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23/09/2016

Le système scolaire vu par Franck Lepage….

03/09/2016

Jours de Liesse

Une photo de la répétition lors de l'anniversaire des 20 ans du dessert de lune au théâtre éphéméride de Val de Rueil. Au cristal Baschet Karinn Helbert, au chant Abdou, chanteur soufi de l'ensemble Mogador d'Essaouira et de Dounia. Aux textes votre serviteur. Merci à Jean Christophe pour la photo. 
 
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Des extraits de jours de Liesse dits pas Cathy Garcia…..

 

 
 
 
Un article de jacques Josse, paru dans remue.net sur Jours de liesse.
 
 

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« Gringo égaré dans ces bas quartiers, il s’en est sorti, se demande encore comment », Saïd Mohamed.

 


 C’est dehors, au milieu des autres, dans l’incessant flux des piétons qui vaquent, se croisent, se heurtent, participant lui aussi à la grande bousculade, y happant des odeurs suaves, froides, enivrantes ou surannées, celles qui émanent des corps, des caniveaux, des chiens mouillés, des poubelles, des pots d’échappement, des cuisines ouvertes, c’est dans le brouhaha, dans l’agitation quotidienne, brutale et sauvage des rues animées que Saïd Mohamed va puiser l’étonnante vitalité qu’il diffuse ensuite sans compter dans ses poèmes. Il est en pays de connaissance. Il se mêle à ceux qui lui ressemblent et qui éprouvent l’impérieux besoin de côtoyer la foule plutôt que de s’isoler en chambre close. Cela se passe dans certains quartiers de Marrakech, de Paris, d’Istanbul ou de New York, dans des artères populaires que sillonnent des milliers d’anonymes souvent immigrés, réfugiés, délaissés, exclus, déclassés. Chacun d’entre eux porte une histoire particulière (qui a souvent à voir avec la pauvreté, la douleur, la guerre) et un présent qui prend des allures de survie en terre hostile.

 

« A Bab Doukala il faut s’être roulé dans la boue, les déchets des légumes et les couleurs emmêlées des montagnes de carottes, d’oignons blancs, de patates, de citrouilles, d’oranges, de bananes, de tomates, de courgettes, d’aubergines.
Y avoir entendu les cris des charretiers, les insultes des acheteurs.
Ainsi à Bab Doukala va le peuple qui patauge dans la richesse et l’indigence.
Peuple, sombre, de gueux fiers. Foule laide et grouillante, de noble et de mendiants mélangés. »

Arpentant l’espace urbain, il note plus ce qu’il ressent que ce qu’il voit et en profite pour mettre en route son imaginaire. Celui-ci le propulse dans des territoires où la réalité perd de sa rudesse. Quand il desserre l’étau quotidien, c’est pour y ajouter une dose de fantastique plus ou moins relié à certaines coutumes et légendes.

« L’ouvrier maçon, père de famille affamée, a bu le lait d’une femme enceinte, respiré l’encens, laissé couler le sang d’un coq noir sur la terre.
Il a suspendu une tête d’agneau au porte-bagages de son vélo et fait sept fois le tour des remparts dans le sens du soleil.
En rentrant chez lui après son labeur il a vu qu’un festin et un palais l’attendaient.
Sa tête envoûtée résonnait, des coups la frappaient drus, telle la peau de chèvre polie d’un tambour. »

Il y a chez Saïd Mohamed un souffle (et l’oralité n’y est sans doute pas pour rien) qui tend à l’extrême chacun de ses textes. Ce souffle-là est porteur d’une énergie rare. Qui doit, de temps à autre, on imagine, l’épuiser.


Saïd Mohamed : Jours de liesse, illustrations de Coline Bruges-Renard et préface de Jacques Morin, Les Carnets du Dessert de Lune.

Jacques Josse - 24 mai 2015

Une note de lecture sur Jours de Liesse….

Jours de Liesse

Les éditions Les Carnets du Dessert de Lune fêtent leurs 20 années d'existence et c'est un anniversaire qui me réjouit tant cet éditeur, en l'occurrence le charismatique Jean-Louis Massot, a toujours réussi à nous surprendre par des textes de qualité. Et le recueil de Saïd Mohamed ne vient certainement pas dépareiller l'harmonie du catalogue. Soulignons par la même occasion que Saïd Mohamed a déjà précédemment publié deux recueils aux "Carnets", "Souffles" en 2006 et "L'éponge des mots" en 2012 (prix CoPo 2014). "Jours de liesse" est visuellement un beau recueil, superbement illustré par Coline Bruges-Renard, une artiste passionnée par la peinture et le dessin mais aussi par l'édition puisqu'elle a mis en place des structures de micro-édition (Odonata édition et Dérive Hâtive édition). "Jours de liesse" est un "recueil quadriphonique". "Quatre lieux, quatre moments", annonce Jacques Morin dans sa préface, car Saïd Mohamed nous emmène bien aux quatre coins du monde, de Marrakech à New York, en passant par Paris et Istanbul, mais toujours avec la "poésie blottie dans le havresac". A Marrakech, la liesse se confond dans la chair exultante ou souffrante, dans la misère ou la splendeur abjecte de la vie entre poussière et bitume.Le poète déambule, se gonfle comme une éponge de la vie grouillante, incapable de haine pourtant. "Mon peuple je ne te déteste pas assez pour que tu me sois indifférent". Mais le désir est là, une "terrible envie de fuir". De fuir vers Paris d'abord et sa grisaille dans laquelle il pénètre "avec la masse à l'heure du labeur pour trouver de la poésie au quotidien". Car il s'agit bien de cela, Saïd Mohamed avance dans la ville en quête de poésie, de cette poésie de la rue, dans la rue, dans la promiscuité des chairs et des couleurs, des belles demeures et des tôles ondulées. Poésie des cafés et des trains où l'on parle. "Entre vos doigts passent ces trésors intouchables le savoir impartageable du bonheur des mots". Le poète marche, le poète croise des regards inconnus, "Visages déracinés, jamais vus, jamais recroisés". Dans la banlieue, "des hommes rient, d'autres fument ou tapent le carton sur l'épaule de la nuit moite…" "Parfois on se réjouit de presque rien, on pense être en vie simplement pour la joie de brûler ses doigts à la flamme des soifs". On est venu d'ailleurs, du lointain de la misère et on a échoué "marché aux puces à Saint-Ouen" pour se recréer un lambeau de monde, "Bazar où se mélangent dentelles, NO FUTUR et Orient". On a traversé des "fleuves à la nage et les frontières sans papiers en trains de nuit" pour obtenir le droit à la "gamelle du quotidien" dans une ville où des clochards dans un square jettent du riz aux pigeons… On marche, on court, de Marrakech à Paris, de Paris à Istanbul et New York, et partout les mêmes rues, les mêmes paroles, le même néant. "Aucune parole n'a le poids du plomb. Il semble que tout soi étrangement vide, englué dans le brouillard". Le poète pose un œil ouvert, attentif et chaleureux… "Entrer dans une ville et aimer son peuple…" Partout la même danse des couleurs et des odeurs, la même valse des souvenirs et des espoirs (déçus). "Quand la crise sera finie un jour, il aura sa chance, celle qui tarde à venir"… La ville écrase les hommes, comme "le marteau pilon écrase le métal". Les tours de verre et de béton renvoient le piéton à ses rêves désespérés. Tout est trompe-l'œil pour les "foules apatrides", car c'est bien de cela qu'il s'agit tout au long de ce beau recueil : ne serions-nous pas tous, partout, des "homeless", des "vagabonds terrestres" rêvant peut-être de devenir des "clochards célestes" comme Kerouac ? Dans ce recueil en prose poétique, à l'écriture truffée d'images fortes, on retrouve la musicalité de la poésie arabe ou même parfois grecque – Ritsos ou Livaditis ne sont pas loin, et même les gens du Nord comme Tranströmer… Saïd Mohamed est né en France, en Basse-Normandie, mais il a dû hériter de ses aïeuls berbères le goût du voyage. Ce recueil nomade nous transporte et nous emplit les yeux, les oreilles et les narines. Couleurs, images, odeurs, mais aussi comme un arrière-goût un peu amer, un pincement désespéré, comme une mélancolie qui égratigne l'âme… Un recueil magique et original, parfaitement mis en valeur par l'éditeur, Les Carnets du Dessert de Lune.

© Claude DONNAY, Juin 2015

 

Jours de liesse dits par Cathy Garcia