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26/03/2017

Une autre critique par Jacmo dans la revue Texture...

En 1995, je publiais pour sa première édition « Le vin des crapauds » (Polder n° 81). Petit format avec un dessin de couverture signé Fatmir Limani de Kitoko Jungle Magazine. Seconde édition en 2017 chez Jean-Louis Massot : grand format avec 14 linogravures de Bob de Groof du même Kitoko Jungle. Fidélité aux textes et aux illustrateurs. 

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The Kitoko jungle Magazine twenty years after….

Si l’on compare les deux versions, on voit que Saïd a complètement remanié ses poèmes. Changement dans les vers, redécoupage des strophes, bouleversement dans l’ordre des pages, le début devient la fin… Pour autant, l’impact global reste le même. Une révolte pure contre la société, une dénonciation vindicative et vengeresse du système, un cri primal contre l’injustice et la haine. Les poèmes ont été écrits pendant la première guerre d’Irak, c’est dire qu’ils restent d’actualité. « Ce n’est pas un poème mais une agression… »
Saïd Mohamed sait jumeler des éléments disparates a priori, où abstrait et concret s’aimantent : « …mélange d’excréments et de sentiments […] De foi et de vomi, de moignons et de décadence… » Il peut aussi allier des mots voisins comme fous et gueux, fourbes et niais ou fantassins et bâtards… La trivialité très fréquente fait partie de la violence du discours. Son style reste semi-lyrique avec des emportements fougueux, mais toujours phrasés. Il est capable d’aligner le nom des bourses mondiales au même titre que faire appel à des références médiévales, cette contradiction apparente montrant bien l’état du monde et ses écarts vertigineux au sein d’un même siècle. Les imprécations, avec son lot d’exclamations et d’apostrophes sont monnaie courante : « Dieu, je n’ai jamais prononcé ton nom / Je t’ai maudit, chien de ta mère pour en aveugle / M’avoir conduit dans un monde que je renie. » De même, il règle ses comptes avec sa mère : « Pourquoi comme un chat ne m’as-tu pas / Au fond d’un sac jeté, et aussitôt noyé ? / Aujourd’hui, je ne te maudirais pas… » Il ne se fait pas de cadeau non plus dans ce vers, où l’antithèse est perceptible et l’asyndète éloquente : « Je ne suis pas ignoble, j’ai honte de vivre ».
« Le vin des crapauds » garde indemne sa charge virulente contre tout ce qui représente aux yeux du poète l’enfer sur terre. Les linogravures hallucinées de de Groof sont au diapason des poèmes apocalyptiques de Saïd Mohamed. Chiens et crocodiles aux yeux exorbités et autres monstres emportés dans une tempête noire, mitraillettes et crânes, grimaces et squelettes débordent le cadre. Ainsi, comme il est dit à la dernière ligne du livre : textes noirs et dessins cauchemars sont leur façon de dire : « Non à l’horreur ! » hier comme aujourd’hui.

(Saïd Mohamed & Bob de Groof : « Le vin des crapauds » 18 €. Les Carnets du Dessert de Lune. 18 €. 67, rue de Venise – 1050 Bruxelles. Belgique).

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