’artisan qui baratte sa moisson de mots jusqu’à ce qu’il en sorte un clairet buvable. Ce n’est pas simple de dire ce qui n’est pas encore perçu. Ce qui n’est qu’ébauche du monde, petite voix fluette dans tout ce foutoir. Alors quand on tend le micro à l’auteur croyez-moi il le prend et il y va de sa fiente de neurones… Et vas-y du réchauffement de la banquise, du match de foot, de la politique des banlieues. Il finit même ministre l’auteur quand il marche dans la combine. Il n’a qu’à dire Amen. On a besoin de ses lumières en haut lieu. Il accourt l’homme. Il est pas regardant du tout. Oh non, la soupe est bonne alors pourquoi s’en priver.
ET UN PETIT DESSIN DE L'AMI GABS, UN!!!!!
07:25 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)