06/02/2009
Pélieu de profondis
article paru dans le numéro de février du Mensuel Littéraire et poétique (Bruxelles).
À la veille de Noël 2002, Claude Pélieu a fait sa dernière pirouette, lui qui ne croyait plus au Père Noël depuis longtemps. Il laissait de part et d’autre de l’Atlantique, des amis fidèles consternés par sa disparition. Parmi eux, Alain Jégou a eu à cœur de projeter un ouvrage collectif consacré à Pélieu. L’entreprise nécessita une pleine année occupée à rassembler textes et témoignages des derniers témoins de la « constellation Pélieu ». Il fallut aussi trouver suffisamment de souscripteurs pour financer l’impression de ce volume redevable d’aucune aide publique dans une indépendance que n’eût pas désavouée Pélieu. Le résultat est à la hauteur de l’attente. Je suis un cut-up vivant constitue sans doute le plus bel hommage à ce poète extravagant qui n’obtint en France qu’une reconnaissance timide malgré le soutien de quelques éditeurs et de poètes conquis. Fort de 282 pages l’ouvrage réunit plus de 40 participants, auteurs, artistes, musiciens aux nationalités multiples. Témoignages, lettres, collages, textes de Pélieu composent ce sommaire alléchant qu’il serait trop long de détailler ici. Je suis un cut-up vivant, un titre qui reflète parfaitement l’œuvre éclatée de Pélieu. Il s’explique d’ailleurs, dans des notes préparatoires à un entretien avec Bruno Sourdin, sur sa conception du « collage » : si la peinture est une plaie ouverte le collage est un pansement sur le film de notre culture et de l’histoire. Le collagiste est un moine, un sage, c’est l’infirmier du vide, du tout, du rien. Un moine lumineux et déviant voyageant, immobile, entre nulle part et ailleurs. La coupure est là pour marquer sans doute un réel insaisissable dans es émiettements, tel un puzzle jamais rassemblé. Claude Pélieu a mené jusqu’au bout une révolte dénuée de toute complaisance. Il a rendu à la poésie toute sa liberté, vomissant au besoin ses lettres de noblesse. Son dernier texte, la Crevaille, est offert à tout souscripteur du présent volume. Alors, même si, de sa tombe, vous entendez Pélieu ricaner : n’achetez pas ça, c’est que des conneries, n’en croyez pas un mot.
Alain Helissen
23:59 Publié dans Des écrivains qui vous bousculent | Lien permanent | Commentaires (0)
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