09/06/2007
51 32 00 > 51 25 00 > 51 14 00…
Vient de paraître
Passe Ouest suivi de Ikaria LO 686070
de Alain Jégou aux éditions Apogée
Passe Ouest suivi de Ikaria LO 686070
de Alain Jégou aux éditions Apogée
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Derniers ouvrages publiés par Alain:
Qui contrôle la situation ? éd. La Digitale, 2005
Juste de passage (paso por aqui), éd. Citadel Road, 2005
Symphonie érotique, éd. Fibres Libres & L'Autre Rive, 2005
Gracias a la vida, Ed. Le chat qui tousse, 2004
Totems d'ailleurs, ed. Le Dé bleu
Comme du vivant d'écume, ed. La Digitale
Paroles de sable, ed. La Digitale
Ikaria LO 686070, ed. Travers
Kerouac city blues, ed. La digitale
La piste des larmes, ed. Blanc silex
Jack Kerouac et la Bretagne, ed. Blanc Silex
Chair de Sienne, ed. Cadex
Flüchtige Schatten - Ombres furtives, ed.AVA
- Audernach (Allemagne)
42 07 00 > 42 12 00 > 42 20 00…
Par Alain Jégou
Chiffres rouges sur écran noir, défilant au son des bielles et des pistons, trifouillant l’ombre de leur arrogante clarté. S’excitent et se bousculent entre les verts paysages du radar et les grésillements intermittents de la VHF.
Dans les bannettes, ça pionce et ronfle saccadé, au même rythme que celui du clapotis frappant la coque dévergondée. Les effluves de rêves, de cœurs et de corps, traversent le pont par la même voie d’aération. Curieux mélange qui se fond et disparaît dans la fraîcheur matutinale de l’air.
Quelques goélands, installés confortablement sur l’enveloppe du Bombard ou agrippés à la rambarde du gaillard, tels des véliplanchistes à leur wishbone, houppette au vent et œil perforant la bulle d’horizon , se font véhiculer gratos. Pas de petites économies d’énergie pour ces feignasses notoires, même pas caps de plonger et de chasser eux-mêmes pour se remplir la panse. Plus fastoche de cueillir les boyaux et les rejets de captures hors taille, les déchets d’après virage, triage et étripage, que de se mouiller le plumage pour courser les bancs de sprats, de sardines ou d’anchois, comme le font ces « abrutis » de Fous de Bassan, de macareux, de Guillemots ou de cormorans.
De sacrés malins, les goélands ! La preuve : déjà quelques minutes avant que ne soient entamées les manœuvres de virage, avant que l’équipage n’ait fini d’enfiler ses cirés pour se pointer sur le pont, on les voit rappliquer, surgir de nulle part, s’exciter et piailler autour du navire, comme s’ils avaient pressenti l’action et flairé la curée. Pas encore né le zig qui parviendra à élucider le mystère, à leur faire cracher le morceau, à percer le secret de leur curieux don de prémonition. Pas né non plus celui qui parviendra à leur claquer le beignet afin qu’ils cessent enfin de godelurer dans la mature et de nous chier sur le caillou en caquetant de plaisir lorsqu’ils sont rassasiés.
Les feux de poupe et projecteurs de pont des autres rafiots de la flottille bringuebalent à quelques encablures. Ca clignote et papillote au rythme du tangage et du roulis, agresse la pupille et éblouit celui qui suit.
La manne attend dans les fonds endormis. Dès les premières lueurs de l’aube, les premiers rayons suffisamment fringants pour pénétrer et perforer l’onde jusqu’au tréfonds, elle sortira de sa léthargie, s’extirpant de l’ombre rocheuse ou de la gangue de vase, pour se dégourdir les pinces, la carapace ou les écailles, aller goûter aux joies du jogging sous-marin et se payer ensuite une copieuse tranche de plancton en guise de petit déj . Le premier qui collera en pêche, juste avant le jour, sera le mieux placé pour accueillir dans son piège tout ce petit monde gracile et frétillant.
Il fait bon fendre l’écume en cette nuit finissante, avec pour seul souci de faire le choix du creux où filer l’outil de travail pour entamer la longue journée. Une décision qu’il faut prendre seul, en espérant qu’elle sera bonne. Juste une histoire de pif et d’expérience. Balancer l’attirail vite fait avant de confier la barre à l’homme de quart et de sauter à son tour dans les bras de Morphée.
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Le vent propage sa hargne dans le ciel malléable, sème sa zone, violente l’espace et secoue le pucier des ondées lunatiques. Il gribouille des éclairs sur la peau de la mer, tord le cou aux nuages, fait voler de l’écume au cul des satanics et trifouille dans les chairs de la houle résiduelle pour réveiller ses spasmes et sursauts outranciers.
Les vagues, ivres de courants d’air, aussi exubérantes qu’une bande de crevettes en goguette, s’égayent dans tous les sens, se bousculent et s’enchevêtrent, se mêlent les pinceaux et se ratatinent la crête sur l’étrave des navires, en pêche ou à la cape.
Le paysage giflé, boxé, dérouillé par la clique hystérique, mute et chamboule sous les yeux blasés des matelots éreintés. Emmitouflés dans leurs cirés, la clope aux lèvres et les pieds bien calés contre les planches de parc, certains attendent l’abordage du pavillon, d’autres l’arrivée des panneaux ou le largage du cul. D’autres encore, que le grain passe pour crocher dans la bouée ou lovés dans leur couchette, que l’accalmie revienne pour recoller en pêche.
Les forces conjuguées de la mer et des vents imposent leurs lois aux hommes des équipages. A chaque patron de savoir jusqu’où il peut aller, jusqu’à quelle force son rafiot résistera, à quel moment il deviendra urgent d’aller chercher l’abri des côtes ou de mettre à la cape pour se préserver du pire.
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Les visages d’aucuns sont comme des cartes marines, lardés de failles, de crevasses et de ridules ombrées. Grêlés de cratères et récifs efflanqués ou parsemés de platures au galbe lisse et gras.
Dans le grain et les nuances des zones de transparence, le réseau des veinules et des nervures, sinueuses comme des lignes de fonds, on peut lire et découvrir tout l’univers des troubles et turbulences, le calque des sentiments concrétisés au fil des expériences, les paysages poignants modelés par quelques milliers d’heures de trime, d’inquiétudes et de fatigues immenses.
Morsures des vents et des froidures. Brûlures du sel et du soleil. Eraflures, boursouflures, balafres et scarifications. Pigmentation étrange des traits. Toute l’œuvre plastique issue de l’action des éléments et du tirage des émotions.
Trou de l’Insécurité, Mer de l’Intranquillité, Basse de la Culpabilité, Pic de la Désolation, Plature des Meurtrissures, Coursive de la Colère, Vasière des Rancoeurs, Plateau des Griefs, Récif des Regrets… Tout un inventaire, aussi étrange et fascinant que n’importe quelle carte hydrographique ou plan de sédimentation, affiché sur les chairs des racleurs d’océan.
Dans les bannettes, ça pionce et ronfle saccadé, au même rythme que celui du clapotis frappant la coque dévergondée. Les effluves de rêves, de cœurs et de corps, traversent le pont par la même voie d’aération. Curieux mélange qui se fond et disparaît dans la fraîcheur matutinale de l’air.
Quelques goélands, installés confortablement sur l’enveloppe du Bombard ou agrippés à la rambarde du gaillard, tels des véliplanchistes à leur wishbone, houppette au vent et œil perforant la bulle d’horizon , se font véhiculer gratos. Pas de petites économies d’énergie pour ces feignasses notoires, même pas caps de plonger et de chasser eux-mêmes pour se remplir la panse. Plus fastoche de cueillir les boyaux et les rejets de captures hors taille, les déchets d’après virage, triage et étripage, que de se mouiller le plumage pour courser les bancs de sprats, de sardines ou d’anchois, comme le font ces « abrutis » de Fous de Bassan, de macareux, de Guillemots ou de cormorans.
De sacrés malins, les goélands ! La preuve : déjà quelques minutes avant que ne soient entamées les manœuvres de virage, avant que l’équipage n’ait fini d’enfiler ses cirés pour se pointer sur le pont, on les voit rappliquer, surgir de nulle part, s’exciter et piailler autour du navire, comme s’ils avaient pressenti l’action et flairé la curée. Pas encore né le zig qui parviendra à élucider le mystère, à leur faire cracher le morceau, à percer le secret de leur curieux don de prémonition. Pas né non plus celui qui parviendra à leur claquer le beignet afin qu’ils cessent enfin de godelurer dans la mature et de nous chier sur le caillou en caquetant de plaisir lorsqu’ils sont rassasiés.
Les feux de poupe et projecteurs de pont des autres rafiots de la flottille bringuebalent à quelques encablures. Ca clignote et papillote au rythme du tangage et du roulis, agresse la pupille et éblouit celui qui suit.
La manne attend dans les fonds endormis. Dès les premières lueurs de l’aube, les premiers rayons suffisamment fringants pour pénétrer et perforer l’onde jusqu’au tréfonds, elle sortira de sa léthargie, s’extirpant de l’ombre rocheuse ou de la gangue de vase, pour se dégourdir les pinces, la carapace ou les écailles, aller goûter aux joies du jogging sous-marin et se payer ensuite une copieuse tranche de plancton en guise de petit déj . Le premier qui collera en pêche, juste avant le jour, sera le mieux placé pour accueillir dans son piège tout ce petit monde gracile et frétillant.
Il fait bon fendre l’écume en cette nuit finissante, avec pour seul souci de faire le choix du creux où filer l’outil de travail pour entamer la longue journée. Une décision qu’il faut prendre seul, en espérant qu’elle sera bonne. Juste une histoire de pif et d’expérience. Balancer l’attirail vite fait avant de confier la barre à l’homme de quart et de sauter à son tour dans les bras de Morphée.
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Le vent propage sa hargne dans le ciel malléable, sème sa zone, violente l’espace et secoue le pucier des ondées lunatiques. Il gribouille des éclairs sur la peau de la mer, tord le cou aux nuages, fait voler de l’écume au cul des satanics et trifouille dans les chairs de la houle résiduelle pour réveiller ses spasmes et sursauts outranciers.
Les vagues, ivres de courants d’air, aussi exubérantes qu’une bande de crevettes en goguette, s’égayent dans tous les sens, se bousculent et s’enchevêtrent, se mêlent les pinceaux et se ratatinent la crête sur l’étrave des navires, en pêche ou à la cape.
Le paysage giflé, boxé, dérouillé par la clique hystérique, mute et chamboule sous les yeux blasés des matelots éreintés. Emmitouflés dans leurs cirés, la clope aux lèvres et les pieds bien calés contre les planches de parc, certains attendent l’abordage du pavillon, d’autres l’arrivée des panneaux ou le largage du cul. D’autres encore, que le grain passe pour crocher dans la bouée ou lovés dans leur couchette, que l’accalmie revienne pour recoller en pêche.
Les forces conjuguées de la mer et des vents imposent leurs lois aux hommes des équipages. A chaque patron de savoir jusqu’où il peut aller, jusqu’à quelle force son rafiot résistera, à quel moment il deviendra urgent d’aller chercher l’abri des côtes ou de mettre à la cape pour se préserver du pire.
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Les visages d’aucuns sont comme des cartes marines, lardés de failles, de crevasses et de ridules ombrées. Grêlés de cratères et récifs efflanqués ou parsemés de platures au galbe lisse et gras.
Dans le grain et les nuances des zones de transparence, le réseau des veinules et des nervures, sinueuses comme des lignes de fonds, on peut lire et découvrir tout l’univers des troubles et turbulences, le calque des sentiments concrétisés au fil des expériences, les paysages poignants modelés par quelques milliers d’heures de trime, d’inquiétudes et de fatigues immenses.
Morsures des vents et des froidures. Brûlures du sel et du soleil. Eraflures, boursouflures, balafres et scarifications. Pigmentation étrange des traits. Toute l’œuvre plastique issue de l’action des éléments et du tirage des émotions.
Trou de l’Insécurité, Mer de l’Intranquillité, Basse de la Culpabilité, Pic de la Désolation, Plature des Meurtrissures, Coursive de la Colère, Vasière des Rancoeurs, Plateau des Griefs, Récif des Regrets… Tout un inventaire, aussi étrange et fascinant que n’importe quelle carte hydrographique ou plan de sédimentation, affiché sur les chairs des racleurs d’océan.
09:15 Publié dans A hauteur d'homme | Lien permanent | Commentaires (0)
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