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16/11/2006

En vallée de Soulor

La journée n'était pas au beau fixe, quelques nuages de-ci de-là passaient, mais rien n'interdisait une sortie en montagne. Un pull et un K-way pour tout équipement. On savait que la course ne serait pas longue et on ne s'était pas chargé. Pour une randonnée, une bonne paire de chaussures suffit. Quand on a enfilé les vêtements de promenade il a trépigné d'impatience, sauté en tous sens et s'est mis à aboyer. Heureux à l'idée de courir sur les prairies de ses ancêtres.

Flanqué du chien, un énorme patou, on s'était attaqué à la ballade en pensant ramasser quelques myrtilles. Il en restait encore après le passage des touristes, dans des coins reculés. On a mis le peigne à baies dans le sac à dos. La chaleur est descendue dès que les nuages ont caché le soleil. Au loin résonnaient les clochettes des vaches, des moutons. Des chevaux aussi paissaient en liberté dans cette estive totalement déserte et mystérieuse. Au milieu de l'immense prairie, quelques cahutes servaient à traire les animaux sur place avant la tombée de la nuit. Les bergers redescendaient au village distant d'une dizaine de kilomètres, les coffres de leurs deux chevaux chargés de bidons de lait. On a continué à grimper. On n'aurait aucun mal à revenir, même si le brouillard s'épaississait encore. Il nous suffisait pour cela de suivre la pente naturelle et l’on retournerait à notre point de départ. Une silhouette furtive de renard est passée non loin. Le chien s'est élancé à sa poursuite. On l'a entendu gueuler après le goupil qui l'a distancé. Il a couru comme un dératé croyant qu'il pourrait le rattraper. Ce chien m'apparaissait chaque jour plus idiot. On ne s'est pas inquiété de lui, sachant bien que cet imbécile retrouverait son chemin. Continuant le nôtre, on est arrivé sur le plateau couvert de myrtilles protégé du pillage des touristes. Le gisement était quasiment intact. À chaque coup de peigne, on en ramenait une poignée. En moins d'une heure, on en a récolté plusieurs kilos.
-Le chien n'est pas de retour!
-Il nous attendra près de la route, s'il s'est perdu, ai-je dit à Lola.
Le brouillard était devenu trop dense pour qu'on envisage sérieusement de s'aventurer plus dans cette Balade. On a continué à cueillir profitant de l'aubaine. Quand on s'est décidé à partir, glacé par le brouillard, le chien n'avait toujours pas donné signe de vie. On l'a sifflé en vain. Puis on a décidé de le laisser tomber et de retourner à la voiture. La température descendait rapidement. Le brouillard emmaillotait tout d'une humeur blanchâtre. Des gouttes d'eau se formaient sur les toiles d'araignées. On ne reconnaissait plus aucun des points de repère.
-Par quel chemin, on est venu, j'ai demandé à Lola?
-Par là!
-Tu es sûr?
-Je pense!
-Où est le pierrier?
-Je ne le vois plus!
La vision s'était réduite à quelques mètres. On s'était laissé prendre de vitesse et piéger en néophyte. Je jetais un oeil à ma montre. Il nous restait une bonne paire d'heure avant la nuit. Je ne me suis pas inquiété outre mesure. On a avancé précautionneusement pour ne pas dévaler en contrebas. S'engager dans le bois nous donnait l'assurance de se perdre.
-Nous, ne sommes pas passé dans les arbres, lui ai-je fait remarquer!
J'ai enfilé mon pull de réserve, et j'ai tendu le sien à Lola. Des touffes de fougères, des myrtilles, mais pas le moindre son de clochettes.
-Je ne sais plus comment sortir de ce foutoir!
-Si au moins on entendait les vaches!
-Ouais on pourrait passer la nuit prés d'elle, on aurait du lait et de la chaleur, ai-je dit pour détendre l'atmosphère.
Un épais silence répondait à l'angoisse de plus en plus palpable.
-Mais où est parti ce connard de clebs?
On s'époumonait à hurler son nom. Face à ce mur blanc compact un écho atténué nous renvoyait désespérément au vide. Il ne fallait pas s'aventurer mais rester sur place. Risquer de se perdre était stupide. Je posais mon sac et j'ai tenté de réfléchir
-Ce n'est pas la période des grands froids, on ne risque rien!
-Si on passe la nuit sous la pluie, ça ne sera pas la première fois a répliqué Lola!
-En plus on ne peut pas faire du feu, je n'ai pas d'allumettes!
Me revenait en mémoire la technique apprise chez les scouts pour démarrer un feu avec des brindilles mortes. Mais pas la peine d'y penser un instant de plus.
-D'abord garder son calme...
Il nous a semblé apercevoir un point plus blanc que le brouillard, puis une tache noire et des oreilles marron. Ce crétin battait de la queue. Nul doute, il était revenu nous chercher. Il avait compris que quelque chose ne tournait pas rond. Il a aboyé, nous a léché les mains puis a marché devant. Il se retournait souvent pour vérifier qu'on le suivait bien. À cet instant, il m'est apparu d'une intelligence extraordinaire. Joyeux de se sentir utile il se trémoussait. Il nous attendait. On lui faisait entièrement confiance. On n'avait guère le choix. On a entendu à nouveau les clochettes bien qu'on ne distinguait rien dans la brume. On était sur la bonne voie. Il la connaissait la nature, bien mieux que quiconque. J'ai compris pourquoi les bergers s'aidaient dans leur tâche de ces gouffres à bouffe. On a buté sur la voiture aussi blanche que le reste du ciel.
-Bon dieu! Ce taré de chien n’est pas si débile!
Il n'a pas voulu monter dans le coffre et a couru devant la voiture pour nous montrer la route. On était vraiment heureux de l'avoir rencontré au fond d'une étable, ce clébard.

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