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20/12/2008

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Une nouvelle de Mouloud Akkouche


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45 degrés dehors, 34 à l’intérieur. Même volets fermés, l’appartement sous les toits était une fournaise. Allongé en short et torse nu sur un canapé, il dégoulinait de sueur. Les yeux cernés par une chasse nocturne aux moustiques, chasse rythmée par la sono des bars au pied de l’immeuble.
« On assiste depuis ce matin à un phénomène incroyable. Les gens se ruent sur les ventilateurs… »
_ Pas moi ! grommela-t-il en éteignant la radio.
La chaleur conjuguée au manque de sommeil, plus le courriel matinal de la banquière « Découvert largement dépassé. Veuillez rappeler d’urgence et ne plus vous servir de votre carte de crédit. », généraient une montée de bile. Et, condamné à rester dedans à cause de la canicule, sa nervosité risquait de croître. A moins que le coup de fil fut positif. Le patron d’une boîte devait l’appeler dans la journée pour proposer un poste deux fois mieux payé que le sien. Surtout ne pas rater l’appel.
Des bourdonnement firent trembler les murs.
_ Pouvait pas choisir un autre jour !
Il pestait contre les ouvriers qui intervenaient sur les canalisations. L’eau coupée jusqu’au soir. Il retourna s’asseoir et enfonça les écouteurs dans ses oreilles. Mais, très vite, il se releva du canapé brûlant et fit les cent pas.
Il écarta deux lames du volet. Personne dans les rues ni sur les terrasses.
Sur le bureau, une montagne de facture non ouvertes et de cartons de recommandés. Les étagères vidées des livres et C.D, tous revendus à très bas prix. Sa collection de B.D aussi.
Tout débuta par un spam ouvert par erreur : la pub d’un casino virtuel sur Internet. Cliquez ici et vous serez riche sans bouger de chez vous ! proposait une blonde avec un décolleté qui colonisait une partie de l’écran. Pourquoi pas, se dit-il sans imaginer où l’entraînerait ce premier clic. Au début, il gagnait beaucoup puis, peu à peu, alternait pertes et gains. Jusqu’au moment où les pertes s’enchaînèrent. Mais il voulut se refaire, empruntant même pour continuer de jouer. Bouffé par les nuits blanches, il ne fichait plus rien au boulot. Déjà deux mois d’ arrêt de maladie, les yeux rivés sur le casino virtuel. Persuadé de finir par toucher le jack pot.
Son mobile sonna.
_ Salut maman.
Il fronça les sourcils.
_ Mais non, je ne te fuis pas. Ecoute, je…
Elle l’interrompit et parla très vite. Il éloigna le téléphone, la voix s’égosillait dans le vide.
_ Ecoute, je…
Que dire ? Il regrettait d’avoir répondu. D’habitude, son numéro s’affichait. Elle laissait des messages qu’il effaçait sans même les écouter. Pas envie de s’étaler.
_ Je suis en déplacement pour mon job. J’ai un max de boulot en ce moment.
Elle ne le croyait pas.
_ Allô… Tu m’entends.
Il sortit sur le palier.
_ Quoi ? Je ne t’entends plus… Je te rappelle plus tard.
Un ouvrier posa un regard interrogateur sur lui avant de reprendre le perçage du mur.
Elle criait au bout du fil.
_ Je ne t’entends plus.
Il rentra et claqua la porte .
La chaleur avait encore augmenté. Il ouvrit le frigo: deux bières et un reste de pizza. Il décapsula une cannette, but une gorgée puis passa la bouteille sur son front.
Impossible de tenir en place. Corps poisseux, plus qu’une boule de sueur et d’impatience. Et ce mobile qui ne sonnait pas ! Il se déshabilla et s’allongea entièrement nu. Le lino le rafraîchit un peu.
Adossé contre le mur, il fixait le mobile posé entre ses jambes. Des heures qu’il attendait. Il n’ a pas que moi, je l’intéresse pas, il appellera plutôt en fin de journée… Toutes les hypothèses circulaient dans sa tête. Plus le temps avançait, plus les pessimistes s’imposaient. Il décida de composer le numéro de son –peut-être – futur patron. « Désolé, il est en rendez-vous extérieur. Je peux prendre un message ? ». Il lui raccrocha au nez. Rendez-vous extérieur, grommela-t-il, et moi je suis coincé ici comme un con !
Bien sûr, il aurait pu demander de l’aide à sa mère. Mais les intérêts avec elle étaient plus lourds que ceux de la banque. Sans compter les conseils en tous genres. Il vida la deuxième bière et s’amusa à faire rouler la cannette sous son pied.
La fin d’après-midi tirait à sa fin. La chaleur n’était pas retombée. Il avait la gorge sèche. L’épicier lui ferait bien crédit pour une bouteille d’eau. Mais dans l’escalier, son mobile ne passait pas ; s’il appelait à ce moment là ?
Il s’allongea sur le dos et ferma les yeux.
Soudain, il se précipita dans la cuisine et arracha tous les casiers du frigo.
_ Y en a marre !
Il se recroquevilla à l’intérieur et ferma la porte, son mobile dans la main.



La dernière parution de Mouloud.
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