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18/10/2006

De la prétention littéraire

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Idiot j’étais, je le confesse, -la jeunesse n’étant pas l’apanage de la discrétion ni du discernement- en concourrant à tous les prix de la Navarre persuadé qu’un bedonnant ratiboisé de la touffe reconnaîtrait mon talent, et que le jury unanime me consacrerait par-delà le département… Idiot triple, plus truffé de certitudes qu’un blockhaus de mines. Atteint d’une vision prophétique, j’étais sûr qu’on allait consacrer mon talent, voir mon génie et je m’accrochais à ça comme un naufragé à sa bouée de sauvetage. Je demande clémence à mes juges pour qu’ils m’accordent les circonstances atténuantes, le quotidien d’ouvrier imprimeur était loin d’être folichon. Ceci expliquant cela.
Á combien de concours ai-je participé ? À tous absolument. J’ai envoyé des manuscrits à Rodez au prix Artaud*, à Lyon au Kowalski, à st Quentin en Yvelines au Snyder*, même à Lourdes au Max Pol Foucher* croyant encore au miracle. Partout il doit encore traîner pour les forcenés de la recherche de mes manuscrits sur des étagères poussiéreuses. De quoi faire une thèse pas moins sur l’obsession d’un auteur ayant été à l’origine de l’assassinat verbal de jurys entiers.
Ce n’est que bien plus tard que je compris après avoir maintes fois pesté contre ces idiots, ces bornés abrutis non éclairés à la science de la ligne mélodique, que pour être élu il fallait produire une écriture consensuelle, non pas un ramassis de vociférations outrancières juste bonnes à effrayer le bourgeois bien pensant. Ce n’étaient point des gens de ma caste qui me jugeaient mais des ennemis. En rentrant dans leur jeu, je me comportais comme un traître désireux de se faire adouber par des vieilles badernes boursouflées de certitudes. Combien de lettres d’insultes ai-je envoyé à ces gens? Je n’ose savoir. J’évite encore de croiser certains membres de jury sur les salons, toujours tellement couvert de honte, je suis aujourd’hui encore. Á l’époque, je m’en foutais de passer pour un voyou. Et je levais ma chope à l’audace de la jeune garde qui allait cul par-dessus tête faire gicler ce ramassis de timorés de bonbonnières. Je n’ai jamais réclamé leur pardon, et préfère encore le romantisme d’une balle en plein front de ma révolte adolescente.
Je n’avais rien à attendre d’eux et pourtant j’attendais. Rageant et pestant tout en ne remettant pas en cause l’utilité de mon geste. M’inventer un prix littéraire à moi, taillé sur mesure, décerné par mon jury fait d’autres plumitifs. Impossible. Tous l’auraient voulu…
Depuis j’ai appris à m’en foutre. Je ne participe plus à rien et j’entasse mes manuscrits de poésie dans mon tiroir. Pour le cas où je devienne à la mode sur mes derniers jours quand je ne pourrais plus voyager, alors que l’argent coulera à flots.
Heureusement qu’il me reste un éditeur pour la prose, qui est ce qu’il est, ni pire, ni meilleur -bourrique à ses heures-, il ne m’en veut pas de ne guère vendre. Tant qu’il rentre dans ses finances, il continue à me publier et je suis bien trop content qu’il me publie. Je ne cherche plus la gloire, et lui ne rechigne pas le bougre, entre ses faillites, à m’accepter encore un texte. Oh, il ne m’en donne pas cher non, mais il l’imprime à mille exemplaires. Et il les vend à sa vitesse, en deux ou trois ans. Que demander de mieux ? Je me contente de ce peu, qui est déjà beaucoup.
Et tout ça, sans même un articulet dans la presse. Pour sa défense, il n’envoie même plus un seul exemplaire à un journaliste en service de presse. Il ne va pas inutilement gâcher des exemplaires. Ça ne sert à rien de contacter des gens qui sont aussi critiques littéraires que danseur étoile à l’opéra de pékin. Pourquoi voulez-vous que ces gens parlent d’un petit éditeur qui ne les as pas publiés, qui ne les fréquente pas, qui n’a pas de pognon à dépenser dans des raouts mondains et qui préfère s’acoquiner avec des grattes papiers inconnus.
Et si par miracle, il m’arrive de rencontrer un lecteur qui me parle avec de la sincérité dans la voix, -tant pis s’il ment- d’un de mes manuscrits, je suis tout prêt à le croire. S’il s’étonne que je ne sois pas publié chez un grand éditeur. Je lui réponds qu’il n’y a pas de risques puisque je ne leur envoie plus rien. Fatigué de ces lettres qui se terminent toujours par une réponse négative.

08:30 Publié dans Humeur | Lien permanent | Commentaires (2)

Commentaires

"Monsieur,

Votre manuscrit a retenu toute notre attention et c'est avec plaisir que nous vous convions à un entretien afin de déterminer les axes de distribution....."

Voilà une petite phrase qui j'espère en amenera d'autres, de vraies cette fois-ci.

Courage....

Écrit par : Human | 18/10/2006

Paris-Méditerranée ? Muni, en bandoulière, d'un humour extrêmement sombre, on dirait même que c'est par condescendance et racisme que celui-ci publie tes textes ? A moins que tu ne parles de JLM ?

Écrit par : piotrevski | 27/11/2006

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