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24/10/2006

De la prétention littéraire.

Parlons argent puisque ça fâche…

Le livre va mal… Faillite d’un éditeur, départ à la retraite d’un libraire, absorption de marques par des groupes, coups tordus dans la profession, le livre va mal. Le livre va semble-t-il, mal, très mal.
Ce paysage, -bien que mal-en-point- est paradoxalement en bien meilleur état qu’à New York, puisqu’à Paris il reste dix fois plus de librairies… Et tout cela est à mettre au bénéfice de notre éternel jeune ministre, Jack Lang. Je le précise, à effet, pour les moins de vingt cinq ans qui n’étaient pas encore de ce monde en 1981.
Revenant d’une réunion professionnelle, qui si elle avait le mérite d’être publique n’en était pas moins à cercle restreint, semblait avoir des airs de conspiration dans un sous-sol parisien. J’avais, excusez du peu, l’impression de revivre une expérience qui remontait à vingt-cinq ans en arrière, lorsque dans des discussions sans fins, dans un village haut perché des Pyrénées orientales, nous rejouions la résistance et que Marcevol se déclinaient dans des discussions interminables où les joutes oratoires fleuraient bon l’empoignade.
L’idée de l’époque, qui depuis à fait du chemin, c’est que la culture appartient à tous. Qu’il n’en existe pas une seule qui serait dominante que l’on doit se laisser imposer, mais des milliers et que toutes sont aussi respectables. Et qu’il faut désacraliser l’acte de création pour le mettre à la portée de tous. Qu’en aucun cas la culture est une marchandise qui appartient à un groupe économique aussi puissant soit-il, mais le ciment de toutes sociétés humaines. Que l’accès aux cultures et aux savoirs est à la base de l’émancipation qui permet de transgresser le déterminisme social. Que tout le monde peut écrire et publier son livre, car tout le monde à quelque chose à transmettre aux autres. Même si souvent c’est maladroit, mal écrit, même si « la chose finale » est mal fagotée, même si le texte est de guingois, qu’importe ! Que le seul témoignage d’un poilu avait même valeur que tous les ouvrages répertoriés dans le corpus de cette période. Que le récit d’un survivant de la shoah comportait dans le texte toute la douleur du monde depuis sa création. Il nous semblait que la force qui animait la démarche était bien plus intéressante que le résultat de la démarche. Tout un état d’esprit d’une époque… Sympathique au demeurant et qui laisse une nostalgie incroyable, car du haut de nos vingt ans nous pensions que tout était encore possible et nous voulions refaire le monde. Au résultat, c’est plutôt lui qui nous à méchamment refait. Il faut bien perdre ses illusions. Mieux vaut tard, que ne pas en avoir du tout eu .
Les éditeurs de l’époque étaient moins bien armés pour l’activité économique que pour la joute oratoire. Mémorables les prises de bec d’une Martine Delort, les engueulades d’un Xavier D’arthuys, les positions d’un Carité. S’il en est resté certains dont les livres ont depuis marqué le paysage éditorial, Castor astral, Atelier du gué, Brémond, d’aucun comme S’éditions sont restés moribonds ; d’autres sont tout simplement passés aux oubliettes, Chiendent, et Ressacs pour votre serviteur et pour ne citer qu’eux.
Les années avant dix-neuf cent quatre-vingt et un, étaient marquées de cette fin imminente et catastrophique annoncée pour l’édition et le livre en France… Et la loi Lang est arrivée… Vingt-cinq ans de sursis. Des secteurs qui tournent le feu de l’enfer, BD, Jeunesse. La poésie qui était en total collapsus, revigorée. Même si elle n’a pas retrouvée sa vitalité d’antan et ses tirages hugoliens.
Six cent romans à chaque rentrée littéraire. Et il paraît que le livre va mal. Tiens donc ? À moins qu’il aille mal de cette boursouflure. Serait-ce à cause de ce fameux marketing, auquel je comprends toujours couic.

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Dans ce sous-sol de l’immeuble parisien étaient-là des éditeurs de la mouvance des litteratures pirates, certains jeunes et d’autres un peu moins, mais tous fauchés et tous atteints de cette fièvre des apôtres du livre que j’ai toujours connu chez tous, comme si la vie dépendait des productions…
La question du jour était : comment trouver une appellation pour ces livres, qui si parfois ils n’en sont guère aux yeux des libraires, en sont encore moins à ceux des diffuseurs, bien que le marché existe auprès d’un public initié. Livres d’art et d’essai ; comme il existe un cinéma de la même appellation.
Il semble que les limites de la loi Lang soient atteintes et qu’à nouveau, le livre soit malmené par le marché parce que les libraires ne peuvent plus faire leur travail convenablement sous ce flot incessant de nouveautés. Parce que ce sont les libraires les seuls garants de la biodiversité culturelle qui sont atteints par un mal qui ronge leurs magasins. Ils s’écroulent littéralement sous les flux des livres. Et ils ont l’impression de servir de trésorerie aux groupes éditoriaux de plus en plus axés sur le marketting et de moins en moins sur la pertinence des contenus, comme l’analyse Dominique Autié.
Si les chiffres de vente s’effondrent, sous l’effet de masse le marché, lui, se maintien en chiffre d’affaires. Mais avec combien de fois plus de titres qu’avant ? Cherchez donc l’erreur. Cela veut dire qu’on vend moins d’exemplaires tout en vendant plus de titres différents… Si vous ne comprenez pas, c’est normal… C’est du marketting.
Le livre est bien le seul produit alimentaire qui n’en soit pas un… Car s’il nourrit l’esprit et c’est à ce titre qu’il bénéficie de la même TVA qu’un kilo de nouille, son commerce, n’en est pas vraiment un.
La ratification du traité sur le commerce des biens culturels l’attestant… La culture est un bien commun à mettre au même rang de progrès social que la déclaration des droits de l’homme. N’en déplaise à nos cousins d’outre océan.
La preuve la plus étonnante de ce non commerce se trouve dans le fait que le livre est le seul produit qui s’il n’est pas vendu est retourné à son producteur. Imaginons un pécheur de limandes : si celui-ci ne trouve pas acquéreur pour sa marchandise, voilà notre brave homme obligé de reprendre ses cageots et de remettre tout ça à l’eau. Hérésie de comparer gens instruits avec le quidam bourru hirsute et iodé. Point tant, il me semble.

18:05 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (0)

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