06/10/2007
LE VIN DES CRAPAUDS
Le Vin des Crapauds a été publié pour la première fois dans la collection Polder en supplément à la revue Décharge N° 81 par Jacques Morin en 1995. L'édition originale ne comprenait pas ces dessins de Bob de Groof, dessinateur dans la revue KITOKO JUNGLE MAGAZINE publiée à Vilvoorde par Guido kuyl et Guido Vermulen, mais ceux de Fatmir Limani lui aussi publié dans KITOKO. C'est pour rendre hommage au travail remarquable de Bob de groof qu'aujourd'hui je les publie avec ses dessins
à Jérome Bosch
à Goya
Un général de sa botte fourrageait dans une fourmilière prés du cimetière des esclaves noirs.
Sur le bout du pont il goûtait son tabac et pensait à des batailles factices.
La toute puissance entre ses mains, pétrisseur du feu, magicien de l'insolence.
Il réfléchissait à de chiennes alliances.
Bâtards grouillants sur des bateaux à la dérive, ou nus dans la forêt les déserteurs erraient et traquaient les rats musqués pour survivre.
Des soldats n'ont plus d'arbres pour veiller sur eux tandis que joue les écureuils de Central Park.
Quelle est cette peur qui hante ta maison général?
Tes esclaves auront une stèle n'est-ce pas, général?
Les écrans visitent le décor de l'enfer.
Les moteurs prêts à mordre tournent dés l'aube.
Ceux qui perçoivent les ténèbres à travers la peau de leurs gants me parlent.
Que sonne la charge des cavaliers livreurs d'orages.
Ce n'est pas un poème mais une agression envers ceux qui croiront ces futiles magiciens.
Du sang coulait des yeux crevés.
De ses mains écrasées elle le tenait dans ses bras et criait en entendant passer là-haut les insectes du désespoir.
Les voyants rouges allumés, les soutes ouvertes, riez, riez! Et que les bouches tordues mordent l'ordre du silence. Instants dépravés avant la mort du taureau.
Mange ton fils amère humanité et pose le couteau sur sa gorge.
Voilà la puissance entre vos mains.
Où sont les chants de la victoire?
Je ne reconnais rien qui m'appartienne.
La cendre a tout recouvert.
Dressées en l'honneur du sacrifice des statues de pierre en larmes.
Les fous agitent leurs crécelles et dispersent les lauriers des vendeurs d'horizon.
Dans mes visions cauchemardesques je traverse la ligne de feu, machette en main besogneux coupeur de têtes, nettoyeur de tranchées.
Le rideau rouge se lève sur un spectacle éternel.
Soient maudits ce temps, cette infâme cité construite avec des débris d'os.
Ténébreux ouvriers de la mitraille, éclopés des bouges de la victoire, abeilles rutilantes percez les chairs.
Crachez sur l'amertume des âmes brisées.
Des squelettes de chiens aux portes des villages dégoulinants de vapeur et d'acide jappent d'effroi avec d'infernaux aboiements.
Bâtards pire que maudits qui jonglez avec le feu de mes mains je veux vous arracher les yeux.
De la terre fendue monte des langues de caméléons.
Des flammes vertes et phosphorescentes bruissent sous une marmite où cuisent des cadavres dépecés pour un festin anthropophage.
Le soir le fou se glisse le long des murs, ce gueux impardonnable refuse la danse des singes.
Bel acier cherche ta voie dans les entrailles, la viande chaude et le sang doux.
Couvre toi de gloire acier. Trempe ton fil dans le muscle et la gorge de la poupée.
Mouche noire au reflet d'argent voici ta terre.
Creuse tes tunnels dans la mort fertile.
Petite perle de nacre qui rend la viande propice à la multiplication des pains.
Cherche bel acier! Cherche!
Ton chemin dans ces carcasses.
Que brûlent les noms vénérés dans les batailles.
Le Tage charriera la pestilence du monde et le fleuve amour coulera rouge.
Je crains ne jamais pouvoir donner mon pardon à l'oeuvre de l'enfer.
Vagabonds en selle sur des chevaux de carton pâte, hardes de brouillard qui hantent de leur présence les chemins parsemés de clous.
Pourrais-je apaiser cette brûlure? Cette insouciance est en trop.
Héros dites-nous le prix de la vilenie et du mensonge!
La mort vous attendait translucide couverte de douces lumières.
Silhouettes pétrifiées témoins des nuits blanches.
Dites-nous la mémoire des ténèbres le voyage au bout, soldat inconnu.
Serrant ta défroque la peur au ventre allumes une cigarette et souviens toi.
De ces chants orgueilleux qui unissaient votre gloire.
Héros dites-nous le prix de la vilenie et du mensonge!
Dans mes veines rentraient la froideur du métal et la pâleur de la lune.
J'avais si peur et si froid que je demandais pitié à l'ombre.
A la gloire du monde des paroles sans haine la tragédie des textes de mains offerte à un dieu sanguinaire.
Le grand silence de la bave entre nous a pris place je voudrais prononcer des mots à l'encontre du malheur.
Il serait si doux de décider d'un autre chant que celui de la plèbe couverte de mensonges.
Répandre d'autres croyances.
Je voulais du vin et du silence l'amertume des nèfles avant la gelée préférant fuir les heures du chaos et la grêle des mitrailleuses égrenant l'aube.
Plus rien n'étonne, ni la faim ni la peur.
Les flammes délivrent de l'amertume.
La parole n'a plus cours. Pestilences du monde.
Odeur de charognes et de cadavres en pourriture parfums de guerre, maisons brûlées.
Le deal des fous, l'horreur cotée en bourse.
Et moi qui me croyais idiot.
Répétition des tirs automatiques symphonie sourde du canon. Explosion féerique du massacre fusées éclairantes feux de Bengale. Impacts des balles traçantes. Staccato des mitrailleuses lourdes. Pointes aiguës des tireurs d'élite. Sifflement des projectiles perdus. Bal de nuit, tango de la mort. Riez squelettes, étreignez vos partenaires. Serrez les os de vos cavalières au fond des fosses communes.
Carnage rieur, gaz moutarde hilarant... Plasma fumant tripes et boyaux s'enlaçant. Boue, fumier, ordure, foutre, merde, viol, torture: le régal des gourmets. Guerre, jeunesse du monde. Ces paroles n'ont pas plus de sens que ces actes, ils procèdent du même cauchemar. Refaire le devoir injuste, les plans faux. L'horreur ne faillit jamais. Béquille de bois, la vie n'est qu'une béquille de bois aux monstres bipèdes. Celui qui ne possède pas la peur ne peut que se reposer sur l'enfer.
Wall street et Nikkai, Cac Quarante, Dow-jones & Kopek, Rial, Escudos. La saga des couteaux le théâtre du devoir, le concert des nations, la patrie des sans abris caviar et champagne. Aka quarante sept ou Uzzi jolis prénoms pour une étreinte céleste. Où trouver refuge, fermer ses yeux boucher ses oreilles. Quand la force et le mépris s'unissent. Déjà mille fois entendue, la logique du jeu. Comment croire en ces vieux singes fourbes et niais qui ne souffrent pas de compassion?
Du poète c'est le lot que de la guerre devoir encore en extraire l'or de l'amour. Paroles graves dans ces heures de lampion. La fête donne les fruits amers de l'horreur derrière les façades désertes des villes mortes. L'humanité suffoque de ces ventres atroces de femmes violées, la vie survit. Ouvertes nos mains aux cendres qui nous privent de toute joie. Les récits viennent des racines de la haine, des regards qui déshabillent et tuent en silence.
Je n'ai pas souvenir d'un instant de paix, chaque jour déverse son lot guerrier et nous maintient la tête sous l'eau. Nous devons cesser de croire possibles la beauté et l'amour.
Les combattants hantent en vain le domaine du sacrifice dressés au feu et à l'odeur de mort. Ils ont le vertige de l'innocence.
Cavaliers venus des terres perdues chevauchant le hasard, le désespoir au bout du sabre, fantassins des miroirs, bâtards en chasse. Le sang des martyrs, la folie des âmes.
Des femmes sur le champ de bataille cherchent leurs morts et psalmodient pour être délivrées de ces tyrans.
Ils voulaient la guerre ces ludiques imbéciles: qu'elle les emporte d'un voile.
Pas de tristesse seulement le désir d'autre chose qui persiste.
Sublime laideur et sa volonté d'oeuvre.
20:49 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : poésie, voyage, littérature, photographie
06/06/2007
Le chemin des tropiques
Avec des photos de Misha GORDIN
Sur le chemin de l'intérieur, une aventure assiégée par la nuit glissait écartelant entre ses bras les ombres présentes.
Poitrine offerte aux vents je marchais soufflant dans le reflet des jours, habitant l'instant de l'orage et la soif du temps.
Je donnais voix aux jappements des corbeaux la carapace recouverte des chemins de tropique.
Clown chimérique calculant des points de chute, prenant à témoin les rocs, sur une route de bacchanales, d'Amériques en haillons, l'être symbolique malade et fatigué.
Je cueillais le coeur de la jungle, l'ivresse couchée dans le lit des faits emprisonné dans le havre des cuisses. Distance impossible à combler.
Les hiboux crucifiés condamnaient l'espérance. Poignants rires de rasoirs.
Je noircissais mes mains à la cagne des ordures, croyant pouvoir vivre chien sans une tune.
Dans les gargotes je mangeais la fiente des pigeons et buvais la sueur des fourmis.
Impliqué dans des affaires chaotiques.
Je regardais le sexe des jeunes vierges et des vieilles femmes ridées, les fesses des éphèbes et des colosses adipeux.
Je vendais l'air et des fausses images pieuses, en tirait d'infernales joies.
Je n'étais qu'un homme de main.
J'ai senti la mort me frôler souvent, son odeur trahissait sa présence lorsqu'elle jouait à la courte paille.
Je me suis fourvoyé dans des impasses où les récifs affleurent et déchirent la robe de l'eau en dentelle d'écume. Je suis repassé sur les traces trop nombreuses qui se recoupent et à l'infini se perdent sur le sable.
J'aurais tant voulu m'envoler, cela paraissait improbable.
S'est dérobée la cascade de l'insouciance.
Invisible le nom des gares en haut des vagues où je guettais le cap, je savais mon corps à portée de la main. J'ai changé souvent d'adresse et goûté de nouvelles ivresses. Désignant malheur la conspiration du néant.
Mes yeux ont vu se couvrir la terre de sel, les hommes devenus fous, piller leur destin et ériger en gloire l'ignorance figée des singes.
Ces bouffons risibles buvaient du sang à la coupe après avoir garrotté le conteur public.
La malédiction était sur nous.
Le commandeur jouait aux soldats de plomb et crachait sur la chair de ses esclaves agonisant à ses pieds.
Il riait de sa bouche édentée, se réjouissait du cloaque et s'enivrait du vin des crapauds.
Seigneur et maître, dieu devant lui se mettait à genoux, par la gorge des torturés il implorait grâce.
Le plus doux d'entre-vous deviendrait fou, s'il lui venait à l'esprit de ma douleur l'immensité.
Nos yeux étaient si faibles, un jour emportait un autre jour. Les iguanes qui régnaient au conseil des hommes les blés et l'or s'étaient appropriés.
Mais l'air, le parfum de l'air, la lumière, la douceur de l'air de la rue nous appartenaient.
J'ai prié les sages de ma montrer, ils m'ont éconduit.
Alors j'ai bu et lancé l'invective en voyou qui savait rire. Iconoclaste j'ai craché sur ces professeurs.
Le savoir en ces bouges n'avait pas cours.
Sa naissance il fallait renier et maudire le pubis flétri de sa mère, accroché aux seins alourdis des filles trop tétés par trop d'amères bouches aux relents d'alcool et de tabac froid.
Pourtant ils étaient joies de chair aussi nauséeux pouvaient-ils être.
Les rites de vengeances, de meurtres d'honneurs me semblaient moins obscures.
Glissé dans la peau d'un serpent descendu dans ces gouffres gisants, j'ai usé de cette joie usurpée, me croyant un autre.
A ce jeu d'ivresse j'y ai perdu mon image.
Chrysalide que ces carnets de notes sans le sens de la lettre, aurais-je en roi déchu cru toutes ces fables.
Sur la tête des lauriers rose des feuilles de sauge, crécelles secouées aux palabres des hommes.
Je frappais du poing sur les touches, de la machine comme on pénètre sur un ring.
Heurtais les désirs, les ratés, les chemins vulnérables, la vie et les conspirations du quotidien fossoyeur.
Penché sur les fresque de la mémoire j'ai reconstitué l'étroit chemin entre la maison et l'école avec les fragments des pages de cahiers.
Quelles peines pouvais-je craindre, contemplatif relégué au fond des venelles, les jours peu glorieux, les mots faibles?
La parole n'a pas la courtoisie du hasard.
Bras levés vers les fenêtres emmurées, j'ai hissé l'étendard de ma fureur. Les dents plantées dans les chairs, j'ai craché à la face de cette désolante inutilité le masque de la douleur qui me moulait si bien le visage.
J'ai pesé les mots en glaneur de paroles, pour m'installer dans ce domaine de quiétude quand le calme est ruiné par la fanfare. Silence fécond qu'aucun inquisiteur ne trouble. Sous les projecteurs le flamboyant perdait ses couleurs.
Chaque jour je me reprochais de n'avoir pas sur les tablettes gravé l'ordonnance des choses et essayais d'inventer un nom pour cette soif.
Je me jetais dans ces instants éternels de joies anodines laminant le désespoir.
Je n'attendais rien des mensonges réguliers des forfaitures avides de marécages et me réinventais des faux semblants.
Jamais je n'ai parié sur les chants funèbres ni sur la compassion des pleureuses.
Avec la transparence la vie est moins lourde.
Ce jeu féroce prête à rire.
Bouleverser les images, garder l'essentiel, vivre au détail est trop peu.
Rien de gratuit.
La richesse intérieure se dilapide en tourments j'ai branché la perception sur la grâce endossant le bleu sous la mitraille.
Les faits divers pénètrent les chairs.
La maison du pendu impose sa présence à l'enfant que je n'ai pas été. Je ne maudis personne.
J'admire ces tentatives pour dissimuler le manque quand la folie monte au niveau de la ligne de flottaison.
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Ce texte a été publié pour la première fois par Jacques Morin dans la collection Polder, jamais réédité depuis
09:00 Publié dans poésie | Lien permanent | Commentaires (2)