Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

09/09/2007

La vie aux indes (4)

aa96d69a68aac001f7c6cca74df1d6b1.jpg

Photo Bénédicte Mercier

Á la saison des pluies la campagne dégouline de partout avec une couleur rouge sang et ce pays se transforme en un marigot où les grenouilles mènent le bal des amours. Elles sont lyriques et leurs envolées bruyantes au moment de la ponte. En pleine nuit, un ronflement monocorde et puissant le réveille. Instinctivement il pense que le ventilateur est en train de s’emballer dangereusement et il imagine le pire. Il prête l’oreille dans ce demi sommeille, où, épuisé de fatigue il était enfin arrivé a somnoler malgré cette moiteur. Cela pourrait ressembler à une samba au loin, si le rythme était plus rapide. La vibration de ce bruit c’est le battement du cœur de la mangrove. Sourd et lent comme un insolite moteur diesel monocylindre. Tout n’est plus qu’eau. Et les millions de grenouilles qui habitent, rizières, lacs, étangs et fleuves ont senti le temps du rut. Il n’en verra jamais une seule, mais à entendre leur sérénade il en imaginera des dizaines de milliers tellement lui paraîtra puissant le volume sonore. Elles appellent le mâle avec un étrange coassement en faisant gonfler une poche d’air sous leur gorge. Et le concert crapoteux qu’elles jouent vaut bien une symphonie fantastique ou une charge de cavalerie pour cette apocalypse nocturne.
Cette chaleur moite provoque le renoncement à vouloir être. À quoi bon lutter, il faut laisser l'esprit aller, lâcher prise. C’est la seule issue pour ne pas perdre la raison. Car ici l’impression la plus forte est que plus rien ne peut rester intact, ni le corps, ni l’esprit effaré par tant de saletés, de mouches de puanteur, de folie concentrées en un seul point. Tout se décompose et devient sale, putride. L’être pris dans un intestin géant est réduit en une matière en voie de digestion qui fuit de son corps. Et il sent qu’il approche de l’état de décomposition. Qu’il va être happé, broyé et digéré avant d’être rejeté.

Les commentaires sont fermés.