29/03/2007
DANGER PUBLIC
Par Mouloud Akkouche
De retour d’un salon littéraire polar, j’attendais sur le quai d’une gare. Fatigué mais la tête pleine de bons souvenirs. Heureux de mon week-end. Un jeune flic de la police ferroviaire passa seul devant moi. Soudain, il lâcha : « Notre peuple vaincra. ». Je regardais autour de nous deux : personne d’autre. Et d’un pas tranquille, ce jeune fonctionnaire de police rejoignit ses collègues. Ventre noué, je le suivis des yeux et m’apprêtais à lui demander des explications. A quoi bon ? Ma famille m’attendait et je ne voulais pas ‘’ bénéficier ‘’ d’un outrage rébellion. Bref, pas envie de passer quelques heures au poste.
Dernièrement, j’ai vu une vieille femme- de type européen- se faire agresser verbalement par un flic de cette même police ferroviaire. Mais ce jour-là, une autre femme d’une quarantaine d’année, très élégante, prit la défense de l’octogénaire en assénant : « Un peu de respect, cette vieille dame pourrait être votre mère ! ». A l’évocation de sa génitrice, le flic baissa immédiatement les yeux, penaud. La montagne de muscles en uniforme redevenue un petit gosse timide. Apprivoisé. Un noir se mit aussi à défendre la vieille femme ; le flic releva d’un seul coup la tête, bave aux lèvres tel un pitt-bull assermenté. Prêt à fondre sur une proie plus facile.
Les exemples de ce genre sont nombreux. Habitué à ce genre de situations, je ne réagis plus. Impuissant. Depuis quelque temps, langues et matraques se délient au quotidien. Cette phrase lâchée par un fonctionnaire de la République me rappela la lecture d’un livre de Albert Cohen : « O vous frères humains ! ». Une histoire sombre se déroulant en Europe au début du vingtième siècle. La ‘’ bête immonde ‘’ reprend en ce moment du poil de la bête dans l’hexagone, une bête de mieux en mieux nourrie. Très simple de transformer le ministère de l’identité nationale en secrétariat d’état aux affaires immigrés. Darquier de Pellepois et Papon sont morts, pas leurs héritiers. Méfiance: l’histoire sert aussi des plats surgelés.
Pourquoi ce jeune flic a balancé cette phrase ? Connerie ? Racisme ? Sans doute beaucoup de raisons. Ou d’irrationalité ? En réalité, il venait de recevoir sa part d’héritage et commençait à l’utiliser. L’héritage de son ministre de tutelle quittant-le jour même- ses fonctions pour un avenir présidentiel.
Et j’ai repensé aux yeux inquiets de cette octogénaire tremblante de peur sur un quai de gare. D’autres regards ont défilé, regards de panthéonisés et d’anonymes dont il faudrait se rappeler. Lucie Aubrac, vous nous manquez. On pensera à vous et aux ‘’ justes ‘’ le 22 avril et le 6 mai.
Si vous voulez connaître les oeuvres de Mouloud Akkouche
19:05 Publié dans A hauteur d'homme | Lien permanent | Commentaires (0)
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