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16/06/2007

Temples du sud (2)

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Ces lieux sont emplis d’une étrange présence ; le mantra récité en permanence par les hauts parleurs participe à cette étrangeté. L’esprit donne l’impression de se détacher du corps et qu’il flotte hors du temps, hors du corps. Cette sensation il l’avait déjà perçu en prenant des hallucinogènes. Là, il n’a fallu aucun produit, c’est le cerveau qui secrète son propre psychotrope. Rien à dire cela fonctionne.
Tous ces dieux colorés, ces personnages de bande dessinée en relief bariolés, ces dragons ailés, ces chevaux de granit, tous ces lieux qui se ressemblent et donnent une notion géographique trouble. Tout participe au décalage. Où suis-je ? Dans quel siècle sommes-nous ? Est-ce encore la terre ? Je ne reconnais rien. Suis-je déjà dans une autre galaxie ? qui sont ces gens ? Le jet flag si brutal. Comment s’habituer à l’évolution d’une civilisation lorsque la transition n’est pas inscrite dans la lenteur du défilement du paysage. Dans la dernière enceinte du temple, la pénombre du lieu ajoute encore au mystère. Des officiants versent ce qui semble être du lait sur des pierres en forme de phallus et le lait s’écoule par des rigoles à l’extérieur du temple avec les eaux usées. Ce lieu ressemble à un monstre étrange. Des gens font brûler de petites coupelles contenant de l’huile de palme gélifiée, d’autres s’enduisent le front d’un point blanc, jaune rouge, trois traits sur les bras. Pieds nus, sur le sol noir et luisant d’huile de palme rance. De l’encens, des chants. Quelqu’un s’adresse à vous en anglais pour vous indiquer que vous êtes à contresens de la marche. Hérésie. Vous avez commencé à contourner par la gauche.
Une sculpture de pierre, noire d’avoir été huilée, représentant un taureau allongé de taille imposante à l’encolure recouverte de couronnes de fleurs, de poudre blanche et de safran. Aux pieds de certaines autres statues dont les pieds sont recouverts d’une poudre couleur safran, des bâtons d’encens se consument.


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Lui qui rêvait de gloire : le voilà confronté à la vacuité de l’existence. Les quelques réminiscences de croyances qui lui restaient sur les buts de la vie se sont dissoutes. La matière ne convainc pas quand elle a eu son compte. C’est peut-être pour cette raison que personne ne pleure quand passe une cérémonie funéraire. Pas la peine de s’apitoyer sur le cadavre. Il est parfois accompagné par une fanfare où les gens chantent et dansent les yeux injectés de sang et l’haleine chargée des vapeurs d’un mauvais alcool de noix de coco. Ils accompagnent le défunt au bûcher dans un défilé bruyant extravagant et chaotique. Alors vous est revenu en mémoire ces enterrements où vous alliez enfant de choeur. Le spectacle n’était pas celui du mort, mais celui des vivants représentant une douleur avec leurs larmes.
Le catafalque couvert d’œillets d’inde orange que les perdants jettent sur la route tout au long du parcours est autant décoré qu’un char de carnaval. Précédé de gens joyeux qui dansent tandis que d’autres jouent de la musique, il est suivi par une bande de chèvres qui s’empiffrent de fleurs et mâchonnent nerveusement en agitant la queue, tout en crottant pour prouver le dérisoire de l’existence.
La mort tout le monde semble la mépriser. Le corps inanimé n’intéresse personne. On reconnaît une bonne crémation au tas de cendre et au peu des morceaux d’os qu’elle laisse. Il suffit que la famille du défunt possède l’argent nécessaire à sa totale crémation pour acheter le poids de bois nécessaire. Quand le miséreux ne possède pas de quoi se payer une fin décente le travail est bâclé. Les restes du corps non consumés finissent au fleuve dans le meilleur des cas, ou à la rivière en espérant que celle-ci ne soit pas à sec, sinon ce sont les chiens, les corbeaux, les vautours et les cochons qui font bombance. Les chiens galeux dont le poil est largement tombé par plaques laisse apparaître une peau rose avec des croûtes. En bande ils attendent leur casse-croûte, un rôti d’humain mal carbonisé. Le pauvre pour eux, c’est un festin assuré. Rien n’est perdu, tout se transforme dans une immense fête où la vie à plus de droit que la mort. Un cadavre ça doit faire des heureux et ça en fait…
L’instinct de survie reprend le dessus et ses yeux s’échappent pour fureter vers les spectacles de jeunes femmes, belles à maudire, qui passent dans la rue. Son désir d’étreindre le corps de ces femmes dont les saris brillent de tant de vie le rassure. Etrange réalité que le cerveau capte avec une fulgurante rapidité, passant en d’un état d’extase à celui d’abattement en quelques secondes.



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La dangerosité de l’Inde ne provient pas de ses habitants qui semblent les êtres les plus placides que la terre ait jamais porté. Bien que les hindous soient comme n’importe quel sapiens capable de découper à la machette son voisin avec qui il a essuyé depuis sa plus tendre enfance tous les coups fourrés de l’existence. Capable de réduire en torchère le plus honorable vieillard et en rations pour chien le dernier-né de sa belle famille, parce qu’il habite un autre village, une autre rue, ou le trottoir d’en face. Et ces huttes tressées dans les feuilles de palmiers ont la mauvaise idée de brûler aussi bien qu’une botte de foin, et d’être construites dans la promiscuité. Bref l’homme tel qu’en lui même, ni meilleur ni pire.

Le danger est ailleurs. Dans l’absence de repères identifiables, dans la vacuité de l’esprit...


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