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31/08/2007

Ciel de lune

PREFACE de l'éditeur



Avec plus d’une dizaine de recueils de poésie et quatre romans publiés, Saïd Mohamed participe de ce profond mouvement de la littérature française qui renouvelle les thèmes et élargie l’horizon du roman national. Il appartient à cette génération d’écrivains née au mitan des années quatre-vingt. Auteurs inclassables, casse-tête des libraires en quête du bon rayonnage et des critiques, perplexes face à cette nouvelle littérature, classée parfois en littérature étrangère ou cataloguée « beur ». Faute de mieux ; sans doute.

Ciel de lune clos le récit autobiographique d’un gosse placé à l’intersection du quart-monde, par la branche maternelle et normande, et de l’immigration, par le père, Berbère marocain. Ce gosse pour parvenir à son émancipation a dû se coltiner le lourd et paradoxal héritage familial pour trouver « une » issue à défaut de trouver « l’issue ». Devenu poète et écrivain, rebelle pour toujours, écorché vif à jamais, Saïd Mohamed, animé par un instinct de survie à l’énergie bouillonnante, porte, sans concession, un double regard : sur lui-même et sur une société qui se révèle: une « grande mécanique qui broie les hommes et les rend si misérables ». C’est bien alors « en connaissance de cause » pour reprendre Camus, cité dans le dernier livre de Jean Daniel, que Saïd Mohamed parle de « la misère ».

Exit ici l’humanisme de bénitier qui voudrait faire l’économie du social et du politique. Chez lui pas de revendication. Le réalisme suffit, ni psychologie, ni pleurnicherie. Les choses sont ce qu’elles sont et il faut faire avec. Pour autant, l’âme du poète n’est ni sèche ni résignée. Elle sait toujours fuir avant le « moment où l’on crève de réprimer son rêve ».

C’est d’ailleurs la rencontre de deux rêves qui se joue sous ce Ciel de lune. Quête de liberté et de réussite pour Dalila, la fougueuse et séduisante marocaine. Quête de soi, d’illusion identitaire teintée d’un brin d’exotisme pour le « sang mêlé ». Le poète désargenté ne sera pas la Madame de Rénal de ce Julien Sorel en caftan.

Mais n’en déplaisent à la police des frontières et à l’administration suspicieuse : le couple n’est pas une fiction. Le mariage ne sera certes pas une sinécure. « La seule excuse que l’on ait, c’est que le ministre de l’Intérieur ne nous a pas laissé le choix. C’est déjà plus drôle non ? » dit le narrateur pas certain que l’administration sache « ce qui est bon pour le citoyen ». « Les lois, qui venaient d’être votées, ne libéralisaient pas la libre alliance des ressortissants de nationalités différentes. Si elle voulait rester, il fallait se marier, et il n’y avait pas à discuter. »
Le plus grave n’est sans doute pas que ces tripatouillages de la loi ne servent en rien les intérêts qu’ils prétendent défendre - comme le démontrent les sociologues -, non, le plus grave est qu’ils instaurent un droit d’immixtion sur les corps et les désirs. Certes Dalila veut à tout prix quitter le Maroc. Que cette femme au caractère indomptable décide de fuir les mœurs machistes de ses concitoyens, on la comprend. Assistante sociale, elle est bien placée pour dire l’injustice et la misère, l’hypocrisie ou l’exploitation des enfants…
Comme les précédents romans de Saïd Mohamed, Ciel de Lune est aussi un roman qui prend sa source au Maroc et où seul, « Beau Papa », le père de Dalila, le « saint homme », vieil humaniste musulman, anticonformiste au grand cœur, réchauffe l’âme des humbles, des siens… et du lecteur.
Pourtant jusqu’à la dernière page l’indécision reste entière, sur cette relation: alchimie complexe de la rencontre, malentendu, mystère de l’amour, tout y est. Ciel de lune est un roman d’amour et d’illusion transfrontière. Roman de l’exil et de l’amputation de soi-même, quête toujours inachevée d’un soi fragmenté par l’Histoire et les migrations. Roman enfin où la parole étouffée de Dalila, cet Autre sur lequel pèse le soupçon, clôt un récit narré à la première personne. Et clôt le bec des marchands de certitudes et autres discours aux relents d’inquisition.

MUSTAPHA HARZOUNE


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