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27/11/2009

l'adieu aux larmes, etc....

Derrière Camus, l'adieu au livre au ministère de la Culture

A la Foire du Livre de Francfort le 14 octobre (Johannes Eisele/Reuters)

D'une main, le président de la République veut déterrer Albert Camus pour le panthéoniser et, de l'autre, il enterre le livre et la lecture en France. Effectivement, un décret daté du 15 novembre supprime carrément le poste de directeur du livre et de la lecture au ministère de la Culture pour le transformer en directeur général des médias et des industries culturelles.

 

L'effet Camus n'est donc qu'une manœuvre du prestidigitateur de l'Elysée pour camoufler la casse annoncée du livre en France. Bien joué ! Un beau leurre médiatique, sans compter les éructations nauséabondes de Eric Raoult jaloux de ne pas passer à la postérité comme Marie N'Diaye.

Très peu d'échos de cette suppression dans la presse, à part François Bon et l'excellente initiative - salutaire provocation au débat public -malheureusement pas du tout suivie de Lalie Walker et Francis Mizio.

Les fossoyeurs du livre ont-ils gagné la guerre ou juste une bataille ?

Le livre avait déjà beaucoup de mal à résister à la conjoncture économique et à notre époque de l'image. Et pour l'aider, notre ministre de la Culture, auteur lui-même et neveu d'un passionné de littérature, n'a pas trouvé mieux que de supprimer la direction qui lui était consacrée. Une page se tourne, peut-être la dernière.

Très mauvais horizon pour les auteurs, lecteurs, libraires, bibliothécaires, critiques, éditeurs, traducteurs… sur une planète éditoriale qui n'était déjà pas au beau fixe. Après la Poste, l'Education nationale, le secteur de la Santé, la série noire continue au pays de Voltaire.

Mais, cette fois, la casse de la lecture et du livre risque de passer complètement inaperçue. Une manif de bibliothécaires, auteurs, libraires, éditeurs, journalistes, attachées de presse, sera sans aucun doute moins efficace qu'une prise de bitume par des cheminots, pompiers, enseignants.

La marge de manœuvre est aussi étroite que l'esprit des technocrates ayant eu cette belle idée. Ont-ils lu dans leurs livres d'Histoire que les dictateurs adoraient au dessert les livres flambés ? Bien sûr, j'exagère et cette suppression n'a rien à voir avec la période sombre du pays de René Char. Cela dit, attention à la crise de foie démocratique.

Frédéric Mitterrand n'en parlera pas à Montreuil

Dix jours après ce décret s'ouvre le salon international du livre Jeunesse à Montreuil. Frédéric Mitterrand quittera son quartier de la place Valois pour aller l'inaugurer. Quel sera le contenu de son discours d'ouverture ? Fera-t-il allusion à la grande décision prise récemment ?

Pas du tout. Il évoquera le rayonnement de la littérature jeunesse et saluera le travail réalisé par tous les acteurs de la chaîne du livre sans qui cette manifestation ne pourrait se tenir :

« La vitrine de notre pays qui s'est toujours battu pour la création littéraire. Blabla…. Merci à untel, merci à une telle… »

 

Et, cornaqué par une poignée de collaborateurs, il ira serrer les mains qu'on lui désignera et retraversera la Seine. Sur le chemin du retour, il relira « Martin Eden » de Jack London et trouvera formidable la trajectoire de cet auteur né sans livres. Espérons que le décret du 15 novembre ne vienne pas perturber sa lecture.

A quand le dernier livre publié, les librairies transformées en bars branchés, les bibliothèques en horlogeries de luxe, les maison d'édition en boîte de nuit… Autres temps, autres mœurs. Mais pas de panique, nous pourrons regarder en boucle les œuvres de Dany Boon et, pour changer de registre, celles de Jean-Marie Bigard. Peut-être aurons-nous droit aux oeuvres complètes de Guaino ?

Albert Camus écrivait « Je fus placé à mi-distance de la misère et du soleil ». Aujourd'hui, on aurait plutôt tendance à écrire : « Nous survivons entre casse sociale et inculture bling bling“'.

PS : Cher Ministre de la Culture-sans-livres, jetez un p'tit coup d'œil gauche de l'entrée du salon du livre Jeunesse et vous découvrirez un ‘magnifique'’ camp de Roms à ciel ouvert dans la carcasse d'une usine. Cette vision vous rappelera-t-elle la lecture de Panait Istrati ?

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